Accueil › Forums › Textes contemporains › (O) PUCCIANO, Pauline – Ava et la Couronne du Pouvoir
- Ce sujet contient 13 réponses, 10 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Pauline Pucciano, le il y a 6 années et 10 mois.
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- 29 janvier 2018 à 23h42 #14471229 janvier 2018 à 23h42 #160897
Bonjour,
Je propose aujourd'hui aux plus jeunes des audio-lecteurs un petit conte musical – la musique est de Philippe Guerrieri. J'espère qu'il séduira les enfants.
Bien à vous tous
Pauline
30 janvier 2018 à 0h06 #160898Oups, j'ai oublié le texte…
Il existe tant de pays lointains, qui s'ouvrent dans notre imagination au moindre souffle du rêve… Celui dont je vous parle est un pays où la terre est plus rouge, le ciel plus grand, et les ombres plus longues, un pays où les animaux sont majestueux et où les arbres sont sacrés. Un pays où l'eau est rare, et où les lacs étincellent de milliers d'espèces flamboyantes. Je suis sûre que vous le connaissez.
Dans ce pays vivait une petite princesse nommée Ava… Ava avait la couleur des arbres, et les yeux brillants et limpides comme des points d'eau. Elle aimait, après les cavalcades bruyantes et les petits travaux, marcher dans la poussière des chemins, seule, pour laisser le pays qu'elle aimait pénétrer dans son âme. Le rouge de la terre et les zébrures orangées du ciel entraient dans son âme par ses yeux. Le parfum des arbres entrait dans son âme par ses narines frémissantes. Le chant des insectes invisibles, dont elle devinait l'agitation nerveuse, entrait dans son âme par ses oreilles. Et c'est ainsi qu'elle communiait, silencieuse, avec la terre.
Depuis ses plus tendres années, sa mère tressait ses cheveux en des coiffures si lourdes et si compliquées qu'elle avait pris l'habitude d'avoir toujours la tête haute. “C'est pour t'habituer à porter la couronne”, disait-elle. Et, de fait, Ava se tenait droite, si droite qu'il lui semblait parfois qu'un coup de talon sur le sol lui permettrait de s'envoler. “La couronne est lourde, lui disait sa mère, et lorsque tu la porteras, il faudra porter ton fardeau sans rien perdre de ta grâce.”
Aussi, Ava était-elle un peu anxieuse lorsque le jour de ses quinze ans arriva,et qu'elle se vit entourée d'une foule nombreuse, dans la grande cour. Les enfants qui avaient partagé ses jeux, les femmes qui avaient baigné et soigné son enfance, les hommes qui d'habitude ne lui adressaient pas un regard – tous à présent la regardaient, pleins de dignité et d'appréhension. L'aïeule fit bientôt son apparition, minuscule et voûtée, portant à grand peine la couronne dans ses mains. Et Ava, à partir de cet instant, fut fascinée par cet objet.
La couronne était un cercle d'or, qui supportait une longue amphore de terre cuite, merveilleusement ouvragée et prise dans un lacis de branches,de feuilles, de plumes, de perles et de fleurs. Elle était aux couleurs de la terre et de la vie, et Ava la désira, désira éperdument la porter sur sa tête, et tendit le cou avec ferveur lorsque l'aïeule fit le geste de la couronner. Au moment où la vieille femme, tout abîmée de rides, déposa l'objet et leva les mains, Ava fut certaine de l'entendre rire. Elle n'y prêta cependant pas attention, car il lui semblait tout à coup que son front ne résisterait pas plus de quelques secondes au poids qui l'écrasait, que son cou se briserait sous l'effort, qu'elle tomberait en avant, la tête la première, emportée par la couronne qui paraissait chercher le sol comme si elle eût été aimantée.
“L'eau cherche à rejoindre la terre, Ava, et tu dois l'en empêcher. Tu dois retenir l'eau pour les hommes, afin qu'ils n'aient jamais soif.”
Ava, incertaine de pouvoir bouger, réussit à hocher la tête.
“Tu dois passer la nuit dehors, Ava, et nous rapporter l'amphore demain. Nous t'attendrons à l'heure du zénith, et nous vérifierons que pas une goutte d'eau n'est tombée de ta tête.”
Ava hocha de nouveau la tête, et il lui sembla soudain que la couronne pesait moins lourd. Elle lui barrait le front, et la forçait à se tenir plus droite encore que du temps de ses coiffures compliquées. Mais le poids terrible qui l'avait écrasée semblait s'être dissipé.
