(-) RETBI, Shmuel – Les Vacances de Mic et Luc

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  • Ce sujet contient 7 réponses, 6 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par AegidiusAegidius, le il y a 6 années.
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  • #144812
    CocotteCocotte
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      #161459
      CocotteCocotte
      Participant

         

        Bonjour, chers collègues donneurs de voix.

        Shmuel me propose une nouvelle que je me permets de soumettre à votre vote.

        Merci pour le temps que vous vooudrez bien passer à en prendre connaissance.

        Bonne soirée!

        Amicalement

        Cocotte

         

        Les vacances de Mic et Luc

        Avant-propos

        Deux vieilles dames discutaient dans l'autobus :

        ” Non, je ne vous crois pas. N'insistez pas, c'est totalement inutile.

               Et ce pourquoi ?

        – Oh, c'est bien simple ! Tout le monde a eu quinze ans un jour, vous aussi, moi aussi et nos deux jeunes amis aussi. “

        – Ces deux-là ? Ah là, vous faites erreurs. Le plus jeune vient d'avoir quatorze ans la semaine dernière.

               Tiens, mais c'est vrai, ça…

               Ah, vous voyez ! Vous ne vous souvenez pas tellement ! À la bonne heure ! Vous faites des progrès ! Donc, Mic et Luc, comme nous tous, auront quinze ans un jour. Et quand on a quinze ans, on occupe ses vacances des façons les plus diverses : on travaille à gauche et à droite, on commet des petits larcins sans gravité, on conspire avec des camarades et surtout, surtout, on donne de bons conseils aux autres. “

        Mais l'autobus arrivait à son terminus. Les deux amies se quittèrent, se promettant de se revoir le lendemain à la même heure et dans le même numéro.

        Les vacances de Mic et Luc, voilà donc le sujet de cette histoire estivale et juvénile.

        Un de mes professeurs de français demandait à chaque page nouvelle qu'il tournait :

        ” Qui parle ? De quoi parle-t-il ? À qui parle-t-il ? Comment parle-t-il ? “

        Et, pour ma part, j'ajouterais :

        ” Quand parle-t-il et où parle-t-il ? “

        Qui ? ou plutôt, de qui ? De Mic et de Luc.

        De quoi ? De tout.

        À qui ? À vous et à moi.

        Comment ? Dur à dire, c'est une question de goût…

        Quand ? Pendant les dernières vacances d'été, quand ils avaient quinze et quatorze ans.

        Où ? Dans la bonne ville de Tours.

        Vous pouvez vous étonner, à juste titre : ”

        ” Tours ? Connais pas. “

        Vous ne serez pas le seul dans ce cas. Pour bien comprendre le fond de l'affaire, nous conseillons à tous de faire un petit tour à Tours, et de voir, tour à tour, les atours et les contours de cette jolie petite ville.

        Tours se félicite de la qualité de ses écoles. Dans l'une d'elles, apprennent, la plupart du temps, Mic et Luc. Ils parlent français à la maison, anglais en classe, argot dans la cour et poliment à Mamie, surtout quand elle apporte des friandises. Remarquez en outre que les cours d'anglais, ils les suivent un peu de loin mais, enfin, ne chicanons pas. Nous avons tous eu quatorze ou quinze ans un jour ou l'autre, n'est-ce pas !



        Mic et Luc, devins du village

        Les vacances d'été venaient de commencer. Les beaux jours de juillet arrivaient, et, avec eux, la liberté de penser et, surtout, la liberté de réunion et d'expression.

        Tout le quartier fêtait les fiançailles de Lydia, la deuxième fille des voisins. Mic, qui venait d'entrer dans sa seizième année, estima qu'il fallait reporter le mariage à l'automne de façon à permette à la première, Dorothée, d'assister à la cérémonie après la naissance de sa propre fille. Aux regards étonnés portés sur lui, Mic allait répondre lorsque son jeune frère Luc le devança :

        ” Comment savons-nous que c'est une fille ? Oh, les signes ne manquent pas. D'ailleurs, si vous voulez parier la somme de dix Euros par tête, pas de problème. Si nous nous trompons, nous rendons la mise. “

        Les paris s'ouvrirent. Mic inscrivait les noms des parieurs sur un petit calepin et empochait les mises. À la fin de la journée , les deux frères se trouvaient à la tête de près de trois-cents Euros. Sautons trois mois d'un bond, malgré la nécessité cornélienne d'une stricte unité de lieu et de temps.  Le huit octobre, Dorothée accouchait d'un garçon de trois kilos deux-cents-cinquante grammes. Deux vieux oncles se souvinrent soudain du pari et vinrent réclamer leur argent. Mic ouvrit son calepin et chercha les pages correspondant aux noms des deux oncles. Au bout de quelques secondes, il pointa le doigt sur une page et déclara :

        ” Désolé, mes bons tontons, vous avez parié à deux contre un, c'est vrai, mais vous avez tous les deux annoncé que Dorothée aurait une fille et vous avez perdu. C'est vous qui nous devait chacun encore dix Euros car nous, nous avons misé sur la naissance d'un garçon. “

        La nouvelle se répandit dans toute la ville :

        ” Nous avons des devins dans la localité ! Ils ont prophétisé que la fille de leurs voisins accoucherait d'un garçon et ils ont eu gain de cause ! “

