André Lemoyne est vraiment le peintre des belles âmes. Après Une idylle normande (1874), Alise d’Évran (1876), dans le même décor mi-breton mi-normand, nous fait vivre un nouveau conte de fées sans fée ni surnaturel.
« On ne voyait jamais personne au fond des avenues, mais parfois deux sveltes amoureux, en robe fauve et lustrée, un chevreuil et sa chevrette, venus en curieux jusqu’au bord des anciennes douves, vous regardaient passer de leurs grands yeux naïfs, aussi tranquilles dans ce vieux parc oublié que sous les hautes futaies de la Belle au bois dormant. »
Lui, parlant à sa vieille tante aveugle :
« Je veux vivre enfin en liberté, au grand air, avec vous, ma tante chérie. Je viens vous revoir, pour vous entendre, pour vous aimer, car je ne vous ai ni assez vue, ni assez aimée jusqu’à présent. Nous avons trop vécu séparés l’un de l’autre. Il me tarde de réparer tant d’années perdues pour le cœur. Nous ferons tous deux, vous appuyée à mon bras, de longues promenades au soleil, qui ne vous fatigueront pas. »
Elle, irrésistible : « ll ne put se défendre d’admirer avec un sourire d’artiste les libres inflexions d’un cou charmant, vigoureux et d’un blanc mat, que faisaient valoir, dans toute l’harmonie de ses lignes, le corsage un peu échancré et l’opulente chevelure châtain clair relevée à grandes ondes de moire avec des miroitements superbes. Il remarqua également de petites oreilles merveilleuses dans leur volute diaphane, oreilles musicales si jamais il en fut, vraies fleurs de chair où de fins diamants tremblaient comme deux gouttes de rosée. »
Que c’était joli ! Merci.
Grand merci Monsieur Depasse de nous faire découvrir cet auteur si délicat, qu’assurément sans vous je n’aurais jamais pensé lire. Belle plume, beaux paysages (un peu de chauvinisme de ma part sans doute pour la région de mes ancêtres), belles âmes, les nouvelles d’André Lemoyne sont comme des oasis, des instants de bonheur qui réconcilient avec l’humanité.
Merci M. Depasse.