Dans le contexte actuel de crise sanitaire et sociale, nos dettes explosent, et la France était déjà très endettée à environ 100 % de son PIB. Les États et les particuliers regardent donc l’avenir avec inquiétude. Qui pourra prêter ? rembourser ? pourra-t-on emprunter ? Mais des questions éthiques aussi ressurgissent. Comment juger de la responsabilité en matière de dettes ? La justice consiste-t-elle uniquement à payer ses dettes ? Distinguer rigoureusement et sans faiblir entre créancier et débiteur est-il le signe d’un véritable début d’équilibre économique ?
On pourra se rappeler qu’en 2008 la question de l’annulation des dettes s’était posée. En fait, elle s’est toujours posée. Dans l’Antiquité, l’esclavage pour dettes a posé de multiples problèmes. Chez les Hébreux, l’annulation des dettes était périodiquement prévue. Tout récemment, lors d’une de ses déclarations télévisées pendant le confinement, le chef de l’État français a annoncé que la dette des pays d’Afrique serait annulée. Est-ce surprenant ?
La réflexion de Simone Weil sur l’économie a pour mérite principal d’éclairer le caractère inéluctable des reports et annulations partielles ou totales des dettes. Beaucoup de situations et d’intérêts nous incitent à oublier périodiquement cela, mais ce n’est pas un hasard.
« L’économie est chose singulière. Combien de fois, depuis un certain nombre d’années, ne parle-t-on pas, soit à propos de tel ou tel pays, soit à propos du monde capitaliste dans son ensemble, d’effondrement économique ? On a ainsi l’impression, excitante et romantique, de vivre dans une maison qui, d’un jour à l’autre, peut s’écrouler. Pourtant, qu’on s’arrête un instant pour réfléchir au sens des mots, et qu’on se demande s’il y a jamais eu effondrement économique. Comme toutes les questions extrêmement simples, si simples qu’on ne songe jamais à les poser, celle-ci est propre à jeter dans un abîme de réflexions. […]
L’économie n’est pas comparable à une architecture ni les malheurs de l’économie à des effondrements.
Dans tous les domaines auxquels s’applique la pensée et l’activité humaine, la clef est constituée par une certaine notion de l’équilibre, sans laquelle il n’y a que misérables tâtonnements.»
Simone Weil, Quelques réflexions sur l’économie, 1937.
Oui le texte est disponible sur le net. Mais la version sur la page du blog mediapart est incomplète, vous trouverez le texte complet dans le pdf disponible à cette page : http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/ecrits_historiques/ecrits_historiques.html
Merci beaucoup pour cette découverte, c’est excellent ! Son Apologie de la banqueroute est particulièrement efficace.
Le texte https://blogs.mediapart.fr/guydufau/blog/020111/esquisse-dune-apologie-de-la-banqueroute-1937