        Les événements se précipitèrent à une vitesse vertigineuse. Le quartier comptait une bonne vingtaine de femmes enceintes. Une douzaine d'entre elles envoyèrent leur mari. Les autres se présentèrent d'elles-mêmes. On voulait savoir. Les deux garçons ouvrirent un bureau provisoire d'information dans le garage de la maisonnette familiale. Assis à deux petites tables de camping, ils notaient le nom des solliciteurs, scrutaient leurs ongles ou leur langue, et annonçaient indifféremment : “Garçon” ou “fille”. Ils notaient la prédiction dans leurs carnets et prélevaient les dix Euros d'usage. Avec le temps, le flot prénatal grossissait et la queue s'allongeait sur le trottoir. Les calepins n'y suffisaient plus. Il fallait un vrai livre de comptes et un expert-comptable. De temps en temps,  l'un des adolescents se heurtait à une réclamation bruyante. Il ouvrait son livre et, le plus souvent, constatait que la plainte était tout à fait justifiée. Rares étaient les cas où la prévision avait indiqué une fille et la réalité avait enfanté un garçon. Chez beaucoup de gens, la naissance d'un héritier mâle ne provoque que rarement une protestation. Mais si le client insistait, les deux associés estimaient leur profond regret devant l'inexactitude de leur système prophétique et dédommageaient l'infortuné père d'un montant de douze Euros pour la déception causée et pour le dérangement. L'un dans l'autre, les bénéfices croissaient et multipliaient.

         

        Les ennuis commencèrent le jour où une patrouille de police mal avisée pria la foule d'évacuer le trottoir, et plus vite que ça ! Comme disait Brassens :

        ” Les furies, perdant toute mesure,

        Se ruèrent sur les guignols

        Et donnèrent, je vous l'assure,

        Un spectacle assez croquignol. “

        Comme partout, les honnêtes habitants de Tours mettent la charrue avant les bœufs : d'abord, on se tape dessus, ensuite, on parlemente. Après des échanges de coups de poing et de pied de tout côté, on finit par s'expliquer et Mic et Luc furent invités à comparaître devant le Commissaire du Quartier en personne. Leur système de défense comprenait les arguments suivants :

        1.     Les devins n'avaient pas invité les gens à venir les consulter

        2.     Au fond, ils ne voulaient que le bien de leurs concitoyens qui pataugeaient dans l'incertitude

        3.     Dans quatre-vingt-dix pour cent des cas, personne ne se plaignait.

        4.     En cas de réclamation, ils rendaient toujours l'argent perçu, y compris dommages et intérêts.

        Malgré leur caractère hautement légitime et inattaquable, ces arguments ne parvinrent pas à émouvoir le représentant de l'ordre public, ce dernier possédant un cœur de pierre de la taille d'un grain de sable.

        Les parents des deux Prophètes se virent donc condamnés à payer une contravention qui s'élevait à la somme de soixante-quinze Euros pour atteinte au bon ordre public et à l'intégrité du trottoir. Le Commissaire expliqua en outre que les deux mineurs ne seraient pas poursuivis en justice pour sorcellerie et abus de confiance. Il se garda bien d'expliquer que cette clémence provenait uniquement  de ce qu'il avait la flemme de chercher le numéro de l'article dans le code pénal. Nul n'étant prophète en son pays, la ville devrait se passer de deux devins hors du commun,  depuis désormais jusqu'à dorénavant. Les parents coupèrent sec l'argent de poche et les deux acolytes allaient maintenant s'employer à trouver autre chose pour financer les chewing-gums qu'il collait aux cheveux des filles de leurs classes.



         

        Mic et Luc, greffiers auprès du Tribunal

        Pendant les jours qui suivirent cet incident, Mic et Luc cherchèrent du travail pour occuper leurs grandes vacances et subvenir à l'appétit de leur porte-monnaie. Mic avisa une petite annonce invitant les adolescents à travailler à la mairie et au tribunal de paix pour la somme appréciable de quatre Euros l'heure. Comme il savait écrire et que Luc savait lire, et qu'ils avaient vingt-neuf ans à eux deux,ils n'eurent pas de mal à se faire admettre comme greffiers temporaires au Tribunal de Tours. On leur remit un joli képi et une blouse décorée d'un écusson à l'éloge du Ministère de la Justice. Ils prenaient leur poste de Cerbère à huit heures du matin et le quittaient à treize heures. Ils tenait devant eux un grand registre dans lequel ils inscrivaient les coordonnées des gens qui s'adressaient à la vénérable institution dans le but de voir se régler leurs litiges. Le salaire minable accordé par l'Administration s'améliora un peu du jour où Luc eut la bonne idée de poser sur la table une petite boîte de plastique, au couvercle muni d'une fente, et sur laquelle on pouvait lire l'inscription suivante, tracée en gros caractères à l'encre rouge :

        ” Caisse municipale de soutien aux jeunes dans le besoin. “

        Un matin, un homme d'une cinquantaine d'années se présenta chez le premier greffier. Les traits tirés, les yeux rouges, le regard plein de hantise, il tournait la tête de gauche et de droite, semblant redouter quelque chose. Mic s'adressa aimablement à lui :

        ” bonne journée, Monsieur, c'est pour… ?

               Pour porter plainte.

               Vos nom et prénom, s'il vous plait.

               Dupont, Jean Dupont…

               Domicile ?

               Rue des pâquerettes, au 7, enfin, au 13, ils ont changé les numéros, on n'y comprend plus rien.

               Contre qui, la plainte ?

               Madame Jeanne Durand, c'est ma belle-mère.

               Domicile de la susdite ?

