Portrait de Maxime Gorki en 1905, par Valentin Alexandrovich Serov

La Mère

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Lorsqu’il écrit La Mère en 1906, Gorki est aux États-Unis, avec mission de collecter des fonds pour le parti bolchevik. Il le termine à Capri où il s’exile et se soigne. Il vient de participer à la révolution russe de 1905, ce qui lui a valu d’être emprisonné par le gouvernement tsariste. Forcé de travailler à l’âge de 10 ans, devenu écrivain, il est opposant révolutionnaire depuis toujours.

Ce livre montre la pénétration des idées socialistes internationalistes et révolutionnaires, au sein de la classe ouvrière russe, à la veille de 1905, cet épisode préparatoire à la révolution de 1917.

Il montre comment un jeune ouvrier, Pavel, refuse de se laisser abrutir par l’exploitation, de se laisser aller au machisme, à l’alcoolisme, etc., dans lesquels a sombré autrefois son père. Lui et d’autres jeunes se forment et se transforment au contact de militants étrangers au faubourg, issus, pour certains, de la noblesse. Ils interviennent bientôt à la fabrique, à la campagne, dans la rue, lors de la journée internationale du 1er mai, avec la perspective de la répression, de la prison, etc. La mère de Pavel s’arrache douloureusement à son passé de femme battue par son mari – dont elle est veuve, et devient progressivement à son tour une militante.

« J’ai aussi compris votre vérité : tant qu’il y aura des riches, des puissants, le peuple n’obtiendra ni justice, ni joie, ni rien. […] Parfois, la nuit, je me remémore le passé, ma force foulée aux pieds, mon jeune cœur brisé… et j’ai amèrement pitié de moi-même ! Mais pourtant, ma vie s’est améliorée. […]
Je me suis tue toute ma vie, je ne pensais qu’à une chose : à éviter pour ainsi dire la journée, à la vivre sans qu’on m’aperçoive, pour qu’on m’ignore… Et maintenant je pense à tous… je ne comprends peut-être pas très bien vos affaires… mais tout le monde m’est proche, j’ai pitié de tous et souhaite le bonheur de tous… » (Première Partie, Chapitre XVI)

« Le moment est venu de résister à la force avide qui vit de notre travail, le moment est venu de se défendre ; il faut que chacun comprenne, que personne ne viendra à notre secours, si ce n’est nous-mêmes ! » [Pavel, Première Partie, Chapitre XII]

« On dit qu’il y a sur la terre toutes sortes de peuples : des Juifs et des Allemands, des Français, des Anglais, des Tatars. Mais je ne crois pas que ce soit vrai. Il y a seulement deux races, deux peuples irréconciliables : les riches et les pauvres ! » [Pavel, Première Partie, Chapitre XXVIII]

Traduction : Serge Perski (1870-1938).

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Portrait de Maxime Gorki en 1905, par Valentin Alexandrovich Serov (1865-1911).

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Livre audio gratuit ajouté le 18/07/2016.

24 Commentaires

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  1. Bonjour
    Merci pour cette belle histoire sur cette jolie mère.
    Merci Emilie Emilie,et Kadour vos questionnement,sont intéressant et m on donné envie d écouter cette histoire.
    Merci Albatros pour votre travail.

  2. Albatros rencontre un souci technique dans le dépôt de son commentaire… En réponse à Lim de sa part 🙂
    Carole

    *************************
    Bonjour Lim,

    Tout d’abord, concernant la page qui serait manquante, j’ai réécouté avec deux éditions papier de La mère :
    – une édition de 1945, traducteur Serge Perski, qui est celle que j’ai enregistrée à partir de sa version électronique sur wikisource.
    – une édition de 2001, traducteur René Huntzbucler
    => je n’ai pas vu d’omission.
    Par contre, René Huntzbucler semble sauter des phrases entières… A moins que ce soit Serge Perski qui en ait ajouté…

    J’ai réécouté une première fois, avec le texte sur Wikisource sous les yeux. J’ai alors entendu les mêmes choses que vous. J’avais pourtant pris le parti suivant : je fais les liaison, lorsqu’il s’agit du texte du récitant et je ne les fais pas, lorsqu’il s’agit du texte des dialogues. Mais je vois que je n’ai pu m’empêcher de faire, parfois, la liaison entre des mots pourtant dits par les personnages…
    Pire, j’ai fait des liaisons qui n’existent pas “nous voilà (t) au but” ou “je n’ai jamais vu (z) un visage comme le sien” : horreur !
    Ce ne sont plus des faute de goût ou d’élocution, mais des erreurs : j’ai fait des fautes d’orthographe parlées !

