« Il y a une vingtaine d’années, Pierre Neuhart était un jeune homme sans aptitude spéciale, pourvu d’une bonne instruction, d’une bonne éducation, conseillé par une famille honorable de fermiers et d’industriels du Nord. La politique seule l’intéressait. Il rêvait de pénétrer dans ce milieu par le journalisme ou par un secrétariat quelconque.
Ambitieux, il vit en ces professions, surtout en cette dernière, un moyen sûr de parvenir et, aujourd’hui encore, parlait-on devant lui d’une jeune secrétaire, qu’il dressait involontairement l’oreille. Cet emploi lui agréait par les relations qu’il permettait de faire, par les secrets qu’il devait autoriser de détenir, par la considération et l’envie qu’il entraînait et, surtout, par les soirées dont il lui facilitait l’accès et au cours desquelles il rencontrerait certainement la femme qui le lancerait par amour. , De tout temps, il avait rêvé de distinction, de bonnes manières, de réceptions. Tout en dirigeant ses affaires, il entrevoyait le jour où il serait reçu dans un salon parisien, où il serait très pris à cause des rendez-vous que les femmes de la bonne société lui fixeraient. »
Enfin, le soir de la soirée musicale à laquelle madame Aspi l’avait invité arriva. Et il y fit la rencontre qui bouleversera sa vie.
George Barbier, Incantation (1922).
Bonjour Cocotte, je rattrape mon retard de commentaires des romans de Bove.
Si le narrateur de Journal écrit en hiver était le héros le plus inquiétant et Maurice Lesca le plus repoussant, la pauvre Pierre Neuhart est le plus masochiste et il fait bien de la peine à s’égarer ainsi… C’est terrible cette absolue incapacité au bonheur des personnages de Bove et cette tragique inadaptation à la réalité.
Pourtant celui-ci avait réussi à remonter la pente grâce à la guerre (c’est intéressant d’ailleurs, comme s’il était impossible de se guider seul dans la vie) mais patatras c’est la chute radicale. Pierre Neuhart ne connait pas la jeune fille qu’il aime et ne peut la rendre heureuse car il vit dans un songe.
Le personnage bovien cause sa propre perte et ne connait aucune rédemption.
En vous écoutant lire cette oeuvre j’ai vraiment senti à quel point les héros de Bove n’ont jamais été aimés de quiconque, ils rompent avec leur famille, quand ils en ont une, sans aucun regret, n’ont aucun attachement, et vivent dans une complète solitude intérieure.
Les héros de Modiano, en revanche, si tristes soient-ils, sont attachés au souvenir d’un amour ancien, à une affection d’enfance, à l’image floue d’une femme aimée.
La fin d’un roman peut être, néanmoins, aussi désespérée chez les deux auteurs.
Dans celui-ci je trouve la dernière scène de la rencontre dans le café tout à fait tragique avec son espèce de fausse banalité. On dirait une scène de film.
Je continue avec vous Cocotte, merci encore
Bonjour, ma chère amie Francine
Votre commentaire est le premier! Bravo!
Je suis très contente que vous ayez apprécié les œuvres d’Emmanuel Beve, un écrivain plein de talent, mais trop oublié. Nous sommes plusieurs donneurs de voix à nous être précipités sur tout ce qu’il a écrit. Tous ses romans sont dans la bibliothèque maintenant.
Je vais enregistrer d’autres auteurs que les audio lecteurs aiment bien.
Merci pour les chocolats, caloriques mais tellement bons! Le soleil n’est pas au rendez-vous, mais la pluie m’évite un arrosage de mon jardin.
Je vous souhaite, moi aussi, de très bonnes fêtes de Pâques, et une fructueuse chasse aux œufs.
Un grand merci pour votre commentaire, si apprécié.
Amitiés
Cocotte
A la semaine prochaine!
Bonjour ma chère amie
Je me réjouie d’entendre un autre roman de Emmanuel Bove et lu par vous, c’est un plus !