SIEYES, Emmanuel-Joseph – Dire de l’abbé Sieyès, sur la question du Veto royal, à la séance du

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  • #144628
    BBenoît Daroussin
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      #160414
      BBenoît Daroussin
      Participant

        Messieurs,



        J’applaudis à la sagesse de l’Assemblée, qui n’a rien voulu décider sur la question de la Sanction Royale, avant d’avoir éclairci les questions voisines & dépendantes de la Permanence des États-Généraux & de l’unité du Corps législatif. Peut-être ces questions elles-mêmes ne peuvent pas tellement s’isoler qu’elles n’aient encore besoin, pour être parfaitement éclairées, d’emprunter toutes les lumières qui appartiennent à l’organisation entière de la Représentation Nationale ; mais ce qui convient le mieux n’échappera pas à votre sagacité.



        L’Assemblée parait avoir abandonné l’idée d’attacher au Pouvoir Royal une part intégrante dans la formation de la Loi ; elle a senti que ce serait altérer & dénaturer même l’essence de la Loi, que d’y faire entrer d’autres éléments que des volontés individuelles.



        La seule définition raisonnable qu’on puisse donner de la Loi, est de l’appeler l’expression de la volonté des Gouvernés. Les Gouvernants ne peuvent s’en emparer en tout ou en partie, sans approcher plus ou moins du Despotisme. Il ne faut pas souffrir un alliage aussi dangereux dans ses effets. Que si, considérant la personne du Roi sous la qualité qui lui convient le mieux, c’est-à-dire, comme Chef de la Nation, comme premier Citoyen[1], vous voulez faire une exception en sa faveur, vous vous rappellerez les belles paroles que Sa Majesté a prononcées au milieu de vous, avant même la réunion des Ordres : moi, a-t-elle dit, qui ne suis qu’un avec la Nation. En effet, le Prince, le Chef de la Nation ne peut être qu’un avec elle ; si vous l’en séparez un seul instant, si vous lui donnez un intérêt différent, un intérêt à part, dès ce moment vous abaissez la Majesté Royale ; car il est trop évident qu’un intérêt différent de l’intérêt national ne peut jamais lui être comparé ; que, dans une Nation, tout fléchit & doit fléchir devant elle.



        Ainsi le Roi ne peut jamais être séparé, même en idée, de la Nation dont il représente toute la Majesté. Lorsque la Nation prononce son vœu, le Roi le prononce avec elle. Par-tout il est Chef ; par-tout il préside ; mais tous ces actes le supportent présent au milieu de vous. Enfin, ici feulement, peuvent s’exercer ses droits à la Législation.



        Si l’on est conduit à reconnaître que le Roi ne peut point concourir à la formation de la Loi, hors de l’Assemblée Nationale, il n’est pas encore décidé pour tous quelle est la part d’influence proportionnelle qu’il peut y prendre ? Un Votant, quel qu’il soit, peut-il, dans une Assemblée quelconque, avoir plus de voix que tout autre Opinant ?… Cette question a ses profondeurs ; mais il n’est pas nécessaire de s’y enfoncer en entier, pour prononcer que la moindre inégalité, à cet égard, est incompatible avec toute idée de liberté & d’égalité politique. Je me contente de vous présenter le systême contraire, comme ramenant à l’instant la distinction des Ordres. Car ce qui caractérise la pluralité des Ordres est précisément l’inégalité des droits politiques. Il n’existe qu’un Ordre dans un État, ou plutôt il n’existe plus d’Ordres, dès que la représentation est commune & égale. Sans doute nulle classe de Citoyens n’espère conserver en sa faveur une représentation partielle, séparée & inégale. Ce Serait un monstre en politique ; il a été abattu pour jamais.



        Remarquez, Messieurs, une autre conséquence du systême que je combats ici. Si le suffrage d’un Votant pouvait valoir deux suffrages en nombre, il n’y aurait plus de raison pour que la même autorité qui lui a accordé ce Privilège politique, ne pût lui accorder celui de peser autant que dix, que mille suffrages. Vous voyez, Messieurs, que de là, à les valoir tous, à les remplacer tous, il n’y a qu’un pas. Si une volonté peut valoir numériquement deux volontés dans la formation de la Loi, elle peut en valoir 25 millions. Alors la Loi pourra être expression d’une seule volonté ; alors le Roi pourra se dire seul Représentant de la Nation. Nous observions il y a un instant que l’inégalité des droits politiques nous ramenait à l’Aristocratie : il est clair que ce systême odieux ne serait pas moins propre à nous plonger dans le plus absurde Despotisme.



        Il faut donc reconnaître & soutenir que toute volonté individuelle est réduite à son unité numérique ; & ne croyez pas que l’opinion que nous nous formons d’un Représentant, élu par un grand nombre de Citoyens, détruite ce principe. Le Député d’un Bailliage est immédiatement choisi par son



        Bailliage ; mais médiatement, il est élu par la totalité des Bailliages. Voilà pourquoi tout Député est Représentant de la Nation entière. Sans cela, il y aurait parmi les Députés une inégalité politique que rien ne pourront justifier ; & la Minorité pourrait faire la loi à la Majorité, ainsi que je l’ai démontré ailleurs.



