Alexandre Sergueïevitch Neverov (1886-1923) était un écrivain et professeur de russe. L’année de sa mort parut cette courte nouvelle émouvante : Je veux vivre.
Sur le front. Une pause entre deux combats. Un soldat monologue douloureusement :
« Ceci est mon printemps de campagne guerrière.
Peut-être le dernier.
J’épie le frôlement, les cris, qui saluent le jeune printemps d’avril. Mon cœur s’agite.
À la maison j’ai une femme et deux enfants. Une petite chambrette au rez-de-chaussée, des oreilles fines, aux aguets, qui épient les pas tardifs sur l’escalier. On m’y attend.
Peut-être m’ont-ils enterré depuis longtemps.
Je n’ai eu ni amour, ni caresse, ni un regard chaud. Et c’est ainsi que je grandis, comme un chiot : on me frappait – je pleurais ; on me caressait – je souriais. Je ne savais pas en ce temps-là pourquoi nous étions les « malheureux » et les autres les « heureux ».
Je vivais dans cet univers, riche de beauté et de splendeurs, non pas comme un maître, mais comme un mercenaire, comme un chien solide et serviable qui ramasse des miettes. J’ai commencé à travailler à 7 ans, j’ai travaillé tous les jours, et je suis quand même un pauvre, un relent de rinçures.
Je ne sens qu’une seule chose : Je veux vivre ! Et pour cela je dois tirer des coups de feu pour obtenir les jours printaniers et ensoleillés pour moi, pour Seriojka et Nionschka et pour tous ceux qui regardent le printemps avec des yeux vieux vidés par les pleurs.
Et parce que je veux vivre, parce qu’il n’existe pas d’autre moyen de faire cela plus simplement et plus facilement – mon amour pour la vie me conduit à la bataille. »
Portrait d’Alexandr Neverov.
Nérénov ou L’amour de la vie malgré toutes ses injustices et ses atrocités.
En quelques pages, ou ici en quelques minutes, le héros parle de sa vie des plus misérables. Il évoque avec délicatesse comment l’appât du gain et l’amour du confort laisse des pauvres sur le carreau, comment l’homme bien propret peut profiter de la misère d’une prostituée. Mais un mystère demeure… au milieu de la boue fleurit toujours un nénuphar, un homme qui malgré le manque d’amour, malgré la laideur de son histoire choisit d’aimer de de donner sa vie.
Mr Depasse, pouvez-vous lire d’autres textes de cet auteur?
Très touchant de simplicité et de mots justes.
Merci pour ce beau moment
Très beau texte, très émouvant dans la sobre et magnifique lecture de René Depasse.
Comme dit Prévert “Quelle connerie la guerre!”
Merci, René, j’en ai encore les larmes aux yeux.
Amicalement
Cocotte