TILIAK, le Berbère – Maintenant que je suis mort

Maintenant que je suis mort, que ceux qui m’ont égorgé ne peuvent plus m’atteindre, que mes bourreaux ne me font plus peur, je libère la parole. Ô vous qui tuez au nom des religions, je vous déclare apostats. Vous n’êtes pas des hommes, ni même des bêtes ; vos religions ne sont que des grimoires poussiéreux. Dois-je vraiment vénérer le Grand Homme qui me commande de tuer les infidèles ? Est-ce bien cela la grandeur ? Eh bien ! moi, j’ose le dire, cette grandeur je n’en veux pas, je la rejette ! Ces saints hommes ont choisi de m’égorger en me filmant pour édifier les masses. Des millions d’internautes ont ainsi pu voir ce témoignage de grandeur. Ma femme et mes enfants hurlaient, pendant que les grands hommes riaient. Le sang ! le sang ! le sang ! Ce n’est pas une religion : c’est le règne de la terreur ! Il faut terroriser les masses, et nous dominerons !

Ils ont gagné : même mon épouse adorée m’a renié. Elle, qui m’aurait suivi jusqu’aux enfers, m’a calomnié : Oui, vous avez bien fait, il n’a eu que ce qu’il méritait. Et pourtant, derrière ces déclarations publiques, je sais bien qu’elle mentait : elle m’a toujours aimé, elle n’a jamais cessé de m’aimer. C’est le règne de la terreur, et l’on se tait.

La terreur est si grande que seuls les morts osent parler. C’est pourquoi, cette nuit, j’ai soulevé prudemment le couvercle de ma tombe, et laissé échapper ma voix. Il fait nuit noire, et un froid glacial dans l’Atlas. Puissent mes mots réveiller les cerveaux engourdis par la terreur ! « Je suis la Vérité ! » crient, haut et fort, ceux qui nous maintiennent dans l’obscurité. Non ! ce n’est pas vrai : la vérité est enfouie sous terre dans la tombe des poètes, de nos plus grands poètes. Je suis la vérité.