    Lecteur, ce n’est pas très respectueux de ma part de laisser ainsi. Mais je ne sais pas si je reprendrai un jour l’écoute de ces 16h pour débusquer ces erreurs.

    D’autant qu’il y a tellement d’autres choses qui ne me plaisent pas dans cet enregistremen.
    C’est mon premier et seul roman enregistré.
    Je savais en me lançant que c’était un exercice particulier, requerrant des qualités de “jeu d’acteur”. Il faut faire croire à la réalité du personnage. Mais je pensais que personne n’enregistrerait cet ouvrage… alors je me suis dit : si tu ne fais pas oeuvre fantastique, tu feras au moins oeuvre utile.

    J’avais tort : à mi-chemin de ma lecture, une fameuse donneuse de voix sur ce site, me demande si j’ai toujours l’intention d’enregister le livre…

    Bon maintenant on le sait : le livre mériterait son talent. A bon entendeur 😉

    Mais, en suivant mon enregistrement à l’aide de la seconde édition papier, traduite par une autre personne, j’ai fait une découverte étonnante : il y a une différence sensible entre les deux éditions. En particulier, concernant les dialogues.

    Ainsi, si ma diction n’est pas fameuse, si les personnages ne sont pas très vivants, par ma voix, si on ne sent pas une assez nette différence entre le récit et le langage parlé, cela vient peut-être en partie de la traduction…

    Allez rendre vivantes les paroles d’un paysan lorsque le texte est : “Nous ne vous ferons pas grâce !”
    La difficulté saute aux yeux lorsqu’on dispose de l’autre traduction : “attendez pas de pitié !” où la négation elle-même a été délibérément omise.

    Et Maxime Gorki, lui, s’est-il éloigné du langage parlé ?

    Déjà, il faut être un bon écrivain pour rendre “fidèlement” le langage parlé, d’autant plus difficile qu’il s’agit de celui d’un paysan et d’autant plus difficile que le paysan parle peut-être dans un dialecte que même un lecteur russe ne pourrait comprendre si l’écrivain ne trichait un peu…
    Alors il faut être un excellent traducteur pour prendre la mesure de la différence entre le style de Gorki et le langage parlé d’un paysan russe, pour savoir si cette différence est le fait d’une défaillance de l’auteur ou si elle est délibérée. Dans le cas de Gorki, je suppose qu’il faut partir du principe, qu’il maîtrise parfaitement l’écriture…

    Bref, votre question et votre remarque ont soulevé des tas de questions passionnantes !

    Je suppose que le traducteur, saisissant l’intention de l’auteur de reproduire le plus fidèlement le langage parlé, peut s’autoriser de s’écarter de la traduction littérale pour s’adapter au langage parlé en français.

    Par exemple, la traduction de Serge Perski met dans la bouche de Rybine ce qui ressemble à un tic de langage : “voilà”, à toutes les sauces. Comment comprendre ce “voilà”-ci et ce “voilà”-là ? Et comment l’interpréter oralement ?
    René Huntzbucler prend un parti : celui-ci, il le traduit en “c’est comme ça” ; celui-là, en “eh ben”…

    Tout ce qui, en toute discrétion, revient au traducteur ! C’est saisissant.

    Moralité : le donneur de voix a lui aussi un sacré travail à réaliser, et une sacré responsabilité ! Et dans le cas de la seconde traduction, son travail est facilité, je pense.

    Mais ici, de toute façon, on est obligé de s’en tenir à la version vieille de plus de 70 ans…

    Bon, j’ai essayé, j’ai vu, j’ai compris l’ampleur de la tâche… j’ai renoncé à perséverer…

    Je vous remercie en tous les cas pour vos remarques à l’origine de tant de découvertes. En particulier de ces défauts supplémentaires dont je n’avais pas eu conscience… et qui devraient me conduire à reprendre tout l’enregistrement… Mais se poserait alors la question de l’homogénéité du son… Le mieux, ennemi du bien ?

    J’espère que, étant déjà à plus de la moitié de l’ouvrage, vous avez néanmoins persévéré.

