Ses poèmes sont un aspect peu connu de l’œuvre de Simone Weil. En voici un, écrit en octobre 1941, peu après le début de son séjour en Ardèche, chez Gustave Thibon.
Ce poème est sans doute lui même une porte, comme celle qu’il évoque.
Il s’agit pour l’homme qui y frappe de découvrir l’absolu qui le transcende :
« Ouvrez-nous donc la porte et nous verrons les vergers,
Nous boirons leur eau froide où la lune a mis sa trace.
La longue route brûle ennemie aux étrangers.
Nous errons sans savoir et ne trouvons nulle place.
Nous voulons voir des fleurs. Ici la soif est sur nous.
Attendant et souffrant, nous voici devant la porte.
S’il le faut nous romprons cette porte avec nos coups.
Nous pressons et poussons, mais la barrière est trop forte.
Il faut languir, attendre et regarder vainement.
Nous regardons la porte ; elle est close, inébranlable.
Nous y fixons nos yeux ; nous pleurons sous le tourment ;
Nous la voyons toujours ; le poids du temps nous accable.
La porte est devant nous ; que nous sert-il de vouloir ?
Il vaut mieux s’en aller abandonnant l’espérance.
Nous n’entrerons jamais. Nous sommes las de la voir…
La porte en s’ouvrant laissa passer tant de silence
Que ni les vergers ne sont parus ni nulle fleur ;
Seul l’espace immense où sont le vide et la lumière
Fut soudain présent de part en part, combla le cœur,
Et lava les yeux presque aveugles sous la poussière. » (La Porte)
Newton, comme un ermite
Ou comme un paysan,
Loin des gens qui s’agitent,
Scrute le firmament.
La lune en la nuit claire,
Au travers d’un cristal ;
Pomme, lourde ou légère,
Au trajet vertical.
Newton en son verger
Calcule ce que pèsent
Les fruits qu’il va manger
Sous cette lune anglaise.
Merci M.rebondy pour ce très beau prolongement poétique avec Rilke, c’est vrai que cela consonne beaucoup. Mais, je ne sais pas si Simone Weil avait lu Rilke. Je vais chercher…
Cordialement
LC
Après l’écoute et la lecture de beau et énigmatique poème je n’ai pu m’empêcher de relire le poème de Rilke.
“Vergers”
Il me semble deviner un dialogue entre les deux…
Vers quel soleil gravitent
tant de désirs pesants ?
De cette ardeur que vous dites,
où est le firmament ?
Pour l’un à l’autre nous plaire,
faut-il tant appuyer ?
Soyons légers et légères
à la terre remuée
par tant de forces contraires.
Regardez bien le verger :
c’est inévitable qu’il pèse ;
pourtant de ce même malaise
il fait le bonheur de l’été.
merci pour ce poème et pour tout le travail que çà vous donne
merci pour ce beau poème qui m’à bien plus
Merci pour votre message M.Rebondy. Il me semble, toutefois, que, si l’espérance est bien abandonnée et le désespoir effectivement absent dans ce poème, le lecteur est incliné plutôt à croire que la lumière est là pour qui la désire.
Bonne année 2014, bien cordialement,
Merci pour ce beau poème, sans espoir ni désespoir!
Merci, chère Claire, pour ton message; et tous mes meilleurs vœux également pour toi et toute la famille pour 2014!
merci Ludovic pour cette belle porte ouvrant sur 2014, encore vide et lumineux. Bonne année à toi et à la famille!