« Je peux avoir mon livre ? demandai-je timidement. — Il est dans la poubelle avec les ordures, et je t’interdis d’y toucher ! — Quoi ? murmurai-je. — Je ne veux pas de ce genre de livre à la maison. — Qu’est-ce que tu lui reproches ? — C’est un écrivain ordurier ! — Mais, papa… — Il n’y a pas de « mais », tu obéis, un point c’est tout ! Et si tu veux contester, c’est tous tes livres qui vont y passer ! »
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Illustration :
Couverture d’une édition ancienne de Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline.
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Livre audio gratuit ajouté le 10/06/2017.
Bonsoir kalman,
Je ne suis pas sûr de comprendre votre question ? Le « on », est-ce Céline ? ou est-ce vous ? Me demandez-vous si vous avez le droit de dire tout ce que vous pensez ?
En tout cas, cela me rappelle un passage de Bret Easton Ellis, dans White :
« Nous sommes entrés, semble-t-il, dans une sorte de totalitarisme qui exècre la liberté de parole et punit les gens s’ils révèlent leurs véritables personnalités. C’est pourquoi, sur les réseaux sociaux, les gens se surveillent et se comportent comme des acteurs. »
peut-on écrire ce qu’on pense vraiment?
Vous dites comme Compagnon avec des mots différents. Ce que vous nommez « lacher-prise », il le nomme « grain de bêtise ». Mais, bêtise sans méchanceté… avec de l’affection et probablement même un sourire !
Oups! la faute! Ah? vous ne l’aviez pas vue?
Non, je n’ai pas adoré! Je vois beaucoup de fausse modestie là-dedans. A Barthes et Valéry, ce n’est pas le grain de bêtise qui leur manquait pour écrire un roman, mais plutôt une légèreté, un lacher-prise, une spontanéïté, des sabots qui aurait ramené leur cervelle sur terre.
Bon, ce que j’en dis… Une chose est sûre, c’est que les sabots me maintiennent bien ras terre, moi!
Bonjour Ahikar,
En Juillet 2017, j’avais écrit (ci-dessus) à Lulu :
“L’homme est un salopard. Mais, l’écrivain est prodigieux.”
Je n’ai pas changé d’avis. Je pense qu’il est important sur un site à vocation plus ou moins “littéraire” d’essayer de faire la part (c’est peut-être une illusion, mais elle me tient à coeur) entre l’homme et l’écrivain. Tout à fait d’accord sur le fait qu’un entretien conduise souvent (par souci de cohérence) à des rapprochements du type raccourci.
Heureux de voir, en tout cas, que vous ne dormez que d’un oeil 😉
PS : C’est Pomme qui va “adorer” votre complément sur le “grain de bêtise”.
Bonjour Jean-Pierre,
J’ai lu l’article du Monde dont voici un autre extrait :
« Nous évoquions Barthes. Vous avez écrit, dans « L’Age des lettres » (Gallimard, 2015), qu’il « manquait à Roland ce grain de bêtise pour imaginer des romans ». Ce grain de bêtise, vraiment ?
Flaubert disait qu’il fallait être un peu bête pour faire un roman, et surtout pour le publier.
Écrire un roman, cela suppose un brin d’innocence ou d’inconscience. Sans cela, si l’on n’accepte pas de renoncer à l’intelligence, c’est impossible. Voyez Paul Valéry. Comme beaucoup de modernes, il était trop intelligent pour s’abandonner à un genre littéraire dans lequel il n’aurait pas tout contrôlé. La littérature se définit par la pluralité des sens, et Barthes, un intellectuel, voulait contrôler le sens. A la fin de sa vie, son projet de Vita Nova, interrompu par un accident, l’aurait peut-être conduit dans une voie différente. »
Que dire ? Je suis sceptique vis-à-vis de ce genre de déclarations qui ressemblent à des boutades. Flaubert pensait-il vraiment qu’il fallait être un peu bête pour écrire un roman. C’eût été renier ce à quoi il avait consacré toute sa vie, ce qui était pour lui le sens même de l’existence. Je vois plutôt ces déclarations comme un témoignage d’humilité de l’artiste créateur devant l’immensité de la Création.
« Plus grand aura été notre amour, plus grande en sera la haine. » disait Spinoza dans L’Éthique. Il faut donc supposer que Céline a beaucoup aimé avant d’écrire ses pamphlets. Sérieusement, je pense que Céline aimait avant tout l’humanité « blanche ». En relisant attentivement Voyage au bout de la nuit, on se rend compte qu’il ne portait pas vraiment les Africains dans son cœur : « Avec ça, ils peuvent toujours se gargariser avec le tonnerre de Dieu si ça les excite, les peaux de boudin ! Moi, je m’en fous toujours avec mon coton à la graisse ! J’entends plus rien ! Les nègres, vous vous en rendrez tout de suite compte, c’est tout crevés et tout pourris !… Dans la journée c’est accroupi, on croirait pas ça capable de se lever seulement pour aller pisser le long d’un arbre et puis aussitôt qu’il fait nuit, va te faire voir ! Ça devient tout vicieux ! tout nerfs ! tout hystérique ! Des morceaux de la nuit tournés hystériques ! Voilà ce que c’est que les nègres, moi j’vous le dis ! Enfin, des dégueulasses… Des dégénérés quoi !… »
Bien sûr, on peut se dire que c’est le personnage qui pense cela ! Mais dans Voyage au bout de la nuit, ce genre de phrases revient trop souvent. C’est pourquoi je pense que c’est Céline qui s’exprime, c’est Céline qui pensait cela !
Libre à vous, bien sûr, cher Jean-Pierre, de ne pas me suivre…
Excellent week-end,
Ahikar
A JPB,
Hum…pour l’explication. Mais vous avez bien fait de l’interrompre, car je crains que je n’eusse pas compris grand chose!
J’oserai dire, au risque de provoquer une réaction intempestive (qui ne ferait qu’un petit plouf!) que j’adore votre humour!
A Pomme,
En effet, pour comprendre ce point… il faut lire le reste de l’article. Compagnon y évoque, en outre, Roland Barthes dont il écrivait dans son ouvrage “l’âge des lettres” qu’il lui “manquait ce grain de bêtise pour imaginer des romans”. Rien de trop péjoratif, donc !
J’arrête là l’explication avant que vous ne “m’adoriez”, trop conscient désormais des réactions intempestives que cela peut susciter ;-).
Si quelqu’un peut m’expliquer en quoi est nécessaire à la création littéraire “le grain de bêtise”…!