               C'est-à-dire… Elle n'a pas tellement de domicile, ou plutôt, elle habite au cimetière, rangée 9, tombe 23. “

        Mic ne sembla pas s'émouvoir outre mesure. Les greffiers de tribunaux, ils en voient de toutes les couleurs. Il continua donc imperturbablement son interrogatoire :

        ” Sujet de la plainte ?

               Vous n'avez pas idée ! Elle me tyrannise, elle me torture, elle me mange ma soupe le soir, elle me tire les orteils la nuit et, le pire, elle m'apparaît en rêve la nuit et elle se fiche de moi ! “

        Mic comprit qu'il avait affaire à un cas particulier. Après un moment de réflexion, il exposa le cas à Luc et ils conférèrent un moment à voix basse. Finalement, Luc demanda :

        ” Montant de la plainte ?

               Mille Euros !

               Écoutez, Monsieur Dupont. Je vais vous donner un bon conseil. Ici, au tribunal de paix, le montant des plaintes est limité à 950 Euros. Vu la gravité de la situation et la conduite inadmissible de votre belle-maman à votre égard, je crois qu'il faut saisir la vache par les cornes et mettre tout le paquet. Si j'étais vous, je prendrais l'autobus de onze heures et je foncerais à Rennes, la grande ville, pour porter plainte auprès du Tribunal régional. Ils sont bien plus qualifiés que nous pour traiter ce genre de questions. “



        Mic et Luc, éleveurs de chiens

        En face de l'humble logis de  nos deux héros s'élevait l'imposante villa du Docteur S. Tropiet, Directeur de l'Hôpital Municipal, qui desservait toute la région. Après six mois d'âpres négociations, le Médecin Chef et les deux garçons étaient parvenus à un accord à l'amiable. à sept heures du matin et à sept heures du soir, Mic ou Luc prenaient Fanny en laisse et faisait avec elle le tour du pâté de maisons. Il ne devaient ramener l'animal qu'après une satisfaction totale de ses besoins digestifs. Cela coûtait trente Euros par mois au Docteur, douze minutes par jour à chaque garçon et rien du tout à Fanny. Cet état de choses durait déjà depuis quelques mois lorsqu'arriva une complication imprévue. Les règlements autorisaient le personnel médical supérieur à bénéficier d'une “année sabbatique” une fois tous les sept ans. Pendant ces douze mois, les pontes pouvaient se consacrer à l'étude et au perfectionnement. La famille Tropiet partit pour le Canada où elle entendait résider pour une période de dix ou onze mois. Fanny devrait rester à Tours. Après des pourparlers multilatéraux, on conclut que les adolescents recevrait la somme mensuelle de  cent-cinquante Euros pour héberger Fanny, l'occuper, la nourrir et la faire vacciner.

        Un beau mardi matin, Luc promenait la belle chienne noire lorsqu'il tomba sur son copain Jérôme à un carrefour. Le camarade de classe émit un sifflement d'admiration qu'il expliqua immédiatement en ces termes :

        ” Ouah ! Un berger belge ! Dis donc, ça vaut son prix, ça ! C'est un chien policier de toute première classe ! Tu devrais penser à en faire quelque chose ! “

        Luc raconta l'affaire à Mic et les deux frères se promirent de se retrouver le soir pour, je cite, “Parler et réfléchir”.

        Deux semaines plus tard, le plan était prêt dans tous ses détails. Le projet allait se développer en deux phases bien distinctes, distantes de six mois l'une de l'autre. Les frais occasionnés par l'opération se répartissaient ainsi :

               Frais de négociation et conviction : 200 Euros

               Location d'un véhicule commercial et d'un chauffeur : 60 Euros

               Seconde location : 120 Euros

               Frais divers : 30 Euros

        Au total : 410 Euros

        La colonne “bénéfice” demeurait vierge. Le projet comportait certains éléments d'incertitude. Mais qui ne risque rien n'a rien. De crainte de révéler trop tôt la nature de l'opération, nous dirons seulement que le temps devait jouer un rôle prépondérant dans la bonne réalisation du programme. Le garage de la maison serait en outre le théâtre de son accomplissement dans ses ultimes détails.

        Le vingt avril, à huit heures, Mic et Luc se présentaient chez leur grand cousin Daniel. Ce dernier portait un bel uniforme d'agent de police. Il occupait cette fonction enviable depuis quelques mois seulement. Il travaillait comme instructeur dans une base d'élevage canin dont disposait la Police à quelques kilomètres de Tours. Pour la somme modique de cent Euros, il se faisait fort d'obtenir deux permis de visite aux noms de Mic et Luc. Le prétexte serait le suivant :

        ” Les élèves mentionnés ci-dessus composent un document sur l'élevage des chiens policiers dans le cadre de leur cours d'instruction civique au lycée Victor Hugo. “

        Le vingt-deux du mois, Mic louait les services d'une fourgonnette qui le conduisait à la base de…  Le chauffeur avait été enjoint de l'attendre dehors pendant une petite heure. Il n'y avait aucune faille dans le plan. La fourgonnette déposait Mic et la chienne Fanny à sept-heures moins le quart, l'heure du dîner dans la base. Daniel profita de ce que les passages étaient déserts pour introduire ses deux invités dans la cellule de goliath, un beau berger belge de trois ans. Nous n'entrerons pas dans les détails des événements qui suivirent l'ouverture de la grille, de crainte de choquer les lecteurs les plus sensibles. Nous indiquerons cependant que le vingt-deux avril avait été choisi de façon judicieuse et que Fanny et Goliath, mis dans le secret, coopérèrent corps et âme à la bonne réalisation du projet. En bref, une demi-heure ne s'était pas écoulé qu'Mic et Fanny sortaient de la base en possession, si l'on peut dire, d'une donation de semence de la meilleure qualité. Vingt minutes plus tard, la fourgonnette les ramenait à bon port. Le garçon inscrivit un V majuscule à côté de la mention “Étape numéro 1”.

