« Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l’esprit, la lecture tend à se substituer à elle, quand la vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès intime de notre pensée et par l’effort de notre cœur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres et que nous n’avons qu’à prendre la peine d’atteindre sur les rayons de la bibliothèque et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d’esprit. »
En préface au livre de J. Ruskin Sésame et les lys dont il a assuré la traduction, Marcel Proust nous invite à une réflexion sur le livre et l’acte de lire. Comment ne pas retrouver ici les thèmes qui vont sillonner La Recherche, comment ne pas sentir cette vibrante invitation à nous pencher sur nous-mêmes ?
« Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passé avec un livre préféré. »
Remarque : Pour la commodité de l’écoute, le texte a été divisé en 3 parties de manière artificielle. En outre, les notes auxquelles l’auteur renvoie ont été insérées au texte ce qui peut sembler alourdir la lecture.
La mention « (Version 2) » à la suite du titre indique qu’il existe sur notre site un autre enregistrement de ce même texte, effectué par un donneur de voix différent. Voir aussi : Version 1.
Erik Satie, Gnossienne nº 1, interprétée par Edward Rosser (domaine public).
Bonjour Christian DOUSSET…
Lu ( avec une extrême attention ) et approuvé ( sans réserves )… Le texte de PROUST… comme la lecture que vous nous en donnez ( mais par-ci par-là la phrase de PROUST parvient à piéger le prudent lecteur ! Diable de Marcel !).
PROUST nous dit déjà là ce qu ‘ il dira plus tard dans son Grand Oeuvre… ” … chaque lecteur est quand il lit , le propre lecteur de soi-même…”.
Mais le sujet est vaste et PROUST ne l’ épuise pas ! Il est tant de sortes de livres !
Qu ‘ en pensent Don Quichotte ? Et Madame Bovary ? Ah ! s’ ils avaient été informés de l ‘ avertissement de PROUST !… ne pas prendre les livres comme un miel tout préparé dont on se régale passivement… bien des deboires leur auraient été épargnés !
On ne peut pas ne pas penser au SARTRE de ” Les mots “… ” Lire ” ” Écrire “… Les deux se tiennent… D ‘ ailleurs dans la célèbre formule de MALLARMÉ… ” Mais sait-on ce que c’ est qu ‘ écrire ? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique dont gît le sens au mystère du coeur…”
il n’ est que de remplacer ” écrire ” par ” lire ” pour terminer ce commentaire dans un flou artistique… qui vous agreera… j ‘ espère… autant qu’ à nous
Cher Christian,
En toute franchise, j’aurais une petite préférence pour Souvenirs sur l’Affaire mais comme vous avez déjà lu les articles de Mirbeau cela vous ennuierait peut-être ? Sauf si vous êtes comme moi et vous aimez approfondir si le sujet vous intéresse. Léon Blum y était impliqué car il conseillait, discrètement c’est vrai, les avocats qui défendaient le capitaine Dreyfus. C’est à cette époque qu’il est devenu l’ami (et plus tard, le successeur) de Jaurès donc il doit y parler de lui aussi!
Dans À l’échelle humaine, écrit en captivité et terminé à Buchenwald, il parle, en homme d’Etat et humaniste, des tas de choses dont la guerre, la condition humaine et le socialisme (naturellement 😉
Et ses Mémoires !!! Même juste quelques passages seraient passionnants. Son amitié avec Lucien Herr, ses fréquentations littéraires et puis Le Front Populaire, les attaques de l’Action française, sa carrière politique…
Je voudrais beaucoup connaître ses souvenirs du temps de la guerre, son emprisonnement et le procès de Riom où il a tenu tête à Pétain, Laval et même Hitler, tout en étant prisonnier et Juif. Et la déportation, surtout au moment où il a découvert le lieu de sa détention : si proche de Weimar, demeure de Goethe qu’il admirait tant et qui a inspiré ses Nouvelles Conversations de Goethe avec Eckermann (ouvrage, paraît-il, fort intéressant). Je m’apprête d’ailleurs à lire les Conversations avec Goethe d’Eckermann pour « creuser » un peu autour.
Il y a aussi En lisant : réflexions critiques de 1906 qui pourrait, peut-être, compléter Sur la lecture de Proust, Monsieur Blum étant un grand esthète et très érudit.
Et puis il y a son livre sur Stendhal.
Sans oublier des tas d’articles, des discours politiques (et là, quelle classe et quel style, quelle clairvoyance, quelle honnêteté, quel souci de la vérité, quel désintéressement et; pardon je m’emballe, je suis grande admiratrice comme vous voyez 😉
Et enfin la correspondance : notamment ses lettres des prisons successives du temps de Vichy; celles à son fils, alors emprisonné en Allemagne, et à sa troisième femme doivent être bien émouvantes.
Pendant la guerre il écrivait aussi à de Gaulle, à Roosevelt etc
Bref, il y a de quoi choisir quelque chose 😉
Pardon pour ce long message, mon étudiant a annulé sa leçon et, du coup, j’ai le temps de vous embêter 😉
Je me sauve ! Bonne soirée et à la prochaine fois.
Fraise
Chère Fraise, je vous suis très reconnaissant de m’indiquer cette piste de lecture des oeuvres de Léon Blum.Voilà une très intéressante, constructive “request”; ce dialogue entre auditeurs et donneurs de voix est une vraie richesse. Avez-vous en tête un titre en particulier? Belle soirée à vous.
Christian
Je ne sais pas ce que vous devriez faire pour me décevoir cher Christian et pourtant je ne manque pas d’imagination en général 😉
Bien que… tiens je viens d’être déçue, en effet, mais pas par votre lecture, toujours impeccable, mais par… Saint Julien l’hospitalier (non, mais quel sadique, je l’aurais accueilli au paradis, moi !!!) et par Faubert un peu car les images étaient d’une brutalité à la limite de l’insoutenable.
Mais c’est aussi moi qui ne supporte pas la chasse.
Je vais être courageuse tout de même, vu le sujet, et je vous retrouverai pour Hériodias ces jours-ci pour compléter les Trois Contes.
Et en fait, pourrais-je avoir une suggestion pour ne pas dire une petite “request” ? 😉
Seulement si les textes seront bien disponibles et s’ils vous intéressent, je ne suis nullement pressée non plus.
En janvier les œuvres de Léon Blum deviennent libres de droits!
Il y a ses écrits littéraires (et comme il écrivait bien !), les Souvenirs sur l’Affaire, ses discours, les Mémoires, ses lettres, ses articles du Populaire, la critique littéraire et j’en passe.
Si vous y trouviez quoi que ce soit à votre goût, je pense que votre style en ferait bien passer le message. But no pressure 😉
Bonne soirée et à bientôt
Fraise
Chère Fraise, c’est toujours un plaisir pour moi de lire vos élogieux commentaires; ils constituent aussi un défi car ils obligent à ne jamais décevoir!
Au plaisir de vous retrouver chez Zévaco, d’accompagner des vacances que je devine bien méritées; et puis, vous aussi, prenez bien soin de vous.
Christian
Merci pour cette belle pépite, cher Christian. Je n’en ai lu que des extraits auparavant et c’était un véritable délice de pouvoir savourer le texte en entier grâce à votre belle et- comme d’habitude- parfaite présentation.
Je garde votre Zévaco pour les vacances de fin d’année et je compte déjà les jours avant d’ajouter mon commentaire, sans doute élogieux et enthousiaste 😉 à ceux des autres lecteurs qui semblent emballés 😉
D’ici là passez un bon week-end et surtout portez-vous bien.
Fraise