    Car ce texte, au délà des fautes de style, de traduction, d’enregistrement, présente un intérêt inestimable. Il est le témoignage d’une activité, qui par nature, étant clandestine, ne devait pas laisser de trace. Gorki n’aurait sans doute pas pu en parler s’il ne l’avait pas lui-même un peu vécu.

    C’est aussi le témoignage de la façon dont des illettrés, pour les nécessités du combat pour leur émancipation, se sont efforcés de devenir lettrés, capable de raconter à l’écrit. Gorki en est l’exemple

    J’espère, par ma réponse, vous avoir consolé de ces défauts horripilants,

    Bonne poursuite de lecture,

    Albatros

  3. Bonjour, et merci pour la lecture et le partage.

    Est-ce le texte intégral ? J’en suis à la moitié, et j’ai un honte. Il manque une page au cinquième chapitre de la seconde partie. Est-ce volontaire ou un simple oubli ? Merci de vérifier, et encore merci pour la lecture.

    PS : certaines liaisons heurtent assez l’oreille. Certains verbes conjugués (de mémoire) ou certains adverbes longs (en “ent” ou avec “toujours”). Concernant “toujours” par exemple, elle reflète beaucoup le niveau de préciosité du locuteur. On ne lit pas un texte mettant principalement en scène des personnages ouvriers comme on lit du Racine ou du Jean D’Ormesson^^. (Il en est de même par exemple pour “sourcil” ou “nombril”. La prononciation finale est bien plus la marque d’un niveau de locution appartenant à un petit groupe. C’est donc assez ironique — prononcé sans le z — d’entendre certaines de ces préciosités dans un tel texte.) Bref, ça reste accessoire à côté de ma remarque initiale à laquelle j’apprécierais une petite réponse 😉

  4. Emiliemilie,

    Vous avez écrit “Je me suis demandé quelles étaient les convictions religieuses de l’auteur.”.

    Je me le suis demandée aussi, tout au long du texte. Au chapitre XI par exemple, Gorki fait entrer Rybine, homme 20 ans plus âgé que Pavel, impressionné par l’intervention (clandestine) du jeune homme et de ses camarades à la fabrique :
    “— Tu vois, Pavel ! Ce n’est pas par la tête, c’est par le cœur qu’il faut commencer… Le cœur, c’est un endroit de l’âme humaine sur lequel il ne pousse rien que…

    — Que la raison ! acheva Pavel avec fermeté. C’est la raison seule qui affranchira l’homme.

    — La raison ne donne pas la puissance, répliqua Rybine d’une voix vibrante et obstinée. C’est le cœur qui donne la force, et non pas le cerveau !”
    […]
    Et Rybine disait, tranquille et sûr :

    — Un lieu saint ne peut rester vide. La place où Dieu vit en nous est attaquée, s’il tombe de l’âme, une plaie se formera, voilà ! il faut inventer une foi nouvelle, Pavel… Il faut créer un Dieu juste pour tous, un Dieu qui ne soit ni un juge, ni un guerrier, mais l’ami des hommes !”

    D’après quelques recherches, il se trouve que Maxime Gorki était peut-être plutôt plus proche de Rybine que de Pavel. En tous les cas, “[d]ans le numéro de mars 1907 de la revue du Mercure de France, Maxime Gorki défend la position des Constructeurs de Dieu contre l’athéisme de Gueorgui Plekhanov pour qui les religions sont amenées à disparaître avec l’avènement du communisme” https://fr.wikipedia.org/wiki/Construction_de_Dieu

    Au sein de la fraction bolchevique du parti social-démocrate récemment réunifié (avril 1906) un courant de la « Construction » ou de « l’édification » de Dieu, cherche à concilier marxisme et religion est animé par le futur commissaire du peuple à l’instruction, dans le gouvernement soviétique de 1917, Lounatcharski. Gorki soutient ce courant, puis un autre l’ « école de Capri », créé en août 1909, où il s’est Exilé depuis 1906. S’y rapprochent, outre le courant de « la Construction de Dieu », celui de l’ « otzovisme », initié par Bogdanov (beau-frère de Lounatcharski) qui exige la démission des députés bolchéviks de la Douma et prône la fondation d’une « culture prolétarienne »..
    En juillet 1909, Lenine convoque à Paris une conférence de la rédaction élargie du « Proletari » où il dénonce ces courants. Bogdanov est exclu peu de temps après de la fraction bolchévique et fonde le journal Vperiod à la fin de 1909. Lénine fonde alorsen mai 1911, à Longjumeau une « contre école ». Vperiod se désagrège en 1913-1914
    Voir aussi “Theatre et révolution” d’Emile Copfermann où est retracée la vie de Lounatcharski http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/1088/