        Six mois plus tard, le second stade pouvait démarrer. Il commença dans la joie et s'acheva dans la prospérité, soyez sans crainte. Le petit garage remplit à merveille les fonctions de clinique de maternité. Goliath, empêché par des obligations professionnelles, ne put assister à la délivrance de sa compagne. Fanny mit au monde deux femelles, Fabia et Frida, et trois mâles, Gillou, Garry et Gulliver. Comme disait Raymond Devos : ” État de la mère : calme, état du père : agité. “

        Un mois plus tard, la fourgonnette déposait Mic, Luc et leurs cinq protégés nains à la “Ménagerie Canine” de la banlieue de Rennes. Le propriétaire de l'établissement ne put réprimer son admiration devant les merveilleux bergers belges qui trottinaient autour des jeunes garçons. Ces derniers ne répondirent pas directement à la question embarrassante :

        ” Mais d'où tenez-vous ces bêtes extraordinaires? “

        Mic se borna à répondre :

        ” Donation anonyme, mais vous pouvez faire des examens, ils sont pur-sang. “

        L'opération rapporta cinq mille Euros qui furent réparties équitablement entre les deux garçons et l'agent Daniel, dont la contribution avait été  des plus utiles.

        Nos jeunes amis tracèrent un énorme V dans leur livre de comptes à côté de la mention: “Étape numéro 2” Quelques mois plus tard, la famille du Docteur S. Tropiet regagnait son domicile et Fanny retournait chez ses propriétaires légitimes en tout bien tout honneur, ni vue ni… connue…

         

         



        Une bonne action

         

        Mic dit à Luc :

         

        ” Nous sommes des égoïstes de la pire espèce. Nous ne pensons qu'à nous. Nous passons nos vacances à gagner de l'argent au lieu d'aider les autres.

               Tu as raison. Allons voir ce que nous pouvons faire pour autrui. “

        Les deux frères sortirent et se rendirent au centre-ville. Ils flânèrent un quart d'heure, léchant les vitrines et observant les passants. Ils arrivèrent ainsi à la place du marché. En ce dimanche matin, le marché battait son plein. Les gens allaient et venaient, leur panier à la main, ou leur voiturette derrière eux. On achetait, on vendait, on se pressait, et le petit commerce fleurissait. Dans le brouhaha, les jeunes garçons entendirent le son plaintif d'un accordéon. Ils se dirigèrent dans la direction d'où provenait la musique. Un spectacle pitoyable s'offrit à leurs yeux. Un homme d'une soixantaine d'années, maigre comme il fil à plomb et triste comme un rosier en hiver, jouait des chansons des années 50 sur un vieil accordéon. Les passants le remarquaient à peine et rares étaient ceux qui jetaient une pièce dans le chapeau posé aux pieds du musicien. Mic et Luc se consultèrent du regard, échangèrent quelques paroles entre eux, puis s'adressèrent à l'homme :

        ” Nous permettez-vous de vous aider, Monsieur? “

        L'homme haussa les épaules d'un air désolé, comme pour demander :

        ” Et à quoi cela servirait-il ? “

        Mic se baissa et prit le chapeau en main.

        Luc fit un porte-voix de ses deux mains et cria à l'entourage :

        ” Mesdames et Messieurs ! Accordez accordez donc

        L'aumône à Gédéon

        Gédéon, le Roi de l'accordéon.

        Gédéon met l'Odéon dans sa poche,

        Le Panthéon dans son  chapeau,

        Le Philharmonique de Rennes dans son accordéon

        Accordez accordez donc

        L'aumône à l'accordéon. “

         

        Mic exécuta quelques pirouettes aux sons de la musique. Luc monta sur les épaules de son frère et harangua la foule. Ils dansèrent, sautèrent, chantèrent, sifflèrent et firent des tours de magie. Les gens s'arrêtaient pour voir. La plupart admirèrent cet enthousiasme juvénile et altruiste. Bientôt la foule se pressait et frappait des mains en cadence. Vingt minutes plus tard.  Mic ramassa à nouveau le chapeau et fit un premier tour de l'assistance en criant :

        ” Accordez donc à Gédéon, le Roi de l'accordéon ! “

        Luc faisait le tour dans le sens opposé, sa casquette à la main.

        En trois heures d'une activité frénétique, ils avaient remis plus de quatre cents Euros à Gédéon qui leur serrait les mains, les yeux remplis de larmes.

        Mic et Luc ne voulurent pas en rester là. Faire le bien leur avait fait le plus grand bien. Ils en revoulaient. Le lendemain matin, vers onze heures, un spectacle insolite troubla le silence de la salle d'urgence de l'hôpital municipal. Une petite octogénaire gémissait sur une chaise roulante qu'on venait de lui apporter pour la soutenir. Elle avait un œil au beurre noir et une cicatrice profonde sur la joue gauche. Mic et Luc, debout à côté d'elle, semblaient mal à l'aise. Au bout de trois quarts d'heure, une infirmière arriva et donna les premiers soins à la blessée. Celle-ci hurlait de douleur au contact brûlant de l'alcool sur sa joue. L'infirmière regarda tour à tour les deux garçons :

        ” De quoi s'agit-il ? C'est votre grand-mère ? “

        Mic répondit, visiblement embarrassé :

        ” Non, à vrai dire, nous ne la connaissons pas…

               Comment a-t-elle été blessée ?

