Lao-tseu (Lǎozǐ en pinyin) naquit la troisième année de l’empereur Ding Wang (606-586 avant notre ère) de la dynastie des Zhou selon le grand historien Sima Qian, soit en l’an 604 avant notre ère. D’autres dates ont été avancées, mais la plus sûre et de très loin reste celle fournie par le grand historien. Sima Qian nous rapporte encore quelques données sur Lao-tseu ainsi que sa rencontre avec le jeune Confucius (551–479 avant notre ère).
Le Tao-tö king (pinyin : Dàodé jīng) est un monument de la pensée, qui à l’égal du Yi Jing traduit une vision du Monde.
Le Tao c’est la Voie, mais c’est aussi bien davantage que la Voie, puisqu’il est la Mère de tous les êtres ou la Grande Image, c’est le non-être qui donne naissance à tout ce qui est. Mais attention, chez Lao-tseu le non-être n’est pas le néant : c’est l’Un, l’énergie indifférenciée (« Il est un être confus qui existait avant le ciel et la terre. O qu’il est calme ! O qu’il est immatériel ! Il subsiste seul et ne change point. Il circule partout et ne périclite point. Il peut être regardé comme la mère de l’univers. Moi, je ne sais pas son nom. Pour lui donner un titre, je l’appelle Voie ou Tao. » Chapitre XXV). Je vous dirai encore que c’est l’Un de Śaṅkarā, ou le « Point qui remplit tout de Pascal ». Écoutez ce que dit Pascal dans le fragment Infini rien : « Croyez-vous qu’il soit impossible que Dieu soit infini, sans parties ? Oui. Je vous veux donc faire voir (une image de Dieu en son immensité) une chose infinie et indivisible : c’est un point se mouvant partout d’une vitesse infinie. Car il est un en tous lieux et est tout entier en chaque endroit. »
Le Tao est difficile à voir, et rares sont ceux qui l’ont atteint nous dit Su Shi (1037-1101), le grand poète des Song dans un texte remarquable, La Métaphore du soleil, que je vous propose en écoute dans la traduction d’un ami. Parmi ceux qui l’ont atteint, on compte le génial Wang Pi (226-249) qui laisse une œuvre fulgurante, malgré sa brève existence. En à peine quelques années, il s’efforcera de montrer que le Yi Jing, le Tao-tö king de Lao-tseu ainsi que les Analectes (Lunyu) de Confucius ont pour base une même vision transcendante : le Tao, ou tout autre nom qu’on voudrait lui donner.
« Chapitre premier
La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel.
(L’être) sans nom est l’origine du ciel et de la terre ; avec un nom, il est la mère de toutes choses.
C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment exempt de passions, on voit son essence spirituelle ; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée.
Ces deux choses ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles. »
Références :
– Tao-tö king, le Livre de la voie et de la vertu. Traduction de Stanislas Julien (1797-1873), mise en format texte par Pierre Palpant pour www.chineancienne.fr
(Réglage conseillé : plein écran et vue défilante, très pratique pour consulter les notes de Stanislas Julien.)
– Sima Qian, Notice historique sur Lao-tseu, extraite du Shiji, traduit par Édouard Chavannes (1865-1918).
Su Shi, La Métaphore du soleil.
Pour plus d’informations :
– Wang Pi, philosophe du non-avoir, par Marie-Ina Bergeron (Institut Ricci, 1986).
– Tao-tö king. Edition électronique réalisée par Pierre Palpant, à partir du texte de J.J.-L Duyvendak (1889-1954).
Consulter les version texte de ce livre audio : Tao-tö king, le Livre de la voie et de la vertu, Notice historique sur Lao-tseu, La Métaphore du soleil.
Tao-Chi-Gong, eau et feu, extraits de freesound.org.
Merci de m’avoir invité à boire un café. Maintenant j’écoute le tao to king en distribuant le courrier.
Jo
BONSOIR ,
Y a-t-il un sujet audio de philosophie prévue ?
Cordialement
Ahmed
C’est moi qui vous remercie cher Mohamed pour votre commentaire. J’ai depuis longtemps une grande admiration pour l’œuvre de Rûmî. J’ai d’ailleurs lu l’année dernière le remarquable livre d’Annemarie Schimmel, L’Incendie de l’âme. Pour rejoindre vos propos, je serais tenté de citer Pascal qui me semble ici très proche de Rûmî : « Je lui veux peindre non seulement l’univers visible, mais l’immensité qu’on peut concevoir de la nature, dans l’enceinte de ce raccourci d’atome, qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible… » (Disproportion de l’homme). L’infiniment petit est à l’image de l’infiniment grand, parce que l’univers est ordonné et que de mêmes lois régissent tout.
Un grand merci également à Agostinho.
Amitiés,
Ahikar
Merci pour votre travail, vous avez toute mon admiration.
Merci aussi pour le très beau texte sur la métaphore du soleil. Il me fait penser au soufisme,à Rûmi qui disait:
couper un atome, et vous trouverez un soleil avec des planètes qui tournent autour. il n’y a qu’une vérité qu’on doit retrouver chez tous les grands philosophes du monde.
Portez_vous bien
Merci beaucoup
Merci Félix pour votre appréciation. J’ai jeté un œil sur les sites marchands. Ils proposent plusieurs enregistrements. Pour ma part, je trouve vraiment très belle la version lue par Didier Sandre.
Bien amicalement,
Ahikar
Je regrette d’avoir acheté l’enregistrement du commerce. Vous semblez mieux comprendre le texte que le comédien qui lit. Dommage pour ma bourse.
Merci
Félix
Merci cher Shmuel pour votre commentaire. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que les Sagesses de l’antiquité ont bien plus en commun qu’il n’y paraît à première vue. Je reste d’ailleurs persuadé que des auteurs comme Homère ou Hésiode sont loin d’avoir livré tous leurs secrets, ce qui leur confère une grande modernité. Rabelais n’écrivait-il pas à l’entame de son œuvre : « Socrate toujours dissimulant son divin savoir. » 😉
Je souhaite aussi vivement remercier Michel pour sa traduction de La Métaphore du soleil de Su Shi.
Bonne soirée à tous,
Ahikar
Merci Ahikar. Votre excellente lecture permet de bien comprendre cette merveille de sagesse et de morale pratique. On notera une similitude profonde avec les propos du Roi Salomon dans l’Ecclésiaste” : 20. Renoncez à l’étude et vous serez exempt de chagrin, tout à fait d’accord avec : “Plus on ajoute de connaissance, plus on ajoute de souffrance”. En fait, toutes ces sagesses de l’Antiquité ont bien plus en commun que ce qu’on pourrait croire. Grand merci.