Émile Montégut (1825-1895) nous a laissé une œuvre abondante de notes de voyages, d’esquisses littéraires et esthétiques, une traduction de Shakespeare sans oublier les Mémoires d’un hypocondriaque.
Un dialogue sur l’influence de la musique est riche en réflexions sur cet art que l’auteur rapproche de la prière :
« Pour moi, bien loin de voir dans la musique un piège du diable, j’y verrais plutôt un présent de Dieu ; loin d’y voir un instrument de destruction morale, j’y verrais un des plus puissans instrumens de civilisation qui ait jamais été à l’œuvre en ce monde.
Non, jamais les germes du bien ne furent semés avec plus de prodigalité qu’il ne le sont de nos jours par la musique.
La musique est à notre vie morale ce que l’industrie est à notre vie matérielle.
Quel que soit l’éclair de joie qui traversera son âme, il se dira : J’ai entrevu des joies plus radieuses dans les mélodies de Rossini ; quelle que soit la douceur qui l’enivre, il se souviendra qu’il en a ressenti une plus grande encore dans les mélodies de Mozart ; quelles que soient les douleurs qu’il éprouvera, il se dira qu’elles ne sont rien à côté des douleurs vers lesquelles a été portée son âme par les symphonies de Beethoven. »
On comprend la souffrance de Montégut entendant son interlocuteur proclamer :
« La musique est le seul des beaux-arts qui soit vraiment corrupteur, et le seul aussi qui soit corrupteur impunément. Aucun autre ne possède cet équivoque privilège que possède la musique de pouvoir faire naître en même temps des pensées nobles et des pensées malsaines. »
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