               Ben, c'est un peu compliqué, comment dirais-je ? En bref, eh bien voilà. Ce matin, Luc, mon frère, et moi, nous pensions qu'il fallait faire une bonne action, vous savez, une B. A., comme les boyscouts. Nous avons cherché sur l'internet comment on faisait ce genre de choses. L'internet nous a dit que le meilleur moyen, c'était de faire traverser la rue à une vieille dame.

               Et alors ?

               Alors… alors… Le problème c'est qu'elle voulait pas… “



        Le Diplodocus

        Le petit-déjeuner se passait dans le silence. Luc observait son frère qui semblait plongé dans de profondes cogitations. Finalement, Mic déclara :

        ” J'ai une idée. “

        Le silence tomba à nouveau et Luc se garda bien de le rompre. Après une demi-minute, Mic se lança :

        ” Je suis entré à l'Université hier après-midi et j'ai collé une petite annonce sur un panneau d'affichage. “

        Il attendit la question qui s'imposait et, en effet, elle arriva :

        ” Et que disais-tu dans ta petite annonce ?

        Etudiante, étudiant, tu dois présenter un travail de séminaire, tu souhaites proposer un sujet de thèse, le Diplodocus se tient à ta disposition. Appelle le 06-22448800 et ton problème est résolu. “

        Luc hésita un moment puis se résigna :

        ” Désolé, comprends pas.

        Tu vas comprendre. L'Université grouille de toutes sortes de cancres incapables de réunir les documents nécessaires à la bonne conduite de leurs études. Je leur propose notre assistance dans le déblayage, l'assemblage, la compilation, l'arrangement et la rédaction du premier brouillon de leurs pensum, et ce, moyennant finances, bien entendu.

               Je vois et tu compte sur qui pour mener ta barque à bon port ?

               Sur toi, quelle question idiote !

               Explique.

               Je reçois les appels téléphoniques, je note le sujet du travail à exécuter, le nombre de pages voulues et je fixe le prix. Je tiens en ordre une base de données de la population et de ses besoins et je te passe la balle. Toi, tu cherches sur Google, tu sauvegardes les articles et autres publications touchant au sujet voulu et nous travaillons ensemble pour fournir au cancre un cadre viable pour la présentation de son papier. “

        Luc demeurait un peu sceptique. Mic l'encouragea :

        ” Du courage, que diable ! En avant, d'ailleurs, j'ai déjà le premier client. Pour la somme de 200 euros, nous lui offrons un dossier de dix pages sur l'intelligence des animaux comparée à celle de l'Homme.

        Et comment veux-tu que je me documente là-dessus, malin ?

        En faisant marcher ta cervelle de baboin, espèce de chimpanzé ! “

        Après de telles paroles d'encouragement, Luc n'avait plus guère le choix. Deux jours plus tard, son ordinateur montrait une bibliothèqe nommée “Intelligence animale”, dans laquelle on pouvait trouver près de cent citations venant d'articles spécialisés et de revues scientifiques de tous genres. On y trouvait le résumé d'expériences menées dans le Monde entier et relatant la conduite admirable de tel ou tel quadrupède ou l'ingéniosité de tel ou tel quadrumane. Le corbeau occupait une place de choix dans l'échelle de l'intelligence universelle. Même la pieuvre méditerranéenne avait droit à une demi-page de louanges. Une place de choix revenait à la punaise coréenne qui semblait capable de distinguer les Coréens du Nord de ceux du Sud à l'odeur des semelles de leurs souliers. La conclusion de la thèse apparaissait de façon admirable :

        ” Il ne faut pas confondre l'intelligence humaine à l'intelligence animale. Seuls des créateurs fantaisistes comme Walt Disney s'imaginent que les facultés intellectuelles de l'animal sont comparables à celles de l'être humain. Non. L'Homme, doté de la parole, se distingue par ses capacités d'introspection et par ses échanges d'information. Mais l'animal sait se spécialiser dans l'apprentissage rapide et dans la compréhension des mécanismes soujacents qui permettent à l'intelligence de s'exprimer. Il ne faut donc pas prendr

        #161466

         » Il ne faut pas confondre l'intelligence humaine à l'intelligence animale. Seuls des créateurs fantaisistes comme Walt Disney s'imaginent que les facultés intellectuelles de l'animal sont comparables à celles de l'être humain. Non. L'Homme, doté de la parole, se distingue par ses capacités d'introspection et par ses échanges d'information. Mais l'animal sait se spécialiser dans l'apprentissage rapide et dans la compréhension des mécanismes soujacents qui permettent à l'intelligence de s'exprimer. Il ne faut donc pas prendre les vautours pour des buses. « 

        Si Luc travaillait d'arrache-pied à la compulsation de toutes sortes de sources, Mic s'efforçait de tourner les phrases et de leur donner un pli conforme aux volontés de l'heureux récipiendaire. L'opération se reproduisit quatre ou cinq fois, soit pour des étudiants en Histoire, soit pour des élèves de la Faculté des Sciences Humaines. Ravaillac se trouva réhabilité après que Mic prouva irréfutablement d'abord, qu'il n'avait jamais quitté sa ville natale d'Amsterdam et ensuite, qu'il n'avait jamais existé. La consommation d'alcool en quantités supérieures aux moyennes permises par la loi s'avérait fort utile à la société urbaine : la thèse prouvait que lorsqu'un individu roule sous la table après son cinquième petit verre, il ne représente plus aucun danger pour ses contemporains jusqu'à son réveil.

