Très connu de son vivant (1798-1866), Joseph Méry est aujourd’hui enseveli dans l’oubli. Il mérite d’être ressuscité avec Héva, récit plus long que les trois déjà enregistrés. Cette histoire à décor indien, racontée avec humour, nous décrit les enchantements de la passion amoureuse, les vertus de l’amitié et nous fait assister à une terrible lutte avec les tigres du Bengale… On croirait lire un texte de l’auteur de Salammbô.
« Les tigres blessés marchaient avec effort vers un buisson de nopals, s’y abritaient comme dans une ambulance, allongeaient leurs grands corps, et, déposant de leurs lèvres sur leur griffe droite une salive mêlée d’écume rougie, ils lavaient la plaie vive de leurs mufles et de leurs fronts.
D’autres, les plus intraitables sans doute, avalaient des lambeaux de bœuf, se désaltéraient dans une mare de sang, et, répondant par un cri rauque à chaque coup de carabine mal ajusté, ils s’acheminaient encore, quoique rassasiés, sur leur proie à demi dévorée ; et les deux griffes antérieures plongeant au cou d’un taureau.
Les dents aux cornes, le dos convulsif, le poil hérissé, ils traînaient sur l’herbe ce reste de festin, comme des convives prévoyants qui, surpris par des éclats de foudre, au milieu d’un repas en plein air, emportent chez eux les viandes pour les besoins du lendemain. »
Merci René pour ce nouveau Méry, je suis toujours heureuse d’entendre cet auteur. Merci.