En rade est le voyage spirituel de Jacques ruiné financièrement qui dérive de naufrages en désastres. Il s’est réfugié chez des paysans et tout le roman consiste à opposer la ville et la campagne, toutes deux, d’ailleurs, dominées par l’égoïsme et la cupidité.
Opposition aussi entre le naturel et le surnaturel ; alternance des scènes naturalistes et oniriques : la scène du vêlage, suivie de la description symbolique de la nuit (chapitre IV) se continue par le voyage sur la lune (chapitre V) et au chapitre VI le héros songe à la médiocrité de son existence. Cauchemars, spleen à tonalité baudelairienne, refus des « clichés » poétiques.
Deux exemples significatifs : Jacques assiste à la moisson :
« Il avait beau s’éperonner, il ne pouvait parvenir à trouver que ce tableau de la moisson si constamment célébré par les peintres et par les poètes, fût vraiment grand. C’était, sous un ciel d’un imitable bleu, des gens dépoitraillés et velus, puant le suint, et qui sciaient en mesure des taillis de rouille. Combien ce tableau semblait mesquin en face d’une scène d’usine ou d’un ventre de paquebot, éclairé par des feux de forges ! »
Il est témoin d’ une saillie dans une étable :
« Jacques commençait à croire qu’il en était de la grandeur épique du taureau comme de l’or des blés, un vieux lieu commun, une vieille panne romantique rapetassés par les rimailleurs et les romanciers de l’heure actuelle ! Non, là, vraiment, il n’y avait pas de quoi s’emballer et chausser des bottes molles et sonner du cor ! ce n’était ni imposant, ni altier. En fait de lyrisme, la saillie se composait d’un amas de deux sortes de viandes qu’on battait, qu’on empilait l’une sur l’autre puis qu’on emportait, aussitôt qu’elles s’étaient touchées, en retapant dessus ! »
On peut aimer ou ne pas aimer les descriptions somptueuses de la laideur des corps et des âmes… Huysmans est Huysmans…
Louis Daguerre, Les Ruines de la chapelle d’Holyrood (1824).
Chère Marie,en me faisant ce compliment, vous rendez peut-être jalouses les mânes de ce cher Karl!
Je suis en accord total avec Huysmans, ayant connu la campagne profonde dans les années 60′.
Je vous remercie pour cette lecture que Monsieur Huysmans n’aurait – peut-être – pas mieux lue.
Que du bonheur ! Merci !
Merci de continuer à nous faire visiter les abysses de l’âme humaine avec Huysmans