Cette mélancolique nouvelle d’André Gladès (de son vrai nom Marie-Nancy Vuille, 1867-1906) est parue dans La Revue hebdomadaire en 1893.
« Beatrice Shell, frileusement rapprochée de la cheminée, présentait l’un après l’autre à la flamme ses minces souliers de satin noir dont la pointe, brodée de jais, renvoyait des étincelles. Elle était admirablement belle, d’une beauté de Madone, pure, sérieuse, pénétrante ; il fallait être elle pour oser encadrer son visage, déjà un peu émacié, dans ces nobles bandeaux ondulés si difficiles à porter pour celles qui n’ont pas un ovale irréprochable. Ses yeux, noirs et profonds comme une nuit de velours, étonnaient par leur expression d’intime douleur : on eût dit qu’elle avait au cœur une blessure subtile qui saignait invisiblement et que ses magnifiques yeux tristes imploraient la pitié de chacun. Tout en elle intéressait ou charmait : sa grâce délicate et souffrante, la bonté qui émanait d’elle, ses toilettes d’un deuil atténué, la douce mélancolie que lui avait laissée la mort d’une sœur bien-aimée. Tout le monde dans l’hôtel adorait Beatrice. »
André Gladès est le pseudonyme de Nancy-Marie Vuille (1867-1906).
Francis Grant, Portrait of a Lady – ? Mrs Edmund Peel (1856)
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