Albert Tinchant (1860-1892) était surtout connu sur les hauteurs de Montmartre ; il a fait longtemps les délices des habitués du Chat-Noir. Élève brillant de Jules Lemaître, au collège du Havre, il vint à Paris à dix-huit ans et débuta au Parnasse. Il n’était pas seulement un doux poète, mais encore un pianiste remarquable, mort à 32 ans.
Il a publié en 1886 Les Fautes, Sérénités, composé de quatre textes en prose (qu’on peut appeler érotiques) suivis de quatre poèmes (frôlant le mysticisme) avec en préface : « Je publie ces modestes vers par horreur des pessimistes, décadents, androgynes, déliquescents et autres ».
Il serait dommage d’ignorer, par exemple, ce début de Jours bleus :
« J’ai choisi lointaine la clairière où nous nous aimerons. Lorsque luit le tendre soleil de mai, il pleut là des gouttes d’or à travers les feuilles. Les coquelicots triomphants et les pudiques pervenches y dansent les anciennes pavanes. Auprès des lilas frais éclos, les gazons semés de boutons d’or nous offrent, avec pour dentelles les mousses, une couche parfumée où sombreront en un rut formidable sa foi et ma pensée. J’ai souventes fois parcouru le chemin mystérieux qui conduit au sanctuaire. Ainsi les herbes foulées sembleront plus douces à ses pieds délicats. Un matin parmi l’hymen universel des choses nos bouches se baiseront ; puis, un grand trouble dans les yeux nous serons profondément l’un à l’autre. Une langueur nous viendra au souvenir de l’heure exquise, et nous mourrons de l’intensité de ces ivresses vécues au delà du monde. J’ai choisi lointaine la clairière où nous nous aimerons. »
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