        Le Roi, considéré comme individu, est réduit à sa volonté individuelle ; à ce titre seul, il ne peut voter que dans une des premières Assemblées élémentaires, où tout Citoyen est admis à porter son suffrage. Le Roi, considéré comme premier Citoyen, comme Chef de la Nation, est censé Représentant de la Nation dans toutes les Assemblées graduelles, jusqu’à l’Assemblée Nationale. Par-tout il a droit de voter ; par-tout il peut présider ; par-tout il est légalement le premier, parce qu’il ne peut y avoir de premier que par la Loi ; mais nulle part son suffrage ne peut en valoir deux. Ce principe est assez démontré, en ce moment, par les inconvénients du systême contraire, tels que je viens de le présenter.



        Actuellement, Messieurs, si vous voulez considérer le Roi comme dépositaire de toutes les branches du Pouvoir exécutif, il est évident qu’il ne s’offre plus rien dans son autorité, quelque étendue, quelque immense qu’elle soit, qui puisse entrer, comme partie intégrante, dans la formation de la Loi. Ce serait oublier que les volontés individuelles peuvent seules entrer, comme éléments, dans la volonté générale ; l’exécution de la Loi est postérieure à sa formation ; le Pouvoir exécutif & tout ce qui lui appartient n’est censé exister qu’après la Loi toute formée. Auparavant, toutes les volontés individuelles avoient été consultées, ou plutôt, avoient concouru à la confection de la Loi. Donc il n’existe plus rien qui doive être appelé à y concourir. Tout ce qui peut y être s’y trouve déjà ; rien ne lui manque : il ne pouvait y avoir que des volontés ; elles y sont toutes… Si donc l’exercice du Pouvoir exécutif donne une expérience, procure des lumières qui peuvent être utiles au Législateur, on peuvent bien écouter ses conseils, l’inviter à donner son avis ; mais cet avis est autre chose qu’une volonté. Il ne doit point, je le répète, entrer dans la formation de la Loi, comme partie intégrante ; en un mot, si le Pouvoir exécutif peut conseiller la Loi, il ne doit point contribuer à la faire.



        Le droit d’empêcher n’est point, suivant moi, différent du droit de faire. D’abord il est aisé de s’apercevoir que le Ministère royal fera proposer par des Députés, & soutenir par un Parti, toutes les Lois qui lui conviendront. Si elles passent, tout est fait à son gré. Si elles sont rejetées, il rejettera à son tour toutes les décisions contraires. On n’a besoin que de ce premier aperçu pour sentir qu’un tel pouvoir est énorme, & que celui qui l’exerce est à-peu-près le maître de tout.



        Persistera-t-on à dire qu’empêcher n’est point faire ? Je ne sais ; mais, dans cette Assemblée même, ce n’est pas autre chose que fait la Majorité, à qui pourtant vous ne refusez pas le droit de faire. Lorsqu’une Motion est soutenue seulement par la Minorité, la Majorité exprime le vœu national en la refusant ; elle exerce son Pouvoir législatif sans limites ; en cela, il est permis de le demander : Que fait-elle de plus qu’un acte dont on veut attribuer l’exercice au Pouvoir exécutif ? Je dis que le droit d’empêcher que l’on veut accorder au Pouvoir exécutif, est bien plus puissant encore ; car enfin, la Majorité du Corps législatif n’arrête que la Minorité, au lieu que le Ministère arrêterait la Majorité elle-même, c’est-à-dire, le vœu national, que rien ne doit arrêter. Je suis tellement frappé de cette différence, que le veto suspensif ou absolu, peu importe, ne me paraît plus qu’un ordre arbitraire ; je ne puis le voir que comme une lettre-de-cachet lancée contre la volonté nationale, contre la Nation entière.



        Je sais qu’a force de distinctions d’une part, & de confusion de l’autre, on en est parvenu à considérer le vœu national, comme s’il pouvait être autre chose que le vœu des Représentants de la Nation ; comme si la Nation pouvait parler autrement que par ses Représentants. Ici les faux principes deviennent extrêmement dangereux. Ils ne vont à rien moins qu’à couper, qu’à morceler, qu’à déchirer la France en une infinité de petites Démocraties, qui ne s’uniraient ensuite que par les liens d’une confédération générale, à-peu-près comme les 13 ou 14 États-Unis d’Amérique se sont confédérés en Convention générale.