“Ce n'est pas tout, Ava. Tu dois aussi comprendre les pouvoirs de la couronne, et me les dire à l'oreille demain. Si tu ne parviens pas à les comprendre, ou si l'amphore a perdu de l'eau, tu ne pourras jamais régner.”
Alors les tambours retentirent, et la jeune fille coiffée se mit à danser, le buste presque immobile, pour saluer la foule. Tandis qu'elle dansait, une grande liesse s'empara de la ville. Mais Ava savait qu'il lui fallait s'éloigner de la grand-place. L'aïeule la suivait du regard, d'un air moqueur et malveillant.
– Pourquoi te moques-tu de moi ? demanda Ava en passant devant elle.
– Parce que le poids s'est allégé, tu t'imagines qu'il est facile d'être reine… Tu n'as aucune idée des pouvoirs de la couronne. Avant le matin, l'eau se répandra par ta faute !
– Pourquoi es-tu si aigrie, l'aïeule ?
– Parce que tu dois te mettre en colère. Parce que tu es une petite incapable. Parce que tu m'as supplantée dans la roue de la vie.
– Assez ! cria Ava, et elle s'enfuit en courant, aussi vite que le lui permettait l'amphore perchée au dessus de sa tête.
La colère à présent se déchaînait dans son coeur. Pourquoi cette maudite vieille était-elle si méchante ? Il venait à Ava des envies de l'insulter, de la bousculer, de la faire taire. Elle se jura de ne pas verser une larme à la mort de cette sorcière. Cependant qu'elle marchait, et qu'elle laissait libre cours à sa colère, le paysage se transforma autour d'elle. Un vent violent se leva, avec des bourrasques si puissantes que des branches se cassèrent, et que des blocs de rochers se détachèrent des falaises. Le vent venait de nulle part et tourbillonnait en tous sens, il giflait les fleurs et empêchait le vol des ibis, il menaçait l'amphore, enfin, qu'Ava sentait trembler sur son cercle d'or. Mais Ava ne comprit pas.
En son coeur, la colère céda progressivement le pas à la peur. Qu'allait-elle devenir toute seule, hors du village, par une nuit de tempête ? Et comment parviendrait-elle à protéger l'eau précieuse de son amphore ? Une pierre ne risquait-elle pas de briser la couronne ? Sitôt que l'angoisse s'installa dans sa poitrine, le vent tomba. Mais, presque aussi brusquement, l'obscurité tomba avec lui. Pourtant, il n'était pas si tard. Pourquoi la lumière avait-elle décliné ? Ava regarda le ciel à la recherche d'une explication, mais l'air était traversé de nuées lentes et épaisses, qui semblaient arrachées au néant. Ava frissonna, et observa le monde autour d'elle. Les arbres se penchaient sur elle avec des murmures glacés; des serpents aux couleurs vives ondulaient lentement sur le chemin à ses côtés; des hurlements stridents retentissaient dans le lointain. Ava se raisonna, se dit que le temps était probablement détraqué, et qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Et, cependant qu'elle essayait courageusement de lutter contre la terreur que lui inspirait le paysage, ce dernier devint un peu moins inquiétant. Les serpents disparurent, et les arbres se redressèrent un peu. Mais Ava ne comprit toujours pas.
Elle marcha pendant un long moment, rassérénée, jusqu'à la tombée de la nuit, le long des chemins familiers qui avaient cessé de lui faire peur. Elle reconnaissait leur beauté habituelle, et se sentit bien, malgré le poids de la couronne, jusqu'au soir. Lorsque la fatigue et la faim commencèrent à se faire sentir, toutefois, Ava perdit son courage. Elle allait devoir marcher toute la nuit pour éviter de s'endormir – car si sa tête roulait de sommeil, l'eau s'épandrait hors de l'amphore… Elle avait déjà si mal aux pieds, les genoux si lourds, et le cou si douloureux… Pourquoi forçait-on une si petite fille à réaliser une telle épreuve ? Et tandis qu'elle s'apitoyait sur son sort, il lui semblait que le chemin s'élargissait et s'allongeait, que les arbres devenaient plus hauts, les flaques d'eau et les ornières, plus profondes. De plus en plus découragée, elle se retourna. Il lui semblait qu'elle avait rétréci à la taille d'une souris, et que le chemin était devenu un chemin de géants. Il lui faudrait au moins vingt pas pour chaque pas qu'elle avait franchi… Et des larmes désespérées surgirent involontairement de ses yeux, bientôt suivies par une pluie chaude et salée qui la trempa de la tête aux pieds.