        Le corps enseignant remarqua une amélioration notable de la qualité des travaux présentés par leurs disciples les plus minables. On comprit vite qu'il y avait anguille sous roche. Cependant, la réputation du Diplodocus allait croissant. Les bénéfices de ce monstre préhistorique grandissaient à vue d'oeil et une année se passa ainsi dans un actif bouillon de culture bien digéré et bien organisé. Un jour que le doyen de la Faculté d'Arachnologie passait sur le campus, il remarqua le panneau sur lequel on pouvait lire en gros caractères rouges :  » Le Diplodocus – Travaux en tous genres. « Il nota le numéro de téléphone et se rendit dans son bureau. Il appela Mic et lui demanda combien valait la préparation d'une thèse de maitrise sur la mante religieuse, cette sympathique inconnue. On se donna rendez-vous pour le lendemain soir à la cafétéria du campus. Lorsque le savant Professeur vit les deux adolescents qui s'approchait de sa table, il ne put retenir un sourire de satisfaction :

         » Alors c'est vous le Diplodocus ! Je vois qu'aux âmes biens nées, le voleur n'attein pas le nombre des ineptes. « 

        Les jeunes garçons comprirent qu'ils étaient tombés dans un piège et songèrent à opérer une retraite stratégique. Mais le bon sourire du Professeur et son regard pétillant de sympathie les incitèrent à s'asseoir à la table. Après un quart d'heure d'explication, Mic et Luc baissaient la tête d'un air honteux. Le Doyen exposait sa théorie sur l'éducation :

         » L'étudiant doit se montrer capable de trouver des sources à sa thèse, de les disposer, de les exposer et les proposer de façon claire et cohérente. Si vous lui mâchez le travail, vous faîtes de lui un voleur, un menteur, un usurpateur, un imposteur. Son diplôme ne vaut pas le prix qu'il vous aura payé pour l'obtenir. Si par malheur il devient lui-même enseignant, qu'adviendra-t-il de ses malheureux élèves ? Quel savoir pourra-t-il leur inculquer ? Quel bénéfice en  retirera  la  société ? « 

        Mic et Luc promirent de mettre un terme à leur activité académique crypto-lucrative à condition que l'on n'intente pas de poursuites contre eux. Le Professeur sourit à nouveau :

         » Contre vous, non. Si je voulais faire du mal à quelqu'un, ce serait plutôt à mes cancres d’étudiants, mais je passe l'éponge là-dessus, parce que dans le fond, vous avez contribué à élever le niveau des études supérieures de notre bonne ville. J'ai cependant une dernière question à vous poser. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, le Diplodocus ? « 

        Mic sourit à son tour :

         » ça veut dire :  » Tu veux ton Diplôme, voilà les Documents. « 


        Mic et Luc, apprentis mirlitons

        La journée du 18 août touchait à sa fin. Luc terminait sa besogne quotidienne. Il reposa la paire de ciseaux après avoir détaché le dernier coupon de journal qui pouvait gratifier les deux frères d'une après-midi au cinéma aux frais de la maison. Pendant les trois dernières semaines, cette activité fébrile leur avait permis de déjeûner trois fois au restaurant, d'absorber quatre hamburgers accompagnés d'une demi-tonne de frites et d'assister à deux représentations du Grand Cirque National du Guatemala en visite à Tours. Mic prit le journal que son frère venait de poser sur la table et tourna les pages machinalement. Il s'adressa et posa le doigt sur une annonce de bas de page :

         » Voilà qui va bien occuper la dernière semaine de vacances : Le Bon Tour, avec un S au bout, tu remarqueras le jeu de mot, cher frère, le Bon Tours recherche deux hommes de courses et apprentis boulangers-pâtissiers pour une période de dix jours. C'est nous tout craché ! « 

        Le lendemain matin, les deux garçons se présentaient à la pâtisserie Le Bon Tours. Madame Fourne, la propriétaire, les scruta avec méfiance, puis appela son mari à la rescousse :

         » Jeannot ! C'est pour la place ! « 

        Un gros homme joufflu et chauve comme un oeuf apparut, vêtu d'une longue blouse blanche immaculée. Mic sourit :

         » Jean Fourne, c'est un joli nom pour un boulanger ! « 

        Le  maître de maison sourit :

         » Mon petit nom de baptême, c'est Jacques, mais j'ai trouvé commode de le changer… « 

        Une heure plus tard, Mic et Luc roulaient à vélà en route pour leur première livraison. Le café Expresso avait commandé 100 petits pains au chocolat, 60 brioches et 50 croissants pour agrémenter l'ouverture du congrès des pessimistes de Touraine qui devait s'ouvrir sur place en début d'après-midi. En descendant de machine, Mic dit à son frère :

         » Je n'aimerais pas que la réputation du Bon Tours ne souffre de quelque maladresse ou négligence de la part de notre patron. Je crois que le devoir et la conscience professionnelle nous imposent une vérification préalable de la qualité de la marchandise fournie. « 

        Mic plongea la main dans le carton assujetti au porte-bagage de son vélo et en sortit un petit pain et une brioche qu'il tendit à Luc. Puis il se servit lui-même, attrapant un croissant et une brioche. La vérification sembla concluante et les deux frères, satisfaits d'avoir assuré la renommée de leur employeur, entrèrent au café par la porte de service, leur cargaison de pâtisserie sur les bras.