        Ce sujet mérite la plus sérieuse attention de notre part. La France ne doit point être un assemblage de petites Nations, qui se gouverneraient séparément en Démocraties ; elle n’est point une collection d’États ; elle est un tout unique, composé de parties intégrantes ; ces parties ne doivent point avoir séparément une existence complète, parce qu’elles ne sont point des tous simplement unis, mais des parties ne formant qu’un seul tout. Cette différence est grande ; elle nous intéresse essentiellement. Tout est perdu, si nous nous permettons de considérer les Municipalités qui s’établissent, ou les Districts, ou les Provinces, comme autant de Républiques unies seulement sous les rapports de force ou de protection commune. Au lieu d’une Administration générale, qui, partant d’un centre commun, va frapper uniformément les parties les plus reculées de l’Empire ; au lieu de cette Législation, dont les éléments fournis par tous les Citoyens se composent en remontant jusqu’à l’Assemblée Nationale, chargée seule d’interpréter le vœu général, de ce vœu qui retombe ensuite avec tout le poids d’une force irrésistible sur les volontés elles-mêmes qui ont concouru à le former : nous n’aurons plus, dans l’intérieur du Royaume, hérissé de barrières de toute espèce, qu’un chaos de Coutumes, de Régalements, de prohibitions particulières à chaque localité. Ce beau pays deviendra odieux aux voyageurs et aux habitants. Mais mon intention ne peut pas être de vous présenter les inconvénients innombrables qui accableraient la France, si elle se transformait jamais en une confédération de Municipalités ou de Provinces. Ce n’est point là, Messieurs, votre Projet : il suffit donc de remarquer que, si nous n’y prenons garde, les principes que nous paraissons adopter, aidés déjà par des circonstances beaucoup trop influentes, pourraient bien nous mener à une situation politique qui n’est point dans nos vues, & dont nous aurions ensuite bien de la peine à sortir.



        En conséquence de ces courtes réflexions, qu’il serait inutile aujourd’hui d’étendre davantage, je crois qu’on pourrait demander dès-à-présent, en forme d’amendement à la question qui nous occupe,



        « Qu’il soit formé dès ce soir, un Comité peu-nombreux pour présenter à l’Assemblée, sous deux ou trois jours, un plan de Municipalités et de Provinces, tel que la France, ainsi organisée, ne cesse pourtant point de former un tout soumis uniformément à une Législation, à une Administration commune. »



        Je ne sors point de la question, Messieurs ; il est impossible de constituer la Législature ordinaire, sans connaître les éléments dont elle se compose & les canaux par lesquels les volontés individuelles arrivent au rendez-vous commun où elles doivent se concerter pour former le vœu général. Le sujet qui vous occupe tient certainement, tient essentiellement au système de représentation que vous voudrez adopter. Vous ne pouvez en fonder les bases que dans les Municipalités ; vous ne pouvez en proportionner les parties qu’en déterminant d’avance ce que vous entendrez par Provinces dans votre nouvelle langue politique.



        Il est plus pressant encore de connaître quel degré d’influence vous voulez donner à ces Assemblées commettantes sur les Députés Nationaux. Je ne parle pas de l’influence sur les personnes : elle doit être entière ; mais de l’influence des Commettants sur la Législation elle-même. On voit que si la volonté nationale peut se manifester dans les Municipalités ou dans les Bailliages, & qu’elle ne fasse que se répéter dans l’Assemblée générale ; on voit, dis-je, que le veto suspensif, ou plutôt l’appel au Peuple, à quoi nous semblons aujourd’hui vouloir réduire le droit d’empêcher, prend un tout autre caractère : de même, s’il ne faut qu’énoncer un vœu déjà formé par le Peuple dans les Bailliages ou dans les Municipalités, qu’est-il nécessaire, pour un énoncé qui ne peut pas varier, de former deux ou trois Chambres ? Qu’est-il nécessaire de les rendre permanentes ? Des Porteurs de votes, ou bien, en se servant d’une expression déjà connue, des Courriers politiques n’ont pas besoin d’être permanents.



        Il faut donc convenir que le système de représentation, & les droits que vous voulez y attacher dans tous ses degrés, doivent être déterminés avant de rien statuer sur la division du Corps législatif & sur l’appel au Peuple, de vos décisions.



        Les Peuples Européens modernes ressemblent bien peu aux Peuples anciens. Il ne s’agit parmi nous que de Commerce, d’Agriculture, de Fabriques, &c. Le désir des richesses semble ne faire de tous les états de l’Europe que de vastes Ateliers : on y songe bien plus à la consommation & à la production qu’au bonheur. Aussi les systèmes politiques, aujourd’hui, sont exclusivement fondés sur le travail ; les facultés productives de l’homme sont tout ; à peine fait-on mettre à profit les facultés morales qui pourraient cependant devenir la source la plus féconde des plus véritables jouissances. Nous sommes donc forcés de ne voir, dans la plus grande partie des hommes, que des machines de travail. Cependant vous ne pouvez pas refuser la qualité de Citoyen, & les droits du civisme, à cette multitude, sans instruction, qu’un travail forcé absorbe en entier. Puisqu’ils doivent obéir à la Loi, tout comme vous, ils doivent aussi, tout comme vous, concourir à la faire. Ce concours doit être égal.



