Nul doute que Wilkie Collins n’ait donné avec Sans nom l’un de ses plus intraitables chefs-d’œuvre : celui en tout cas qui privera le mieux de sommeil le lecteur assez téméraire pour s’y plonger, pour s’y perdre. De tous ses romans, celui que préférait Dickens… C’est aussi le plus noir : portrait et itinéraire d’une femme dépossédée de toutes ses espérances (et même de son identité) à la suite d’un complot fomenté par des gens du meilleur monde. Elle se battra, se salira les mains, fera le terrible apprentissage de la liberté… et nous tiendra en haleine huit cents pages durant au fil d’une intrigue qui ne nous épargne rien. Prétexte, pour l’auteur, à décorseter la bonne société victorienne avec un sadisme tout hitchcockien.
Extrait :
« Existe-t-il donc, dans tout être humain, au-dessous de ce caractère extérieur et visible, empreint et façonné par les influences sociales qui nous entourent, une disposition intérieure, invisible, qui fait partie intégrante de nous-mêmes, que l’éducation peut modifier indirectement, mais qu’il faut désespérer de changer ? La philosophie qui conteste ceci et nous déclare nés avec des dispositions semblables à des feuillets de papier blanc, n’est-elle pas la même qui méconnaît la différence irrémédiable de nos visages, et qui, n’ayant jamais comparé deux enfants nouveau-nés, ignore à quel point échappent déjà, par d’irrésistibles instincts, à la volonté de leurs mères ou de leurs nourrices ? Existe-t-il, variant à l’infini selon chaque individu, des forces innées qui nous poussent, tous tant que nous sommes, vers le Bien ou vers le Mal ? forces cachées à des profondeurs où ne sauraient atteindre ni les encouragements purement humains, ni la contrainte humaine, Bien caché, Mal caché, tous deux également à la merci de l’occasion qui les libère, de la tentation qui les provoque ? De leur étroit cachot, le hasard des circonstances garde-t-il toujours la clef ? Et n’est-il pas ici bas de surveillance attentive qui nous puisse révéler à temps l’existence de ces forces prisonnières en nous-mêmes, et auxquelles cette clef peut donner issue ? »
J’ai passé de très bons moments, merci pour ce grand travail de lecture!
L’Histoire a laissé Wilkie Collins loin derrière Charles Dickens, vous le savez, Flobaie qui lisez et relisez Wilkie Collins ! Puissions-nous, modestement, vous et nous DDV, aider à lui rendre sa place légitime !
Merci pour cette oeuvre que j’ai lue avec mes yeux plusieurs fois et qu’avec votre voix mes oreilles apprécient maintenant à leur tour. Wilkie Collins est un auteur que j’aime beaucoup.
J’ai découvert le site en faisant des recherches pour agrémenter la solitude d’un ami malvoyant et vos lectures… sont parmi celles que j’apprécie le plus pour moi-même maintenant. Quel plaisir vous et les autres DDV apportez !
Pertinente Nadine !
Merci pour cette belle lecture qui m’a permis de découvrir un roman que je n’aurais pas lu autrement.
Ce récit reflète, comme le dit Steven, les préjugées de classe qui servent de fondement à la société de l’époque. Et Collins, en effet, ne les remet pas vraiment en question. En revanche, je pense que l’on peut porter à son crédit une forme de « féminisme » d’avant-garde. On sent que la condition des femmes le touche et c’est aussi ce qui rend à mes yeux ce roman très émouvant.
Vous avez raison, Steven, de nous rappeler que les romans de cette époque (et peut-être même d’avant) évoquent presque toujours les oppositions de classes sociales, et que l’humanité a avancé depuis, mais êtes-vous bien certain que la société d’aujourd’hui ne reste pas très “stratifiée” ? Je vous laisse méditer…
Bravo et merci de cette magnifique lecture. Le style est prenant quoique l’intrique soit bien sûr un peu mièvre, et la fin assez attendue. Je suis assez fasciné par les romans de cette époque dont les intrigues reposent presque uniquement sur les oppositions de classes sociales; l’opposition entre “la domesticité” (presque des esclaves, prêts à sacrifier tout pour les petits désirs de leurs maîtres), et les gens “bien nés”, qui n’ont aucuns mérites à part leur naissance. La paix sociale repose bien sûr sur l’acceptation pleine et entière de cet état de fait par la société dans son ensemble. L’auteur, au fond valide cette position par le dénouement. Certes, l’homme du peuple (le capitaine), s’il fait preuve de ruse et d’habileté, peut s’élever, mais il reste un “coquin”! A tous ceux qui pensent que notre société est pourrie et que rien n’a changé, la lecture vaut la peine!
@Coccinelle
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@Pomme
Madame Pomme,
Votre commentaire est honnête et surtout très courageux, venant d’une DDV 🙂
En définitive, tout est dans la façon de dire les choses: le respect doit toujours rester de mise.
Merci, chère Loiselle, pour votre compréhension, qui m’a beaucoup touchée.
Merci, chère Eclat du Soleil, pour vos quelques mots aimables et encourageants.
Vous êtes très réconfortantes! Je suis heureuse de lire pour vous et pour les aimables audio lecteurs.
Amitiés
Cocotte