    Vous trouverez dans le 7è texte du recueil “De la religion” de textes de Lénine, enregistrées ici (https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/lenine-de-la-religion.html) deux lettres à Maxime Gorki, avec qui, semble_t_il il ne souhaite pas rompre, écrites en 1913, où il lui dit sans concession ce qu’il en pense : « En agrémentant l’idée de Dieu, vous avez agrémenté les chaînes dont ils [les cléricaux, Nicolas II, les cadets, etc.] entravent les ouvriers et les moujiks incultes. »

    « Le prêtre catholique détournant des mineurs […], est bien moins dangereux justement pour la démocratie que le prêtre sans soutane,le prêtre sans religion grossière, le prêtre penseur et démocrate, qui prêche l’édification et la création du bon Dieu. Car le premier prêtre, il est facile de le dénoncer, de le condamner et de le chasser ; mais on ne saurait se défaire aussi simplement du second; il est mille fois plus difficile de le dénoncer […] »

    https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/lenine-de-la-religion.html

    Voilà, chère Emiliemilie de quoi, peut-être éclairer votre lanterne.

    A bientôt, peut-être, par lectures interposées,
    Bien à vous et une excellente année 2017,
    Albatros

  5. Chère Emiliemilie,
    je suis content de savoir que vous lirez Résurrection. Je pense que vous aimerez.
    Et merci pour vos souhaits. M’entendre, je ne crois pas, mais me lire… cela me ferait beaucoup plaisir. J’ai besoin d’opinions de personnes de coeur et d’esprit 🙂
    Bien cordialement !
    kadour

  6. Merci pour votre conseil. J’ai téléchargé résurrection depuis très longtemps(mon cœur me porte toujours vers la littérature russe) mais je ne l’ai toujours pas écouté. Vous donnez à ce roman un poids supplémentaire.

    Je vous souhaite… de l’inspiration pour tous vos projets. Au plaisir de vous lire et peut-être de vous entendre.

  7. Chère emiliemilie,
    Quel beau commentaire !… Merci de l’avoir écrit. Cela me fait chaud au cœur !… Les précisions que vous apportez, notamment sur les anarchistes (en réalité autoritaires, donc de faux anarchistes) et à propos de l”ombre” de Pavel sont très pertinentes.
    A présent, j’ai bien compris, me semble-t-il, votre enthousiasme de “communiste”. Et je le partage entièrement.
    Espérons que Albatros aura le temps de satisfaire ce que nous lui avons demandé.
    Pour ma voix, si les autres pensaient comme vous, je me serai lancé à lire, pour faire, moi aussi, un don. Mais je crois que la plupart des auditeurs du site n’ont pas la même patience. Et puis je suis occupé par l’écriture : trois essais de socio, deux romans, deux brochures de poésie et une pièce de théâtre 🙂
    Étant donné que vous avez aimé “La mère” de Gorki, peut-être aimeriez-vous “Résurrection” de Tolstoï. Je l’ai apprécié. Il est sur le site.
    Amitiés !
    Kadour

  8. Ce livre sent la vie dans ce qu’elle a de sombre et de lumineux. Jusqu’à la fin des temps, l’homme aura la tentation du pouvoir soit pour lui soit pour un autre et rien ne changera. J’ai fréquenté également des milieux anarchistes, où il y avait le gourou et ses sujets. Pavel rappelle qu’il y aura toujours une ombre dans le désir d’égalité et que seule une poignée d’individus pourront lutter contre l’anneau de pouvoir.

    Mais j’ai trouvé que le roman soulevait des questions importantes:

    – La religion.
    Je me suis demandé quelles étaient les convictions religieuses de l’auteur. Pourquoi a-t ‘il créer ce personnage central, la mère, cette femme profondément croyante qui fait le lien entre la parole du Christ et le communisme. J’ai cru qu’elle allait tourner sa veste au fur et à mesure de son éveil pour mieux mettre en lumière les valeurs humanistes. Mais non… j’ai trouvé cela beau de ne pas diaboliser ni la religion, ni le communisme.
    Cela a apporté des réponses à certaines questions que je me posais.