        Il peut s’exercer de deux manières. Les Citoyens peuvent donner leur confiance à quelques-uns d’entre-eux. Sans aliéner leurs droits, ils en commettent l’exercice. C’est pour l’utilité commune qu’ils se nomment des Représentants bien plus capables qu’eux-mêmes de connaître l’intérêt général, & d’interpréter à cet égard leur propre volonté.



        L’autre manière d’exercer son Droit à la formation de la Loi, est de concourir soi-même immédiatement à la faire. Ce concours immédiat, est ce qui caractérise la véritable démocratie. Le concours médiat désigne le Gouvernement représentatif . La différence entre ces deux systèmes politiques est énorme.



        Le choix entre ces deux méthodes de faire la Loi n’est pas douteux parmi nous.



        D’abord, la très-grande pluralité de nos Concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir, pour vouloir s’occuper directement des Lois qui doivent gouverner la France ; leur avis est donc de se nommer des Représentants ; & puisque c’est l’avis du grand nombre, les hommes éclairés doivent s’y soumettre comme les autres. Quand une société est formée, on sait que l’avis de la pluralité fait Loi pour tous.



        Ce raisonnement qui est bon pour les plus petites Municipalités, devient irrésistible quand on songe qu’il s’agit ici de Lois qui doivent gouverner vingt-six millions d’hommes ; car je soutiens toujours que la France n’est point, ne peut pas être une Démocratie ; elle ne doit point devenir un État fédéral, composé d’une multitude de Républiques, unies par un lien politique quelconque. La France est & doit être un seul tout, soumis dans toutes ses parties à une Législation, & à une Administration communes. Puisqu’il est évident que cinq à six millions de Citoyens actifs, répartis sur plus de vingt-cinq mille lieues quarrées, ne peuvent point s’assembler ; il est certain qu’ils ne peuvent aspirer qu’à une Législature par représentation. Donc les Citoyens qui se nomment des Représentants, renoncent & doivent renoncer à faire eux-mêmes, immédiatement la Loi : donc ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir, leur appartiennent sur la personne de leurs mandataires ; mais c’est tout. S’ils dictaient des volontés, ce ne serait plus cet état représentatif ; ce serait un état démocratique.



        On a souvent observé, dans cette Assemblée, que les Bailliages n’avaient pas le droit de donner des Mandats impératifs ; c’est moins encore. Relativement à la Loi, les Assemblées commettantes n’ont que le Droit de commettre. Hors de là, il ne peut y avoir entre les Députés & les Députans directs, que des mémoires, des conseils, des instructions. Un Député, avons nous dit, est nommé par un Bailliage, au nom de la totalité des Bailliages ; un Député l’est de la Nation entière ; tous les Citoyens sont ses Commettants : or, puisque dans une Assemblée Bailliagère, vous ne voudriez pas que celui qui vient d’être élu, se chargeât du vœu du petit nombre contre le vœu de la majorité, vous ne devez pas vouloir, à plus forte raison, qu’un Député de tous les Citoyens du Royaume écoute le vœu des seuls Habitants d’un Bailliage ou d’une Municipalité, contre la volonté de la Nation entière. Ainsi il n’y a, il ne peut y avoir, pour un Député, de Mandat impératif, ou même de vœu positif, que le vœu National ; il ne se doit aux Conseils de ses Commettants directs, qu’autant que ces Conseils seront conformes au vœu National. Ce vœu, où peut-il être, où peut-on le reconnaître, si ce n’est dans l’Assemblée Nationale elle-même ? Ce n’est pas en compulsant les cahiers particuliers, s’il y en a, qu’il découvrira le vœu de ses Commettants. Il ne s’agit pas ici de recenser un scrutin démocratique ; mais de proposer, d’écouter, de se concerter, de modifier son avis ; enfin de former en commun une volonté commune.



        Pour écarter tout reste de doute à cet égard, faisons attention que, même dans la plus stricte démocratie, cette méthode est la seule pour former un vœu commun. Ce n’est pas la veille, & chacun chez soi, que les démocrates les plus jaloux de liberté, forment & fixent leur avis particulier, pour être ensuite porté sur la place publique, sauf à rentrer chez soi pour recommencer toujours solitairement, dans le cas où l’on n’aurait pas pu tirer de tous ces avis isolés une volonté commune à la majorité. Disons-le tout-à-fait ; cette manière de former une volonté en commun, serait absurde. Quand on se réunit, c’est pour délibérer, c’est pour connaître les avis les uns des autres, pour profiter des lumières réciproques, pour confronter les volontés particulières, pour les modifier, pour les concilier, enfin pour obtenir un résultat commun à la pluralité. Je le demande à présent : ce qui paraîtrait absurde dans la démocratie la plus rigoureuse & la plus défiante, doit-il servir de règle dans une législature représentative ? Il est donc incontestable que les Députés sont à l’Assemblée Nationale, non pas pour y annoncer le vœu déjà formé de leurs Commettants directs, mais pour y délibérer & y voter librement d’après leur avis actuel, éclairé de toutes les lumières que l’Assemblée peut fournir à chacun.



