« Quarante ans.
Je connais peu ma vie. Je ne l’ai jamais vue
S’éclairer dans les yeux d’un enfant né de moi.
Pourtant j’ai pénétré le secret de mon corps. Ô mon corps !
Toute la joie, toute l’angoisse des bêtes de la solitude
Est en toi, esprit de la terre, ô frère du rocher et de l’ortie.
Comme les blés et les nuages dans le vent,
Comme la pluie et les abeilles dans la lumière,
Quarante ans, quarante ans, mon corps, tu as nourri
De ton être secret le feu divin du Mouvement :
Tu ne passeras pas avant le mouvement de l’univers.
Que le son de ton nom inutile et obscur
Se perde avec le cri du dormeur dans la nuit ;
Rien ne saurait te séparer de ta mère la terre,
De ton ami le vent, de ton épouse la lumière.
Mon corps ! tant que deux cœurs séparés, égarés,
Se chercheront dans les vapeurs des cascades du matin,
Tant qu’un douzième appel de midi vibrera pour réjouir
La bête qui a soif et l’homme qui a faim ; tant que le loriot,
L’hôte des sources cachées, renversera sa pauvre tête
Pour chanter les louanges du Père des forêts; tant qu’une touffe
De myrtil noir élèvera ses baies pour leur faire respirer
L’air de ce monde, quand l’eau de soleil est tombée,
Ô errante poussière ! ô mon corps, tu vivras pour aimer et souffrir. »
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