        Le dernier jour de service arriva. Mic avait remarqué que sous sa mine affable et sympathique, M. Fourne cachait un tempérament sournois et cupide. En arrivant à l'Hôtel Sheraton Tours avec un chargement de pains en tout genre, Mic étudia la facture avec soin et dit à Luc :

         » Dis donc ! Il y va pas de main morte, le patron ! Regarde, il a rajouté le chiffre 1 au stylo juste avant le montant de 980 Euro de la commande. Je me demande si le comptable de l'hôtel va s'en apercevoir. « 

        Luc fit remarquer à son frère que, je cite :  » c'est pas nos oignons. « 

        Ils sortirent de l'hôtel avec une nouvelle commande en main. Cette dernière stipulait :

         » 130 croissants, 100 brioches, 30 éclairs au chocolat, 20 mille-feuilles, 50 tartes à la Tours Nemain. « 

        Comme ils approchaient de la pâtisserie, Luc freina et demanda à Mic :

         » Tu as ton stylo sur toi ? « 

        Recevant l'objet demandé, il pointa du doigt la liste des commandes et formula la remarque suivante :

         » Tu vois, là, Les 130 croissants et les 30 éclairs ? Il y a un problème d'impression. Il s'agit de 180 croissants et de 80 éclairs respectivement. « 

        Joignant le geste à la parole, Luc complèta les demi-cercles manquants aux chiffres 3 et les transforma adroitement en deux jolis 8 bien inoffensifs.

        Le lendemain matin, Mic et Luc se séparaient de leur emporteur, emportant la dernière livraison vers l'Hôtel Sheraton Tours. Ils firent pose en route et prélevèrent 50 croissants et 50 éclairs qu'ils introduisirent avec précaution dans le sac à dos qu'ils avaient apporté avec eux.

        Mic conclut :

         » Jean Fourne s'est fourré lui-même dans ce pétrin. « 


        Partage nocturne

        Un épouvantable vacarme de métal et un féroce grondement de moteur Diesel déchirèrent le calme  du matin. Le lourd camion sautait sur les dos d'âne  qui avaient pour but de l'obliger à ralentir sa course folle. Un coup de klaxon furibond, suivi d'un crissement  de pneus morbide accompagnèrent une bordée d'injures. Le chauffeur, rouge de rage, invectivait un conducteur imprudent encore à demi endormi qui démarrait sans regarder. Luc, sa tasse de chocolat à la main, observait la scène par la fenêtre de la cuisine. Comme l'auto et le camion s'éloignaient, il remarqua que deux gros sacs avaient sauté de la benne et gisaient au milieu de la chaussée. En même temps, Mic, qui se tenait debout sur le trottoir, sauta d'un bond, ramassa les deux sacs, un dans chaque main, et accourut vers la maison. Luc reposa sa tasse et se leva vivement. Il sortit dans la courette de la cuisine et ouvrit de l'intérieur la porte du garage. Mic, qui arrivait à toutes jambes, déposa les sacs à l'intérieur. Luc demanda avec curiosité :

         » Qu'est-ce que tu as bien pu ramasser là, dis donc ?

        Pas la moindre idée. Mais je pensais qu'il valait mettre les sacs en sécurité avant que le chauffeur ne revienne ou que quelqu'un d'autre ne s'en empare.

        Bonne remarque ! , approuva Luc.

        Il faudrait Regarder un peu le contenu avant de décider de son emploi.

               Encore une bonne remarque !

        Les deux frères se mirent en devoir de découdre l'ourlet qui fermait le premier sac de jute grossière. Il contenait près de quinze kilos de belles noix fraîches  de Californie, un régal pour les amateurs de fruits secs. Le second, fait d'une matière plastique étanche, fut ouvert d'un habile coup de canif. On y trouva un riche assortiment d'amandes, de noisettes, de pistaches et de noix de cajou, toutes bien grillées et sans doute réservées à la distribution immédiate dans les magasins spécialisés. Hélas, il n'y eut guère de temps pour l'admiration et l'exaltation. La voix maternelle se faisait entendre :

         » Luc ! Où es-tu ? Tu vas encore louper la dernière baguette, on ne peut vraiment pas te faire confiance ! Dépêche-toi, alors ! »

        Mic fit signe à l'intéressé de l'aider à cacher leur butin sous une bâche dans un coin du garage et murmura :

         

         » Rendez-vous ici à onze heures ce soir pour le partage. »

         

        La nuit était tombée depuis plusieurs heures. Le clair de lune se couvrit tout à coup de sombres nuages. Les ténèbres enveloppaient la ville. Un silence de marbre et un calme caverneux régnaient. Le loquet se souleva doucement. Le portail grinça faiblement tout en tournant lentement sur ses gonds.

         » C'est toi ?

        Oui, c'est moi. Et c'est toi aussi ?

        Oui, c'est moi.