        Il est donc inutile qu’il y ait une décision dans les Bailliages ou dans les Municipalités, ou dans chaque maison de Ville ou Village, car les idées que je combats ne mènent à rien moins qu’à cette espèce de Chartreuse politique. Ces sortes de prétentions seraient plus que démocratiques. La décision n’appartient & ne peut appartenir qu’à la Nation assemblée.



        Le Peuple ou la Nation ne peut avoir qu’une voix, celle de sa législature nationale. Ainsi, lorsque nous entendons parler d’un appel au Peuple, cela ne peut vouloir dire autre chose, si ce n’est que le Pouvoir exécutif pourra appeler de la Nation à elle-même, & non pas des Représentants à leurs Commettants, puisque ceux-ci ne peuvent se faire entendre que par les Députés Nationaux. L’expression d’appel au Peuple est donc mauvaise, autant qu’elle est impolitiquement prononcée. Le Peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (& la France ne saurait l’être). Le Peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses Représentants.



        De toutes les observations que je viens de vous soumettre, il faut donc conclure relativement au droit d’empêcher, qu’on ne doit point entendre par ce mot, un droit de participer à la législature, ni un droit d’appel au Peuple ; & comme j’ai prouvé en même temps que le droit d’empêcher ne différait point le plus souvent du droit de faire, il me semble que je pourrais déjà en tirer telle conséquence, que le veto, s’il est nécessaire, ne peut être confié qu’à ceux qui ont le droit de faire ; c’est-à-dire, à ceux qui participent déjà activement à la formation de la Loi. Il est certain, & nous l’avons aussi prouvé, que le Pouvoir exécutif n’a aucune espèce de droit à la formation de la Loi. Si donc vous vouliez accorder le veto au Roi, ce ne pourrait pas être à titre de dépositaire du Pouvoir exécutif ; ce ne serait qu’à titre de Chef de la Nation ou de premier Citoyen ; à ce titre, avons-nous dit, le Roi peut avoir le droit de voter à toutes les Assemblées qui sont dans l’ordre de la représentation nationale. À ce titre seul le Roi n’a point de supérieur ; la Majesté Royale éclipse tout, parce qu’elle est la Majesté Nationale elle-même.



        Au terme où je suis arrivé, la question présente change d’aspect ; elle se réduit à savoir : si le droit d’empêcher est utile, quand, & en quoi ? et, dans le cas où on le croirait utile, s’il faut le faire exercer par le Chef de la Nation, votant dans l’Assemblée législative, ou par toute autre partie de la législature.



        Je crois inutile de prévenir que le veto, dont je cherche l’utilité, ne peut pas être le veto qui s’est présenté d’abord, sous le nom de veto absolu, & qu’on espère aujourd’hui faire plus facilement adopter sous la dénomination adoucie de veto indéfini, ou illimité.



        J’ignore quelle idée on se forme de la volonté d’une Nation, lorsqu’on a l’air de croire qu’elle peut être anéantie par une volonté particulière & arbitraire. Il ne s’agit ici que du veto suspensif. L’autre, il faut le dire, ne mérite pas qu’on le réfute sérieusement.



        Le Décret National dont vous craignez les effets, & que vous croyez bon de suspendre jusqu’à un nouvel examen, regarde la Constitution, ou bien il appartient simplement à la Législation. Tels sont les deux points de vue sous lesquels nous allons considérer l’action du veto.



        En Angleterre on n’a point distingué le Pouvoir constituant du Pouvoir législatif ; de sorte que le Parlement Britannique, illimité dans ses opérations, pourrait attaquer la Prérogative royale, si celle-ci n’était armée du veto et du droit de dissoudre le Parlement. Ce danger est impossible en France. Nous aurons pour principe fondamental & constitutionnel, que la Législature ordinaire n’aura point l’exercice du Pouvoir constituant, pas plus que celui du Pouvoir exécutif. Cette séparation de Pouvoirs est de la plus absolue nécessité. Si des circonstances impérieuses, si le Mandat spécial de nos Commettants nous obligent à remplir simultanément ou successivement des fonctions constitutives & législatives, nous reconnaissons au moins que cette confusion ne pourra plus avoir lieu après cette Session ; l’Assemblée Nationale ordinaire ne sera plus qu’une Assemblée législative. Il lui sera interdit de toucher jamais à aucune partie de la Constitution. Lorsqu’il sera nécessaire de la revoir & d’en réformer quelque partie, c’est par une Convention expresse & bornée à cet unique objet, que la Nation décrétera les changements qu’il lui paraîtra convenable de faire à sa Constitution. Ainsi, la Constitution de chaque Pouvoir sera immuable jusqu’à une nouvelle Convention Nationale. Une partie quelconque de l’établissement public n’aura point à craindre l’entreprise d’une autre. Elles seront toutes indépendantes dans leur constitution.