    Tout comme Emile Zola dont j’ai beaucoup aimé l’œuvre “Lourdes”, il y avait chez ces intellectuels une vraie réflexion sur le monde avec un effort de ne pas prendre parti.

    Je me posais également beaucoup de questions sur la manière de mettre en pratique les évangiles dans les groupes religieux d’aujourd’hui.
    Le fils rêve d’un Dieu plus proche de l’homme, il juge le Christ trop sévère, il le souhaiterait plus miséricordieux. Aujourd’hui, on a ce Dieu et je suis obligée de constater que l’on s’en sert pour ne pas réformer sa conduite et continuer à écraser les plus faibles.

    Gorki loue la valeur de l’éducation, de la connaissance. Aujourd’hui, elle est bien plus accessible, mais qu’en fait l’homme? J’ai eu la chance d’être née dans un milieu très populaire où l’on aimait les livres, la musique. J’ai essayé de faire partager mon engouement à mon entourage. Mais comment faire face à l’esprit du monde qui malgré les grandes phrases de Elle magazine “prônons l’être plutôt que le paraître” fait tout le contraire?

    Même si je ne suis guère optimiste sur le devenir de l’humanité, même si je ne crois pas en l’homme, j’ai trouvé que dans ces pages soufflait un vent de liberté et d’espoir. Elles m’ont rappelé que des gens étaient prêts à perdre leur vie pour le bien-être des autres. La fin m’a particulièrement émue. Quand on voit ces feuilles qui s’envolent face à l’oppression, c’est un cri de joie dans la nuit, le rappel qu’on n’écrasera jamais le désir de liberté de l’homme. Et je me dis que dans mon lit, bien au chaud, je suis moi aussi une communiste!

    Chère Albatros, nous n’imaginons pas le temps que prend l’écoute d’un roman. Et les lecteurs ont enfin peu de soutien, notamment peu de commentaires. Mais sachez que sans vous je n’aurais jamais connu un tel auteur. Et vous avez une voix des plus agréables, je serais prête à faire le tour du monde littéraire bercée par votre vo. Kadour et moi espérons la suite des pensées de Gorki que vous m’avez fait découvrir et aimer. 😉

    Kadour, j’ai moi-même un fort accent toulousain. A part Pagnol, je ne peux rien lire. Chaque fois que j’ouvre la bouche, on entend les cigales et le tintement des glaçons dans le verre de Ricard. Si votre voix est agréable, je ne pense pas que des intonations algériennes freinent le plaisir de l’écoute.

  9. Chère Albatros,
    merci beaucoup de votre lettre.
    Il m’est agréable de constater que l’écoute d’un roman ne se limite pas au plaisir littéraire, mais puisse être l’occasion d’un échange utile de points de vue sur la situation sociale actuelle et les manières de l’affronter.
    Vous avez totalement raison pour l’essentiel et je partage vos convictions.
    Permettez-moi cette addition : j’ai été et je reste une personne qui a vécu et vis une existence semblable à certains personnages du roman.
    Et je connais la biographie de Gorki suffisamment pour savoir combien il a été conscient, dès le départ, du risque contenu dans la version marxiste du communisme, et cela dès Lénine (voir le massacre par l’Armée Rouge de la commune de Kronstadt e, 1921, et l’élimination par la même armée de l’autogestion paysanne en Ukraine) : la dictature du parti (c’est-à-dire d’un groupe restreint de personnes) sur les militants et le peuple. J’ajoute que les malheurs n’ont pas commencé avec Staline, mais avec Karl Marx lui-même, quand il a orchestré l’exclusion des anarchistes de cette Internationale qui proclamait justement ce que vous rappelez, et qui est une idée anarchiste : “l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes”.
    Par conséquent, les millions de militants sincères et magnifiques ont vu leurs sacrifices récupérés par une caste nouvelle de privilégiés, une bourgeoisie étatique présentant leur capitalisme d’État comme “communisme”, avec l’arrogance de faire croire que seuls eux pouvaient “sauver” le peuple.

