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- 25 juin 2009 à 18h53 #14268725 juin 2009 à 18h53 #149804
ROBESPIERRE, Maximilien (de) – Discours contre la guerre (Extraits)
Prononcé le 18 décembre 1791 devant la Société des Jacobins.
« Quelle est la guerre que nous pouvons prévoir ? Est-ce la guerre d'une nation contre d'autres nations, ou d'un roi contre d'autres rois ? Non, c'est la guerre des ennemis de la révolution française contre la révolution française. Les plus nombreux, les plus dangereux de nos ennemis sont-ils à Coblence ? Non, ils sont au milieu de nous.
La guerre est toujours le premier voeu d'un gouvernement puissant qui veut devenir plus puissant encore. Je ne vous dirai pas que c'est pendant la guerre que le ministère achève d'épuiser le peuple et de dissiper les finances ; qu'il couvre d'un voile impénétrable ses déprédations et ses fautes. Je vous parlerai de ce qui touche plus directement le plus cher de nos intérêts.
C'est pendant la guerre que le pouvoir exécutif déploie la plus redoutable énergie et qu'il exerce une espèce de dictature qui ne peut qu'effrayer la liberté naissante ; c'est pendant la guerre que le peuple oublie les délibérations qui intéressent ses droits civils et politiques pour ne s'occuper que des événements extérieurs, qu'il détourne son attention de ses législateurs et de ses magistrats pour attacher tout son intérêt et toutes ses espérances à ses généraux et aux ministres du pouvoir exécutif. C'est pendant la guerre que l'habitude d'une obéissance passive et l'enthousiasme trop naturel pour les chefs heureux fait, des soldats de la patrie, les soldats du monarque ou de ses généraux. Dans le temps de troubles et de factions, les chefs des armées deviennent les arbitres du sort de leur pays, et font pencher la balance en faveur du parti qu'ils ont embrassé. Si ce sont des Césars ou des Cromwell, ils s'emparent eux-mêmes de l'autorité. Si ce sont des courtisans sans caractère, nuls pour le bien, mais dangereux lorsqu'ils veulent le mal, ils reviennent déposer leur puissance aux pieds de leur maître et l'aident à reprendre un pouvoir arbitraire, à condition d'être ses premiers valets.
D'autres assurent que nous n'aurons pas plutôt déclaré la guerre que nous verrons s'écrouler tous les trônes à la fois. Pour moi qui ne puis m'empêcher de m'apercevoir de la lenteur des progrès de la liberté en France, j'avoue que je ne crois point encore à celle des peuples abrutis et enchaînés par le despotisme. Je crois autant que personne aux prodiges que peut opérer le courage d'un grand peuple qui s'élance à la conquête de la liberté du monde, mais lorsque je ne vois qu'un plan imaginé, préparé, conduit par des courtisans, alors je demande au moins que l'on veuille bien réfléchir sur une question de cette importance.
Ce n'est pas tout, quand est-ce que des hommes libres, ou qui veulent l'être, peuvent déployer toutes les ressources que donne une pareille cause ? C'est lorsqu'ils combattent chez eux, pour leurs foyers. C'est alors que tous les chefs, forcés d'agir sous les yeux de leurs concitoyens, ne peuvent trahir ni avec succès, ni avec impunité. Tous ces avantages sont perdus dès qu'on porte la guerre loin de la patrie, dans un pays étranger ; le champ le plus libre est ouvert aux manoeuvres les plus funestes et les plus ténébreuses ; ce n'est plus la nation entière qui combat pour elle-même, c'est une armée, c'est un général qui décide du destin de l'Etat. D'un autre côté, en portant la guerre en dehors, vous mettez toutes les puissances ennemies dans la position la plus favorable pour la faire ; vous leur fournissez le prétexte qu'elles cherchaient si elles le désiraient, vous les y forcez si elles ne le désiraient pas. »
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