        Il suit de ces observations que, si le veto



        Royal est nécessaire en Angleterre, il serait inutile & déplacé en France. Le Roi n’aura rien à défendre contre le Corps législatif, parce qu’il sera impossible au Corps législatif d’attenter à la prérogative royale.



        Je conviens qu’un Pouvoir, quel qu’il soit ne se contient pas toujours dans les limites qui lui sont prescrites par sa Constitution, & que les Corps publics peuvent, ainsi que les particuliers, cesser d’être justes les uns envers les autres.



        Sur cela, je remarque à mon tour que l’histoire nous apprend à redouter les attentats du Pouvoir exécutif sur les Corps législatifs bien plus que ceux du Pouvoir législatif sur les dépositaires de l’exécution. Mais n’importe, l’un & l’autre de ces inconvénients méritent qu’on y apporte remède ; & puisque le danger menace également tous les Pouvoirs, la défense doit être la même pour tous.



        Je dis donc, que puisqu’il est possible que les Pouvoirs publics, quoique séparés avec soin, quoique indépendants les uns des autres dans leur organisation & dans leur prérogative, entreprennent néanmoins l’un sur l’autre, il doit se trouver dans la Constitution Sociale un moyen de remédier à ce désordre. Ce moyen est tout simple. Ce n’est point l’insurrection, ce n’est point la cessation des impôts, ce n’est pas non plus le veto Royal. Tous ces remèdes sont pires que le mal ; c’est le Peuple qui en est toujours la véritable victime, & nous devons empêcher le Peuple d’être victime ; le moyen que nous cherchons consiste à réclamer la délégation extraordinaire du Pouvoir Constituant. Cette convention est en effet l’unique Tribunal où ces sortes de plaintes puissent être portées. Cette marche paraît si simple & si naturelle, tant en principe qu’en convenance, que je crois inutile d’insister davantage sur ce véritable moyen d’empêcher qu’aucun des Pouvoirs publics n’empiète sur les droits d’un autre. On remarque sans doute qu’au moins cette espèce de veto est impartial ; je n’en fais pas un privilège exclusif pour les Ministres, il est ouvert, comme il doit l’être, à toutes les parties du Pouvoir public.



        Je viens de prouver que la Constitution du Pouvoir exécutif & la Prérogative royale n’ont rien à craindre des décrets du Pouvoir législatif, & que si les différents pouvoirs se mettent à usurper l’un sur l’autre, le vrai remède à ce désordre public n’est point le veto Royal, mais un véritable appel au pouvoir constituant dont la partie lésée a droit, alors, de demander la Convocation ou la délégation nationale. Permettez moi d’ajouter, en passant, que cette Convocation extraordinaire ne peut être que paisible dans un pays dont toutes les parties seront organisées par un système de représentation générale, où l’ordre des députations sera bien réglé, & les députations législatives seront fréquentes.



        Je viens, Messieurs, de vous présenter les moyens de garantir toutes les parties de la Constitution des coups qu’elles pourraient se porter les unes aux autres. Il faut maintenant examiner la prétendue nécessité du veto Royal, relativement à la législation. Ici je cherche avec soin ce qu’il peut y avoir de raisons, au moins spécieuses, dans les arguments de ceux qui croient à l’utilité du veto, & j’avoue que je ne trouve rien.



        Lorsque le Corps législatif se bornera à faire des Lois tutélaires ou directrices, lorsque le pouvoir exécutif, lorsque le Chef de la Nation n’auront point à se plaindre, ni dans leurs droits, ni dans leurs fonctions, ni dans leurs prérogatives ; enfin lorsqu’on se bornera à demander au Pouvoir exécutif l’exécution du vœu national dans l’ordre législatif, je ne conçois pas sur quel prétexte on voudrait que le pouvoir exécutif se dispensât d’exécuter, & pût opposer à la loi un veto suspensif, autant voudrait dire que lorsque les peuples demandent des Lois à leur Assemblée législative, il est bon qu’elle puisse s’empêcher de les faire. Il me semble que chaque Pouvoir doit se borner à ses fonctions ; mais qu’il doit les remplir avec zèle & sans retard, toutes les fois qu’il en est requis par ceux à qui cette réquisition appartient. Hors de ces principes, il n’y a plus de discipline sociale dans aucune partie de l’établissement public. Dira-t-on que l’expérience fournit aux Agents publics des lumières qu’il est bon de consulter avant de faire les Lois ? soit ; que la législature prenne conseil de tous ceux qui sont en état de lui en donner. Mais du moment que la Loi est faite, on ne me persuadera jamais qu’il appartienne au bon ordre que ceux qui ont à la faire exécuter, puissent exercer un veto contre le Législateur, sous prétexte que le Législateur a pu se tromper. D’abord, celui à qui vous accordez le veto peut se tromper aussi ; & si l’on veut comparer les chances d’erreur auxquelles il est sujet, aux chances d’erreur qui menacent la Législature elle-même, il me semble qu’il n’y a pas à balancer entre eux. Le Corps législatif est choisi, il est nombreux, il a intérêt au bien, il est sous l’influence du Peuple… Au contraire, le Dépositaire du Pouvoir exécutif est héréditaire, inamovible ; ses Ministres savent lui faire un intérêt à part… Comment, dans une telle inégalité de chances, a-t-on toujours l’air de s’effrayer des erreurs possibles de la Législature, & craint-on si peu les erreurs probables du Ministère ? Cette partialité, il faut en convenir, n’est pas naturelle…