Des larmes ? Puis la pluie ? Ava commençait à comprendre… Et, comme l'idée surgissait en elle, un rayon de lune amical traversa le ciel triste et vint la réconforter. Ava pensait avoir compris les pouvoirs de la couronne, et cette découverte lui faisait oublier sa fatigue, et l'emplissait de joie. Une force nouvelle se propagea en elle, et elle reprit sa route, joyeusement. Le chemin semblait avoir repris ses proportions normales, et, maintenant, au fur et à mesure qu'elle marchait, il lui semblait que des jolies petites fleurs de nuit, violettes et argentées, poussaient sur son passage, et que les arbres écartaient leurs branches noires pour laisser passer la lumière des étoiles. Jamais Ava ne fit une marche nocturne plus merveilleuse.
Le lendemain midi, Ava s'avança d'un pas las et majestueux auprès de son peuple assemblé. L'aïeule était là, raide et rabougrie, et Ava s'agenouilla auprès d'elle afin qu'elle pût vérifier le contenu de l'amphore. Lorsque la vieille retira la couronne de sa tête et la soupesa d'un air grave, Ava sentit sa tête nue. Le poids s'était envolé, et sa tête était plus légère, mais il lui semblait à présent qu'il lui manquait quelque chose, et qu'elle ne se sentirait plus jamais complète sans sa couronne.
Alors elle approcha ses lèvres de l'oreille de l'aïeule.
” La couronne me relie à ma terre. Elle transforme le paysage autour de moi au gré de mes émotions. Et si je ne suis pas en paix à l'intérieur, j'inflige ma colère, ma peur, mon désespoir, à tout ce qui m'entoure.”
L'aïeule sourit de sa bouche édentée et profonde.
– Ava a remporté l'épreuve ! cria-t-elle. Ava peut régner !
Et c'est ainsi, dit-on, que débuta le règne d'une reine fort sage, qui ne gaspilla jamais ce dont le peuple avait besoin, et qui ne lui fit jamais subir ses humeurs.
30 janvier 2018 à 0h07 #160899Oups, j'ai oublié le texte…
Il existe tant de pays lointains, qui s'ouvrent dans notre imagination au moindre souffle du rêve… Celui dont je vous parle est un pays où la terre est plus rouge, le ciel plus grand, et les ombres plus longues, un pays où les animaux sont majestueux et où les arbres sont sacrés. Un pays où l'eau est rare, et où les lacs étincellent de milliers d'espèces flamboyantes. Je suis sûre que vous le connaissez.
Dans ce pays vivait une petite princesse nommée Ava… Ava avait la couleur des arbres, et les yeux brillants et limpides comme des points d'eau. Elle aimait, après les cavalcades bruyantes et les petits travaux, marcher dans la poussière des chemins, seule, pour laisser le pays qu'elle aimait pénétrer dans son âme. Le rouge de la terre et les zébrures orangées du ciel entraient dans son âme par ses yeux. Le parfum des arbres entrait dans son âme par ses narines frémissantes. Le chant des insectes invisibles, dont elle devinait l'agitation nerveuse, entrait dans son âme par ses oreilles. Et c'est ainsi qu'elle communiait, silencieuse, avec la terre.
Depuis ses plus tendres années, sa mère tressait ses cheveux en des coiffures si lourdes et si compliquées qu'elle avait pris l'habitude d'avoir toujours la tête haute. “C'est pour t'habituer à porter la couronne”, disait-elle. Et, de fait, Ava se tenait droite, si droite qu'il lui semblait parfois qu'un coup de talon sur le sol lui permettrait de s'envoler. “La couronne est lourde, lui disait sa mère, et lorsque tu la porteras, il faudra porter ton fardeau sans rien perdre de ta grâce.”
Aussi, Ava était-elle un peu anxieuse lorsque le jour de ses quinze ans arriva,et qu'elle se vit entourée d'une foule nombreuse, dans la grande cour. Les enfants qui avaient partagé ses jeux, les femmes qui avaient baigné et soigné son enfance, les hommes qui d'habitude ne lui adressaient pas un regard – tous à présent la regardaient, pleins de dignité et d'appréhension. L'aïeule fit bientôt son apparition, minuscule et voûtée, portant à grand peine la couronne dans ses mains. Et Ava, à partir de cet instant, fut fascinée par cet objet.