        On eut dit que ce dialogue prononcé à mi-voix sortait d'un roman immortel. Un Tolstoï, un Frédéric Dard, un Kant, même ne se seraient pas exprimés avec plus d'émotion lyrique et d'élan philosophique. Mais ce dialogue allait amener une considération d'ordre profondément pratique. Mic prononça :

         » Il faudrait effectuer le partage ailleurs. Ici, nous risquons de nous faire pincer par les parents. « 

        Luc était un garçon de ressources. Après avoir réfléchi un dixième de seconde, pas davantage, il décréta :

         » J'ai trouvé l'endroit idéal. Viens, on emporte les sacs. « 

        Les deux frère chargèrent les sacs sur leur épaule et se mirent en route, l'un derrière l'autre. On suivit la rue jusqu'au premier carrefour. Luc prit à gauche et fit signe à Mic de se mettre à sa hauteur. Ils atteignirent rapidement la sortie de la ville et Luc crut pouvoir élever la voix:

         » Tu sais où nous allons ?

               Je commence à m'en douter un peu.

               Tu n'as pas peur ?

               Ben… Pas trop…

               Alors en avant !

        La lune avait reparu et éclairait maintenant la route. Trois minutes plus tard, les deux garçons longeaient le mur du cimetière municipal de Tours. Arrivés au portail, ils hésitèrent. Finalement, Luc s'arma de courage et déclara :

         » À la vie, à la mort ! « 

        Le portail n'était qu'à moitié fermé. Ils entrèrent. Ils n'avaient pas fait dix pas qu'Mic s'arrêtait :

         » Attends…

               Qu'est-ce qu'il y a ?!

               Non, rien, mais je me dis qu'il pourrait y avoir des surprises aussi ici et qu'il faut parer le danger.

               Tu as une idée ?

               Je crois… « 

        Mic déposa son sac, l'ouvris et en sortit deux grosses noix de Californie :

         » Nous allons laisser ces deux coquilles derrière le portail. Si quelqu'un arrive, il marchera forcément dessus et nous aurons le temps de nous cacher. « 

        Aussitôt dit, aussitôt fait. Nos deux héros entrèrent plus profondément et s'adossèrent au mur d'enceinte. Luc sortit de son sac deux larges sachets de plastique et expliqua :

         » Nous allons maintenant procéder au partage du butin. Ouvre ton sac. Veille à sortir toujours deux fruits de la même sorte. Tu m'en donnes un que je mets dans mon sachet en plastique et tu mets l'autre dans le tien. « 

        Mic  sortait deux pistaches, en tendait une à Luc et gardait l'autre pour lui :

         » Une pour toi, une pour moi… Une pour toi, une pour moi… « 

        De temps en temps, ils échangeaient les rôles ou comptaient à l'unisson. Vers minuit et quart, le gardien du cimetière faisait sa ronde nocturne autour de la résidence sempiternelle. Comme il allait tourner le coin, il demeura figé d'horreur.  Il entendit nettement des voix qui murmuraient :

         » Une pour toi, une pour moi… Une pour toi, une pour moi… « 

        Le brave homme sentit son sang se glacer dans ses veines. Son cœur cessa de battre. Une sueur glaciale lui couvrit le dos. En un effort ultime, il parvint à faire quelques pas à reculons et dès qu'il se sentit assez éloigné, il tourna bride et s'enfuit au galop. Quelques minutes plus tard, il réveillait le curé de la paroisse :

         » M. le curé ! M. le curé ! On se partage les âmes dans le cimetière ! Venez vite ! »

        Le curé s'habilla à la hâte et les deux hommes coururent en direction de la sortie de la ville. Le gardien expliquait les faits tout en courant. Quand ils atteignirent le cimetière, ils se mirent à marcher à pas feutrés. Le curé fit signe au gardien qu'ils allaient tenter de prendre la place d'assaut. Ils écoutèrent un moment :

         » Une pour toi, une pour moi… Une pour toi, une pour moi… Ça y est ? On a terminé ? Il n'y en a plus ?

               Ah si ! Il y a les deux autres là-bas près du portail ! « 

        #161473
        Christiane-JehanneChristiane-Jehanne
        Participant

          Bonjour,

          je fais remonter ce sujet.



          Je dois avouer que j’ai lu un peu rapidement, mais ce me semble fort sympathique !

          Je… reste aussi sur la fin…



          Toute confiance en vous, cher Shmuel, donc, hop! je vote OUI.

          O.



          Mes amitiés

          #161505
          Daniel LuttringerDaniel Luttringer
          Participant

            Non, pas du niveau habituel de Shmuel !

            DanielLuttringer

            #161514
            CocotteCocotte
            Participant

              Oui

              #161516
              PommePomme
              Participant

                Placer Frédéric Dard entre Tolstoï et Kant, même avec une bonne dose d'humour…

                N

                #161525
                AegidiusAegidius
                Participant

                  Les imprécisions de français sont nombreuses mais il est vrai qu’elles ne concernent en général que la lecture. Voici les premières que j’ai repérées, je n’ai pas tout lu.

                  • trois cents euros : pas de trait d’union (au-delà de la centaine) et pas de majuscule aux devises.
                  • deux cent cinquante : idem (pas de trait d’union) et pas d’s final à cent au pluriel s’il est suivi d’un autre nombre.
                  • C'est vous qui nous devez… (vous devez)
                  • qu'ils collaient : pluriel nécessaire dans le contexte
                  • lorsque arriva : pas d’élision avec cette conjonction
                  • les adolescents recevraient : pluriel nécessaire au verbe
                  • cent cinquante euros : voir remarque supra
                  • ne s'était pas écoulée : féminin
                  • que Mic : élision impossible

                  S’il y a certes des idées, le style reste en général plus parlé que littéraire et s’apparente au sketch.

                8 sujets de 1 à 8 (sur un total de 8)
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