    Ce que je voulais dire, et mal dit, j’en conviens, c’est ceci : c’est splendide d’être communiste, c’est-à-dire de vouloir une société de citoyens libres, coopérant librement pour construire une communauté humaine où, finalement, n’existerait plus ni exploiteur dominateur ni exploité dominé.
    Mais gare ! Gare à se laisser une nouvelle fois entourlouper et se laisser berner par les profiteurs qui finissent par transformer nos enthousiasmes et de nos sacrifices en nouvelle domination-exploitation, abusivement proclamée “communiste”.

    Venons-en au roman. Vous demandez : “Ou est l’autoritarisme ici ?”… Eh bien, il est (mais l’auteur ne le dit pas, peut-être parce qu’il n’en était pas encore conscient, peut-être pour un autre motif) dans le fait que Pavel, le fils, est un “chef” qui est le seul à décider, sinon le premier et l’ultime à décider des actions à entreprendre, qui est le seul sinon le plus intelligent, etc. Rappelez-vous la scène du jugement, au tribunal. Ne dirait-on pas une réplique, en plus petit, d’un Marx, d’un Lénine, d’un Trotsky, d’un Staline, etc. ? Relisez donc certains passages, à la lumière de l’expérience historique vécue, et subie, à la lumière du lamentable échec des espérances de millions d’exploités du monde, causé non pas par le capitalisme, mais par l’autoritarisme d’obédience marxiste, et vous trouverez dans la roman de Gorki ce que j’ai trouvé : de magnifiques personnes offrant leur vie à un bel idéal, dont la mère avant tout, mais, aussi, des personnages comme Pavel qui se croit plus investi que les autres, qui ne parle pas avec eux en terme d’égalité mais dans une relation hiérarchique de chef à subordonné, parce que lui sait plus qu’eux. C’est la répétition, à petite échelle, de ce ce que Bakounine reprochait à Marx : son doctorat en philosophie ne devait pas lui permettre de se croire plus savant que ses camarades. D’ailleurs, à présent, on a constaté ce que fut le socialisme dit “scientifique”.
    Si je parle ainsi c’est parce que je fus, dans ma jeunesse, l’une des dupes de cette conception autoritaire du communisme. Je dus maoïste, pour être clair. Et seulement en maturant, j’ai compris que je fus trompé, que j’eus l’ignorance de ne pas prêter attention aux conceptions libertaires. Voilà pourquoi, en constatant l’enthousiasme d’emilie, j’ai senti le besoin de la mettre en garde, pour ne pas commettre les erreurs que j’ai personnellement commises.
    Vive donc le communisme libertaire, c’est-à-dire cet idéal où des citoyens réellement libres coopèrent de manière réellement libre pour construire une société sans chefs dominateurs (et exploiteurs), mais où l’intelligent et le moins doué, le fort et le faible auto-gèrent ensemble leur société, en élisant des représentants qui défendent réellement leurs intérêts.
    L’expérience historique nous a enseigné, à notre détriment hélas, qu’en ce qui concerne les modalité politiques pour arriver à ce genre de société, Marx avait totalement tort, y compris Lénine, et Bakounine raison, y compris Kropotkine.
    Oui, vous avez raison : “Or, au vu de la crise actuelle, de la guerre sociale qui nous est menée, oui, même les écrits de Kropotkine, qui parlent de communisme – fût il “anarchiste”, sont rafraîchissants.” Je dirai plus : l’expérience historique nous devrait enseigner que, désormais, seuls les écrits libertaires sont, désormais, utiles, et non pas ceux marxistes (je parle ici de la conception politique et non de l’analyse économique, bien que Marx s’est trompé en croyant que les crises du capitalisme le porterait “mécaniquement” à la ruine. Encore la vision messianique de Marx).
    Suis, à présent, plus clair ?

    Enfin, concernant l’invitation de me lancer moi-même dans la lecture, mon vieil ordinateur ne me permet pas d’utiliser un bon microphone. J’envisage d’en acquérir un nouveau en fin d’année. En outre, bien qu’ayant étudié l’art de l’acteur en France, voilà longtemps, mon intonation demeure encore un peu algérienne. Il me semble que cet aspect pourrait diminuer le plaisir de l’écoute à une oreille française.
    P.s. 1 : Alors, pourquoi ne lirez-vous pas les romans de Gorki que je vous ai proposés ?
    P.s. 2 : J’apprécie le pseudonyme (baudelairien ?) que vous avez choisi.
    Amitié,
    Kadour

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