La couronne était un cercle d'or, qui supportait une longue amphore de terre cuite, merveilleusement ouvragée et prise dans un lacis de branches,de feuilles, de plumes, de perles et de fleurs. Elle était aux couleurs de la terre et de la vie, et Ava la désira, désira éperdument la porter sur sa tête, et tendit le cou avec ferveur lorsque l'aïeule fit le geste de la couronner. Au moment où la vieille femme, tout abîmée de rides, déposa l'objet et leva les mains, Ava fut certaine de l'entendre rire. Elle n'y prêta cependant pas attention, car il lui semblait tout à coup que son front ne résisterait pas plus de quelques secondes au poids qui l'écrasait, que son cou se briserait sous l'effort, qu'elle tomberait en avant, la tête la première, emportée par la couronne qui paraissait chercher le sol comme si elle eût été aimantée.
“L'eau cherche à rejoindre la terre, Ava, et tu dois l'en empêcher. Tu dois retenir l'eau pour les hommes, afin qu'ils n'aient jamais soif.”
Ava, incertaine de pouvoir bouger, réussit à hocher la tête.
“Tu dois passer la nuit dehors, Ava, et nous rapporter l'amphore demain. Nous t'attendrons à l'heure du zénith, et nous vérifierons que pas une goutte d'eau n'est tombée de ta tête.”
Ava hocha de nouveau la tête, et il lui sembla soudain que la couronne pesait moins lourd. Elle lui barrait le front, et la forçait à se tenir plus droite encore que du temps de ses coiffures compliquées. Mais le poids terrible qui l'avait écrasée semblait s'être dissipé.
“Ce n'est pas tout, Ava. Tu dois aussi comprendre les pouvoirs de la couronne, et me les dire à l'oreille demain. Si tu ne parviens pas à les comprendre, ou si l'amphore a perdu de l'eau, tu ne pourras jamais régner.”
Alors les tambours retentirent, et la jeune fille coiffée se mit à danser, le buste presque immobile, pour saluer la foule. Tandis qu'elle dansait, une grande liesse s'empara de la ville. Mais Ava savait qu'il lui fallait s'éloigner de la grand-place. L'aïeule la suivait du regard, d'un air moqueur et malveillant.
– Pourquoi te moques-tu de moi ? demanda Ava en passant devant elle.
– Parce que le poids s'est allégé, tu t'imagines qu'il est facile d'être reine… Tu n'as aucune idée des pouvoirs de la couronne. Avant le matin, l'eau se répandra par ta faute !
– Pourquoi es-tu si aigrie, l'aïeule ?
– Parce que tu dois te mettre en colère. Parce que tu es une petite incapable. Parce que tu m'as supplantée dans la roue de la vie.
– Assez ! cria Ava, et elle s'enfuit en courant, aussi vite que le lui permettait l'amphore perchée au dessus de sa tête.
La colère à présent se déchaînait dans son coeur. Pourquoi cette maudite vieille était-elle si méchante ? Il venait à Ava des envies de l'insulter, de la bousculer, de la faire taire. Elle se jura de ne pas verser une larme à la mort de cette sorcière. Cependant qu'elle marchait, et qu'elle laissait libre cours à sa colère, le paysage se transforma autour d'elle. Un vent violent se leva, avec des bourrasques si puissantes que des branches se cassèrent, et que des blocs de rochers se détachèrent des falaises. Le vent venait de nulle part et tourbillonnait en tous sens, il giflait les fleurs et empêchait le vol des ibis, il menaçait l'amphore, enfin, qu'Ava sentait trembler sur son cercle d'or. Mais Ava ne comprit pas.
En son coeur, la colère céda progressivement le pas à la peur. Qu'allait-elle devenir toute seule, hors du village, par une nuit de tempête ? Et comment parviendrait-elle à protéger l'eau précieuse de son amphore ? Une pierre ne risquait-elle pas de briser la couronne ? Sitôt que l'angoisse s'installa dans sa poitrine, le vent tomba. Mais, presque aussi brusquement, l'obscurité tomba avec lui. Pourtant, il n'était pas si tard. Pourquoi la lumière avait-elle décliné ? Ava regarda le ciel à la recherche d'une explication, mais l'air était traversé de nuées lentes et épaisses, qui semblaient arrachées au néant. Ava frissonna, et observa le monde autour d'elle. Les arbres se penchaient sur elle avec des murmures glacés; des serpents aux couleurs vives ondulaient lentement sur le chemin à ses côtés; des hurlements stridents retentissaient dans le lointain. Ava se raisonna, se dit que le temps était probablement détraqué, et qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Et, cependant qu'elle essayait courageusement de lutter contre la terreur que lui inspirait le paysage, ce dernier devint un peu moins inquiétant. Les serpents disparurent, et les arbres se redressèrent un peu. Mais Ava ne comprit toujours pas.
