Le titre complet de ce pamphlet, publié en 1644, est Aréopagitique : Discours de M. John Milton pour la liberté de la presse non autorisée au Parlement d’Angleterre.
Ce titre fait référence à l’Aréopage, ce prestigieux tribunal d’Athènes qui siégeait sur la colline d’Arès (Mars, selon la mythologie latine). Ayant aboli en 1641 la Chambre Etoilée (Star Chamber), instrument honni de la tyrannie royale, et partant libéré la presse, le Parlement – en guerre avec le roi Charles 1er depuis août 1642, et comprenant la Chambre des Lords et la Chambre des Communes – venait en 1643 de réintroduire la censure. Milton ouvre son adresse aux parlementaires, tous protestants, en leur démontrant qu’ils reprenaient ainsi les méthodes de leurs pires ennemis, à savoir la papauté et l’Église catholique. Il argumente que la censure n’avait jamais été exercée, si ce n’est de manière quasi fortuite, ni par les Grecs ni par les Romains, et qu’elle était née de la conjonction du Concile de Trente (1545-1563) et de l’Inquisition, ce tribunal ecclésiastique chargé depuis le XIIIe siècle de lutter contre les hérésies.
La liberté d’encourager le savoir est, dit-il, une partie essentielle de l’éthique chrétienne. La lecture sans contrainte et la diversité d’opinions sont nécessaires au développement de la vertu, et de toute façon la censure des seuls livres et autres publications serait totalement inefficace. Elle ne pourrait en outre que ralentir le progrès de la science, ainsi que le montre le cas de Galilée, rencontré par Milton au cours de son récent voyage en Italie. Milton, futur auteur du Paradis perdu, s’exprime en érudit ami des livres, qu’il considère comme des êtres vivants, et affirme par-dessus tout sa confiance dans le pouvoir de la vérité de triompher dans tout combat loyal avec l’erreur.
En 1788, le comte de Mirabeau reprendra à son compte l’argumentation de Milton, pour dénoncer la censure qui sape les efforts du roi Louis XVI pour s’informer de l’avis de ses sujets concernant la convocation des États Généraux. Il s’en explique dans un avant-propos à sa traduction, d’ailleurs abrégée, du texte de Milton. Celle-ci sera rééditée, sans que soit cité le nom du traducteur, en 1826, lorsque le gouvernement de Charles X envisagera de limiter derechef la liberté de la presse.
Aujourd’hui encore, ce célèbre pamphlet est considéré comme une des meilleures critiques de toute forme de censure.
Hall portrait of John Milton (1608-1674) from Christ’s College, Cambridge – par Mary Beale ou Peter Lely, XVIIe siècle.
La liberté de la presse, vaste programme. Aujourd’hui ce sont les tyrans eux-mêmes qui écrivent les articles, par conséquent la censure est devenue parfaitement inutile. C’est ça, le progrès.
Sur ce, merci à Mirabeau et à André Rannou pour ce texte.
Bonsoir ,
Merci pour ce choix et votre lecture bien soignée…
D autres lectures …
Cordialement
Ahmed