        Mais enfin, direz-vous encore, la précipitation & l’erreur ne sont pas impossibles dans les opérations du Corps législatif… Il est vrai, & quoique ce danger soit infiniment plus rare que dans le ministère même le mieux composé, il est néanmoins bon de s’en garantir autant qu’on le peut.



        Dès qu’on ne me présente plus le veto suspensif que comme un moyen de diminuer en faveur de la Nation les chances d’erreur dans les délibérations de ses Représentants, loin de m’y opposer, je l’adopte de grand cœur ; mais il faut me donner un veto

        #160415
        BBenoît Daroussin
        Participant

          Dès qu’on ne me présente plus le veto suspensif que comme un moyen de diminuer en faveur de la Nation les chances d’erreur dans les délibérations de ses Représentants, loin de m’y opposer, je l’adopte de grand cœur ; mais il faut me donner un veto qui ait véritablement ce caractère ; il faut le placer dans les mains qui doivent le manier le plus avantageusement pour le Peuple. Par exemple, lorsqu’il est nécessaire de faire ou de réformer une Loi, comment me prouvera-t-on qu’il puisse être utile au Peuple d’en renvoyer la révision ou le nouvel examen à un an, ou deux ans ? Ce n’est point là une suspension utile. Pourquoi la prolonger au-delà du terme nécessaire ? Est-ce que dans ce long intervalle il serait indifférent de se passer d’une bonne Loi, ou d’être tourmenté par une mauvaise ?

          On prétend que les mêmes personnes peuvent tenir, mal-à-propos, à leurs premières idées, & qu’il faut attendre de nouveaux Députés. Je répondrai d’abord, que ce n’est pas toujours mal-à-propos que l’on tient à ses premières idées ; & d’ailleurs, je n’abandonne pas facilement la persuasion où je suis que la législature, pour peu qu’elle soit bien organisée, sera bien moins sujette à se tromper, en faisant la Loi, que le Ministère en la suspendant. Je réponds en second lieu, qu’on peut ne point renvoyer la seconde discussion à un temps trop éloigné, sans être obligé pour cela d’interroger les mêmes Députés. Ce moyen qui concilie tous les intérêts, tient à former, non pas deux ou trois Chambres, mais deux ou trois Sections de la même Chambre.

          Souvenez-vous, Messieurs, de votre Arrêté du 17 Juin ; il est fondamental, puisque c’est de ce jour que date votre existence en Assemblée Nationale ; vous y avez déclaré que l’Assemblée Nationale est une & indivisible. Ce qui fait l’unité & l’indivisibilité d’une Assemblée, c’est l’unité de décision, ce n’est pas l’unité de discussion. Il est évident qu’il est bon quelquefois de discuter deux & même trois fois la même question. Rien n’empêche que cette triple discussion se fasse dans trois salles séparées, devant trois divisions de l’Assemblée, sur lesquelles dès-lors vous n’avez plus à craindre l’action de la même cause d’erreur, de précipitation, ou de séduction oratoire. Il suffira que la détermination ou le Décret ne puisse être que le résultat de la pluralité des suffrages recueillis dans les trois Sections, de la même manière qu’ils le seraient, si tous les Députés se trouvaient réunis dans la même salle ; c’est-à-dire, pour me servir du langage usité, pourvu que les suffrages soient pris par têtes & non par Chambres.

          En admettant la triple discussion, ainsi que je la propose, on remplirait l’intention de la plupart de ceux qui réclament le veto suspensif, de tous ceux au moins qui ne veulent du veto que ses avantages. On n’aurait plus même besoin d’accorder le veto à personne, car il se trouve naturellement dans la division indiquée, puisque, si une section de l’Assemblée juge à propos de retarder sa discussion, vous avez, par cela même, tout l’effet du veto suspensif. Que s’il arrive à chacune des trois sections de vouloir, sur un point, terminer promptement : c’est une grande preuve, à mon avis, qu’ainsi le demande l’intérêt général, & que, dans ce cas, l’usage d’un veto suspensif serait nuisible.

