Portrait-charge de Gustave Flaubert par Eugène Giraud, en 1868

Correspondance : 1851-1858, les années Bovary (Extraits)

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L’écriture de Madame Bovary, que de nombreux auditeurs de notre site ont pu découvrir grâce à la lecture exemplaire de Victoria, fut pour Flaubert un véritable tourment.

Le 23 mai 1852 il écrit à Louise Colet : « Je suis aussi découragé que toi pour le moment. Mon roman m’ennuie ; je suis stérile comme un caillou. Cette première partie qui devait être finie d’abord à la fin de février, puis en avril, puis en mai, ira jusqu’à la fin de juillet. À chaque page je découvre dix obstacles. Le commencement de la deuxième partie m’inquiète beaucoup. Je me donne un mal de chien pour des misères ; les phrases les plus simples me torturent ».

Ajoutons à cela les intermittences de l’amour, jusqu’à la rupture avec celle qu’il appelait sa « chère muse » ; les difficultés matérielles, l’argent qu’il faut compter . Et le corps, « cette guenille », avec ses souffrances, les maux de tête, les crises de nerfs, les dents qu’il faut extraire, les abcès, les « clous », les rhumatismes à l’épaule , le pouce creusé par les efforts de l’écriture…

À fréquenter l’auteur dans sa correspondance c’est un homme, souvent inattendu, que l’on découvre. Un Flaubert « torturé » qui « souffre atrocement quelquefois du mal qu'[il] se donne et des doutes qui [lui] viennent. »


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Portrait-charge de Flaubert par Eugène Giraud, en 1868.

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14 Commentaires

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  1. BONJOUR,
    Lecture ,parfaite je ne pensais pas qu’écrire fût si douloureux aussi longtemps .Je n’ai qu’un dernier mot à dire ENCORE! Et merci .

  2. Cher Guy,
    Merci pour la délicatesse de votre demande, et l’élégance de votre réponse.
    Voilà l’extrait de la lettre que je voudrais entendre:

    Tu me rappelles dans ta lettre que je t’en ai promis une pleine de tendresses. Je vais t’envoyer la vérité ou, si tu aimes mieux, je vais faire vis-à-vis de toi ma liquidation sentimentale non pour cause de faillite (Ah ! il est joli celui-là), au sens élevé du mot, à ce sens merveilleux et rêvé qui rend les coeurs béants après cette manne impossible. Eh bien non, ce n’est pas de l’amour. J’ai tant sondé ces matières-là dans ma jeunesse que j’en ai la tête étourdie pour le reste de mes jours.
    J’éprouve pour toi un mélange d’amitié, d’attrait, d’estime, d’attendrissement de coeur et d’entraînement de sens qui fait un tout complexe, dont je ne sais pas le nom mais qui me paraît solide. Il y a pour toi, en mon âme, des bénédictions mouillées. Tu y es en un coin, dans une petite place douce, à toi seule. Si j’en aime d’autres, tu y resteras néanmoins (il me semble) ; tu seras comme l’épouse, la préférée, celle à qui l’on retourne ; et puis n’est-ce pas en vertu d’un sophisme que l’on nierait le contraire ? Sonde-toi bien : y a-t-il un sentiment que tu aies eu qui soit disparu ? Non, tout reste, n’est-ce pas ? Tout. Les momies que l’on a dans le coeur ne tombent jamais en poussière et, quand on penche la tête par le soupirail, on les voit en bas, qui vous regardent avec leurs yeux ouverts, immobiles.
    Les sens, un jour, vous mènent ailleurs ; le caprice s’éprend à des chatoiements nouveaux. Qu’est-ce que cela fait ? Si je t’avais aimée dans le temps comme tu le voulais alors, je ne t’aimerais plus autant maintenant. Les affections qui suintent goutte à goutte de votre coeur finissent par y faire des stalactites. Cela vaut mieux que les grands torrents qui l’emportent. Voilà le vrai et je m’y tiens.
    Oui je t’aime, ma pauvre Louise, je voudrais que ta vie fût douce de toute façon, et sablée, bordée de fleurs et de joies. J’aime ton beau et bon visage franc, la pression de ta main, le contact de ta peau sous mes lèvres. Si je suis dur pour toi, pense que c’est le contre-coup des tristesses, des nervosités âcres et des langueurs mortuaires qui me harcèlent ou me submergent. J’ai toujours au fond de moi comme l’arrière-saveur des mélancolies moyen âge de mon pays. ça sent le brouillard, la peste rapportée d’Orient, et ça tombe de côté avec ses ciselures, ses vitraux et ses pignons de plomb, comme les vieilles maisons de bois de Rouen. C’est dans cette niche que vous demeurez, ma belle ; il y a beaucoup de punaises, grattez-vous.
    Encore un baiser sur ta bouche rose.
    À toi.

    Cher Guy,
    cet extrait me tue:
    “Sonde-toi bien : y a-t-il un sentiment que tu aies eu qui soit disparu ? Non, tout reste, n’est-ce pas ? Tout. Les momies que l’on a dans le coeur ne tombent jamais en poussière et, quand on penche la tête par le soupirail, on les voit en bas, qui vous regardent avec leurs yeux ouverts, immobiles.”
    Ah si vous pouviez le mettre en valeur lors de la lecture. Je tiens énormément à l’écouter, et le faire écouter à quelqu’un de très cher.

    Mes salutations les plus distinguées.
    Cordialement
    Haikel

  3. Guy Marcy à Haikel.
    Je ne suis pas en mesure de vous indiquer une piste audio qui répondrait à votre demande. Je vous propose ceci : enregistrer la partie de la lettre que vous désireriez entendre et vous la faire parvenir en pièce jointe à un courriel à votre adresse. Encore me faudrait-il connaître celle-ci. Si cette solution vous agrée faites moi signe..

  4. Merci pour ce travail.
    Mais est ce que vous avez fait attention à la lettre de 16 Janvier 1852? La lecture n’est pas complète.. Hélas!! La partie que j’attendais n’a pas été enregistré. (La partie dans laquelle Flaubert disait: Sonde-toi bien : y a-t-il un sentiment que tu aies eu qui soit disparu ? Non, tout reste, n’est-ce pas ? ..)
    Est ce quelqu’un de vous peut m’indiquer une piste audio qui nous fournit la leture complète?
    Merci d’avance

  5. Votre voix me semble parfaite pour cette lecture; Il faut, après l’avoir terminée, que je relise Madame Bovary. Merci, Merci

  6. Quelle belle idée !
    C’est la voix du ” solitaire de Croisset” qu’on écoute et qui nourrit.
    On la quitte à regret… Alors, plus riche, et plus sensible sans doute, on a le désir de relire ou d’écouter à nouveau Madame Bovary.

Lu par Guy MarcyVoir plus

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