« Cependant, je vous dirai une nouvelle la plus grande et la plus extraordinaire que vous puissiez apprendre ; c’est que M. le Prince fit faire hier sa barbe ; il était rasé ; ce n’est point une illusion, ni une de ces choses qu’on dit en l’air, c’est une vérité ; toute la cour en fut témoin ; et madame de Langeron prenant son temps qu’il avait les pattes croisées comme le lion, lui fit mettre un justaucorps avec des boutonnières de diamants ; un valet de chambre, abusant aussi de sa patience, le frisa, lui mit de la poudre, et le réduisit enfin à être l’homme de la cour de la meilleure mine, et une tête qui effaçait toutes les perruques : voilà le prodige de la noce. »
« Je ne vous parlerai que de la Voisin : ce ne fut point mercredi, comme je vous l’avais mandé, qu’elle fut brûlée, ce ne fut qu’hier. Elle savait son arrêt dès lundi, chose extraordinaire. Le soir elle dit à ses gardes : Quoi, nous ne ferons point medianoche ! Elle mangea avec eux à minuit par fantaisie, car il n’était point jour maigre ; elle but beaucoup de vin, elle chanta vingt chansons à boire. Le mardi elle eut la question ordinaire, extraordinaire ; elle avait dîné et dormi huit heures ; elle fut confrontée sur le matelas à mesdames de Dreux et le Féron, et à plusieurs autres : on ne parle point encore de ce qu’elle a dit ; on croit toujours qu’on verra des choses étranges. Elle soupa le soir, et recommença, toute brisée qu’elle était, à faire la débauche avec scandale : on lui en fit honte, et on lui dit qu’elle ferait bien mieux de penser à Dieu, et de chanter un Ave maris stella, ou un Salve, que toutes ces chansons : elle chanta l’un et l’autre en ridicule, elle dormit ensuite. Le mercredi se passa de même en confrontations, et débauches, et chansons : elle ne voulut point voir de confesseur. Enfin le jeudi, qui était hier, on ne voulut lui donner qu’un bouillon : elle en gronda, craignant de n’avoir pas la force de parler à ces messieurs. Elle vint en carrosse de Vincennes à Paris ; elle étouffa un peu, et fut embarrassée : on la voulut faire confesser, point de nouvelles. À cinq heures on la lia ; et, avec une torche à la main, elle parut dans le tombereau habillée de blanc ; c’est une sorte d’habit pour être brûlée ; elle était fort rouge, et l’on voyait qu’elle repoussait le confesseur et le crucifix avec violence. À Notre-Dame, elle ne voulut jamais prononcer l’amende honorable, et à la Grève elle se défendit autant qu’elle put de sortir du tombereau : on l’en tira de force ; on la mit sur le bûcher assise et liée avec du fer, on la couvrit de paille ; elle jura beaucoup, elle repoussa la paille cinq ou six fois : mais enfin le feu s’augmenta, et on la perdit de vue, et ses cendres sont en l’air présentement. Voilà la mort de madame Voisin, célèbre par ses crimes et par son impiété. »
Accéder au recueil intégral des Lettres de Madame de Sévigné…
Chère amie Claire-Marie
Ce n’est pas le morceau le plus dur que j’ai mis dans le billet. Il s’agit de la mort de la Voisin, mais la description de son supplice est encore plus dure. mais il fallait bien parler de l’affaire des Poisons, qui a laissé une grande tache de sang sur le règne de Louis XIV.
je suis en train d’enregistrer les dernières lettres. Oui, il n’y a “que” 328 lettres. Mais je n’ai pas eu le courage d’en enregistrer plus de 600. Et surtout j’ai craint de lasser les audio lecteurs. Combien auraient écouté la totalité?
En tout cas, ces lettres sont très intéressantes et elles nous peint sous un jour nouveau et familier les grands personnages de l’Histoire de France.
Vous aussi, restez au frais, reposez vous, et passez d’excellentes vacances, en compagnie de Littérature audio.
Amicalement
Cocotte
Amie Cocotte,
Merci pour cette publicatio .
Ouf, la lettre décrivant les supplices de la Voisin est passée !
Mais le temps passe, les années défilent et le nombre de lettres qui restent àpublier diminue.
Vous utilisez l’édition Didot qui en compte “seulement ” 318. Dommage que l’édition Capmas ne soit pas dans Wikisource car il semble qu’elle en présente le double.
Cependant , vous n’êtes peut être pas fâchée de voir la fin de cette grande entreprise !
Je vais faire ma Madame de Sévigné en vous conseillant de rester au frais en ces chaudes journées et de prendre soin de votre personne.
A bientôt
CM
Cher Ahmed
Merci encore et toujours pour votre fidélité et pour vos sympathiques commentaires.
Le dynamisme sous la canicule? Ouh la la! Il serait plutôt en berne, mais, se reposer à l’ombre, avec un verre de boisson fraîche à côté de soi et un beau roman à écouter, ou à enregistrer, c’est l’idéal pour attendre la pluie !
Bonnes vacances!
Très cordialement
Cocotte
Bonsoir chère Cocotte ,
Quel dynamisme !
Je vois que vous êtes occupée par d autres choses et je vous souhaite du courage .
Bien cordialement ,
Ahmed