          Dans le Plan infiniment simple qui vous est présenté, il se trouve donc un veto suspensif, calculé au juste degré d’utilité qu’il doit avoir, sans entraîner aucun inconvénient. C’est donc à celui-là qu’il faut s’en tenir. Je ne vois pas, en effet, pourquoi, si l’exercice d’un veto suspensif est bon & utile, on le sortirait de la place que la nature des choses lui a destinée dans la Législature elle-même. Le premier qui, en mécanique, fit usage du régulateur, se garda bien de le placer hors de la machine dont il voulait modérer le mouvement trop précipité. D’ailleurs, nous avons prouvé, nous avons reconnu plus haut que le droit d’empêcher ou de suspendre n’est souvent que le droit de faire ; qu’il répugne de vouloir les séparer ; & que, sur-tout, il ne faut, dans aucun cas, en confier l’usage au Pouvoir exécutif.

          En le faisant donc exercer d’une manière naturelle par les différentes sections de l’Assemblée législative elle-même, nous n’ôtons rien aux droits du Chef de la Nation. Il aura sur ce veto la même influence que sur la Loi ; &, dans mes idées, c’est toujours lui qui est censé la prononcer au milieu de nous.

          Il est vrai que ceux qui cherchent dans le veto autre chose que l’intérêt public, autre chose que ses avantages ; ceux qui, au lieu de consulter les vrais besoins d’un établissement, dans sa nature même, cherchent toujours, hors de leur sujet, des copies à imiter, ne voudront pas reconnaître dans le veto naturel que j’indique celui qu’ils ont dans leurs vues. Mais dès que nous serons assurés d’avoir établi tout ce qu’exige l’intérêt de la Nation, & par conséquent l’intérêt du Roi, est-il permis d’aller plus loin ?

          Opposera-t-on enfin, que malgré toutes nos précautions, il n’est pas absolument impossible que l’erreur se glisse dans un Décret de la Législature ; je répondrai en dernier résultat, que j’aime mieux dans ce cas infiniment rare, laisser l’erreur à réformer au Corps législatif lui-même, dans les Sessions suivantes, que d’admettre dans la machine législative un rouage étranger, avec lequel on suspendra arbitrairement l’action de son ressort.

          Avant de finir, je dirai un mot sur la Permanence de l’Assemblée Nationale, non pour en prouver la nécessité ; elle est trop impérieusement commandée par les principes, par les circonstances, par les plus puissantes considérations, pour craindre qu’elle n’ait pas en sa faveur, à-peu-près, l’unanimité des suffrages. Je me permettrai seulement d’observer que ceux-là se trompent, à mon avis, qui veulent renouveler tous les Membres de la législature à chaque session. Il faut éviter avec soin tout ce qui tend à établir l’Aristocratie ; mais quand on a pris des précautions plus que suffisantes, il ne faut pas qu’une peur chimérique nous fasse tomber dans le malheur très-réel de ne faire les Lois que par saccades ; il ne faut pas rendre impossible cette identité de principes, & cette uniformité d’esprit qui doit se trouver dans toute bonne législation. Enfin, il ne faut pas que l’expérience des uns soit perdue pour les autres.

          Quand on voudra bien ne pas perdre de vue qu’il ne s’agit pas d’exercer le Pouvoir constituant (ce Pouvoir, à la vérité, exigerait, à chaque session, un renouvellement total de ses Membres), mais qu’il s’agit seulement de décréter les Lois & les Règlements nécessaires au maintien journalier de la liberté, de la propriété, de la sécurité, & de surveiller la recette & la dépense des deniers publics ; on se convaincra sans doute que le renouvellement des Députés peut, sans danger, être partiel, & se faire annuellement par tiers, de sorte qu’il y ait toujours un tiers des Membres avec l’expérience de deux ans, un tiers avec les lumières d’une année de travail, & enfin un nouveau tiers arrivant annuellement des Provinces, pour entretenir toujours le Corps législatif des besoins & des dernières Opinions du Peuple.

          Un Corps ainsi constitué ne deviendra jamais aristocratique, si nous décidons en même temps qu’il faudra un intervalle quelconque pour être de nouveau éligible.

          Je finis par proposer à l’Assemblée l’amendement que j’ai annoncé dans le courant de mon opinion. Je ne le présente que parce que je le crois d’une nécessité pressante. S’il n’est pas appuyé, ou s’il est rejeté, j’aurai du moins acquitté ce que je crois de mon devoir, en prévenant sur le danger qui menace la France, si on laisse les Municipalités s’organiser en Républiques complètes & indépendantes. Voici l’avis que je propose : « Qu’il soit nommé dans la journée un Comité de trois personnes, pour présenter, le plutôt possible, à l’Assemblée un Plan de Municipalités et de Provinces, tel qu’on puisse espérer de ne pas voir le Royaume se déchirer en une multitude de petits États sous forme républicaine ; & qu’au contraire, la France puisse former un seul tout, soumis uniformément, dans toutes ses parties, à une Législation, & à une Administration communes. »

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