« La Muiron » est le nom d’une frégate sur laquelle se trouve Bonaparte, en compagnie du mathématicien Monge et du chimiste Berthollet, à son retour en France le 23 août 1799, après la Campagne d’Égypte, abandonnant au général Kléber une armée diminuée et malade.
Retenons de ce voyage cette conversation singulière, pleine d’humour inventée ou relatée par Anatole France :
« Il faut, dit Bonaparte, balayer ces fripons et ces incapables et mettre à leur place un gouvernement compact, de mouvements rapides et sûrs, comme le lion. Il faut de l’ordre. Sans ordre, pas d’administration. Sans administration, pas de crédit ni d’argent, mais la ruine de l’État et celle des particuliers.
– Et ce maître, dit Berthollet, sera sans doute un chef militaire ?
– Non pas, répliqua vivement Bonaparte, non pas ! Jamais un soldat ne sera le maître de cette nation éclairée par la philosophie et par la science. Si quelque général tentait de prendre le pouvoir, il serait bientôt puni de son audace. […] Pour ma part, j’approuve cette impatience des Français qui ne veulent pas subir le joug militaire et je n’hésite pas à penser que dans l’État la prééminence appartient au civil.
En entendant ces déclarations, Monge et Berthollet se regardèrent surpris. Ils savaient que Bonaparte allait, à travers les périls et l’inconnu, prendre le pouvoir.
Mais le général, qui devinait leur pensée, y répondit aussitôt :
– Il est certain que si la nation découvre dans un soldat les qualités civiles convenables à l’administration et au gouvernement du pays, elle le mettra à sa tête ; mais ce sera comme chef civil et non comme chef militaire. Ainsi le veut l’état des esprits chez un peuple civilisé, raisonnable et savant.
Et Bonaparte, après un moment de silence, ajouta :
– Je suis membre de l’Institut. »
!!!!!
Alfons Mucha, « La Muiron » (1900).
Ajoutez un commentaire !
C'est la meilleure manière de remercier les donneurs de voix.