Quand, en 1725, pendant la semaine sainte, Le Temple de Gnide parut, sous le pseudonyme d’un évêque grec, on cria au scandale : « On veut faire croire ce petit livret traduit du grec, et trouvé dans la bibliothèque d’un évêque, mais cela sort de la tête de quelque libertin qui a voulu envelopper des ordures sous des allégories. L’addition de la fin, où l’Amour fait revenir ses ailes sur le sein de Vénus n’est pas mal friponne ; et les femmes disent qu’elles veulent apprendre le grec, puisqu’on y trouve de si jolies cures : les allusions y couvrent des obscénités à demi nues. »
Ce « libertin » était Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, qui avait déjà anonymement publié Les Lettres persanes quatre ans plus tôt.
Dans cet ouvrage en sept chants qui veut selon la préface « faire voir que nous sommes heureux par les sentiments du cœur et non pas par les plaisirs des sens… » s’oppose l’amour des bergers dans les champs à celui de la ville. Aristée et sa bergère Camille, Antiloque et son amante Thémire, après être partis du temple de Vénus à Gnide, en Asie Mineure, avoir traversé l’antre terrible de Jalousie et s’être calmés à l’autel accueillant de Bacchus, arrivent chacun à des buts différents : la nature est la plus forte chez un couple, la vertu chez l’autre…
Illustration de Noël Le Mire (1724-1800), pour l’édition de 1772 du Temple de Gnide.
Plus que les textes lus, j’aime les délicieux commentaires surtout s’ils sont signés R. Depasse.