La Vie de Marianne (Parties I et II)

Marivaux écrivit entre 1727 et 1740 La Vie de Marianne qui resta inachevée. Dans les première (1731) et deuxième (1734) parties, l’héroïne, devenue femme du monde, raconte, à la première personne, les débuts de sa vie de jeune orpheline.
Les détails surabondent (Marianne est très bavarde !), les innombrables incidents, les réflexions sur la sincérité, l’amitié, l’amour. L’esprit et la passion se mêlent dans ce très long récit ; les caractères sont étudiés avec minutie et les sentiments disséqués avec la même précision que ceux du Jeu de l’amour et du hasard.
Ce mélange de franchise, de fierté et de raison de Marianne, où domine déjà un sentiment de coquetterie s’affirmera au cours de son existence que nous publierons en plusieurs livraisons, comme un feuilleton.
Certains ont reproché à Marivaux, avant Zola, de rapporter des discours vulgaires ; tout au contraire, ces dialogues vifs, imagés et hardis donnent une vivacité supplémentaire au récit (voir, par exemple, la dispute entre le cocher et madame Dutour, la lingère aux airs bourgeois, qui ne veut pas le payer, vers la fin de la deuxième partie) :
« Oui, malotru ! oui, douze sols, tu n’en auras pas davantage, disait-elle. Et moi je ne les prendrai pas, douze diablesses ! répondait le cocher. Encore ne les vaux-tu pas, continuait-elle ; n’es-tu pas honteux, fripon ? Quoi ! pour venir d’auprès de la paroisse ici ? Quand ce serait pour un carrosse d’ambassadeur, tiens, jarni de ma vie ! un denier avec, tu ne l’aurais pas ! J’aimerais mieux te voir mort, il n’y aurait pas grand perte ; et souviens-toi seulement que c’est aujourd’hui la Saint-Matthieu : bon jour, bonne œuvre, ne l’oublie pas ! Et laisse venir demain, tu verras comme il sera fait. C’est moi qui te le dis, qui ne suis pas une chiffonnière, mais bel et bien Mme Dutour, madame pour toi, madame pour les autres, et madame tant que je serai au monde, entends-tu ? »

À suivre…