Elle marcha pendant un long moment, rassérénée, jusqu'à la tombée de la nuit, le long des chemins familiers qui avaient cessé de lui faire peur. Elle reconnaissait leur beauté habituelle, et se sentit bien, malgré le poids de la couronne, jusqu'au soir. Lorsque la fatigue et la faim commencèrent à se faire sentir, toutefois, Ava perdit son courage. Elle allait devoir marcher toute la nuit pour éviter de s'endormir – car si sa tête roulait de sommeil, l'eau s'épandrait hors de l'amphore… Elle avait déjà si mal aux pieds, les genoux si lourds, et le cou si douloureux… Pourquoi forçait-on une si petite fille à réaliser une telle épreuve ? Et tandis qu'elle s'apitoyait sur son sort, il lui semblait que le chemin s'élargissait et s'allongeait, que les arbres devenaient plus hauts, les flaques d'eau et les ornières, plus profondes. De plus en plus découragée, elle se retourna. Il lui semblait qu'elle avait rétréci à la taille d'une souris, et que le chemin était devenu un chemin de géants. Il lui faudrait au moins vingt pas pour chaque pas qu'elle avait franchi… Et des larmes désespérées surgirent involontairement de ses yeux, bientôt suivies par une pluie chaude et salée qui la trempa de la tête aux pieds.
Des larmes ? Puis la pluie ? Ava commençait à comprendre… Et, comme l'idée surgissait en elle, un rayon de lune amical traversa le ciel triste et vint la réconforter. Ava pensait avoir compris les pouvoirs de la couronne, et cette découverte lui faisait oublier sa fatigue, et l'emplissait de joie. Une force nouvelle se propagea en elle, et elle reprit sa route, joyeusement. Le chemin semblait avoir repris ses proportions normales, et, maintenant, au fur et à mesure qu'elle marchait, il lui semblait que des jolies petites fleurs de nuit, violettes et argentées, poussaient sur son passage, et que les arbres écartaient leurs branches noires pour laisser passer la lumière des étoiles. Jamais Ava ne fit une marche nocturne plus merveilleuse.
Le lendemain midi, Ava s'avança d'un pas las et majestueux auprès de son peuple assemblé. L'aïeule était là, raide et rabougrie, et Ava s'agenouilla auprès d'elle afin qu'elle pût vérifier le contenu de l'amphore. Lorsque la vieille retira la couronne de sa tête et la soupesa d'un air grave, Ava sentit sa tête nue. Le poids s'était envolé, et sa tête était plus légère, mais il lui semblait à présent qu'il lui manquait quelque chose, et qu'elle ne se sentirait plus jamais complète sans sa couronne.
Alors elle approcha ses lèvres de l'oreille de l'aïeule.
” La couronne me relie à ma terre. Elle transforme le paysage autour de moi au gré de mes émotions. Et si je ne suis pas en paix à l'intérieur, j'inflige ma colère, ma peur, mon désespoir, à tout ce qui m'entoure.”
L'aïeule sourit de sa bouche édentée et profonde.
– Ava a remporté l'épreuve ! cria-t-elle. Ava peut régner !
Et c'est ainsi, dit-on, que débuta le règne d'une reine fort sage, qui ne gaspilla jamais ce dont le peuple avait besoin, et qui ne lui fit jamais subir ses humeurs.
30 janvier 2018 à 8h03 #160900O
30 janvier 2018 à 9h17 #160901O
30 janvier 2018 à 9h33 #160902O
Un conte tout à fait délicieux. Bravo Pauline
30 janvier 2018 à 11h18 #160903O
30 janvier 2018 à 11h25 #160904O
1 février 2018 à 2h18 #160907O
1 février 2018 à 18h49 #160912Souhaitons que cette jeune reine traverse la vie sans jamais ressentir ni colère, ni peur, ni désespoir!
O
2 février 2018 à 20h41 #160915OUI sans réserve!
4 février 2018 à 13h23 #160922Oui à ce beau texte.
7 février 2018 à 23h23 #160936Merci très chers amis !
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