Après L’Éducation spiritualiste, tribune philosophique et politique, voici un autre aspect du talent de Félix Fénéon à travers l’une de ses nouvelles parue dans La Libre Revue du 1er décembre 1883 et intitulée Les Ventres.
« Un assourdissant vacarme emplissait cette petite bourgade savoyarde.
Temps lugubre et froid : ciel gris de nuages, terre grise de neige piétinée et boueuse. La nature était triste parce qu’on était en février ; les hommes gais parce qu’on était en carnaval.
De tout le territoire ambiant, les campagnards étaient accourus au village, bien décidés à prendre leur revanche des stagnantes tristesses de l’hiver. Et c’étaient des cris, des danses, des gesticulations.
Seuls, deux hommes se montraient réfractaires à ces joyeusetés carnavalesques. »
Sont-ils si éloignés de nous ces villageois gavés, sourds à la détresse de ces deux « étrangers », incapables d’un geste d’humanité ? Oserai-je un rapprochement intempestif en évoquant Brueghel, Marco Ferreri et Coluche ? En tous cas, ici, point « d’Auvergnat qui, sans façons, m’a donné quatre bouts de pain quand dans ma vie il faisait faim » mais des Savoyards qui…
Jacques Callot, L’homme au gros ventre (entre 1616 et 1622).
Camille Saint-Saens, Danse macabre, Op. 40, version pour accordéon interprétée par le sextet de Paul de Bra (licence Cc-By-Nc-3.0)
Bruitages extraits de La Sonothèque (banque de sons de Joseph Sardin): Vent, Pas dans l’herbe gelée.
Très belle diction et interprétation, merci Monsieur
Chère Fraise, comme vous, j’avoue que j’ai un faible pour les auteur.e.s qui s’intéressent au sort des sans-grade et des oubliés de nos sociétés. Au plaisir de vous retrouver bientôt.
Un grand merci pour ce premier petit échantillon de l’œuvre de Fénéon.
Je savais que je n’allais pas être déçue…
Cela fait toujours plaisir de découvrir un auteur qui n’était pas seulement un bon écrivain, mais aussi (et surtout) un honnête homme, avec le cœur à la bonne place et le courage de dire la vérité et de défendre ceux qui souffrent. Je vais écouter les deux autres nouvelles que vous avez lues 🙂
Merci à vous,cher Cyprien, qui m’avez mis sur la voie de cet auteur que je ne connaissais que de nom.
Un grand merci, cher Christian ! Comme je le soupçonnais, l’univers grinçant et le style fin-de-siècle de Félix Fénéon vous vont comme un gant.
Un sujet actuel, hélas, et ô combien !