Accueil › Forums › Textes contemporains › NAIMI, Kadour – Histoire d’une amitié
- Ce sujet contient 10 réponses, 6 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par KKadour, le il y a 7 années et 2 mois.
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- 14 octobre 2017 à 10h46 #14466014 octobre 2017 à 10h46 #160620
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Bonjour, chers collègues
Je me permets de présenter à vos votes une nouvelle émouvante de Kadour Naïmi, nouvelle qui m'a beaucoup plu et que je souhaiterais enregistrer, si vos votes sont positifs.
Merci pour le temps que vous voudrez bien accorder ce texte, qui n'est pas très long.
Bon dimanche! Amicalement!
Cocotte
14 octobre 2017 à 11h30 #160621Superbe ! O.
OUI.
Amitiés,
20 octobre 2017 à 8h41 #160636L'histoire me parait bien peu vraisemblable. Je n'y crois pas.
De plus, je n'ai aucun goût pour ce pathétique outré.
Mais comme c'est un avis tout personnel, je ne voterai pas “non”. Ni “oui”.
20 octobre 2017 à 22h36 #160637N
22 octobre 2017 à 12h05 #160638Le style est peu soutenu dans son ensemble avec des syntaxes contestables et des graphies erronées. Il y a également des fautes élémentaires de langue, on dit par exemple « laisser tranquille ». La construction du verbe pronominal « s'illusionner » est critiquable.
D'autre part un littérateur ne devrait pas proposer différentes issues. Dans le cas de cette narration, elles dissimulent en réalité une propagande idéologique car elles sont manifestement orientées et semblent chercher à forcer la main au lecteur.
Nous préférons toutefois laisser à ce texte sa destinée en nous abstenant, d'autant que le petit Karim est adorable, quoique effectivement improbable, ainsi que l'a fait observer un donneur de voix.
23 octobre 2017 à 13h32 #160645Aegidius a écrit :
Le style est peu soutenu dans son ensemble avec des syntaxes contestables et des graphies erronées. Il y a également des fautes élémentaires de langue, on dit par exemple « laisser tranquille ». La construction du verbe pronominal « s'illusionner » est critiquable.
D'autre part un littérateur ne devrait pas proposer différentes issues. Dans le cas de cette narration, elles dissimulent en réalité une propagande idéologique car elles sont manifestement orientées et semblent chercher à forcer la main au lecteur.
Nous préférons toutefois laisser à ce texte sa destinée en nous abstenant, d'autant que le petit Karim est adorable, quoique effectivement improbable, ainsi que l'a fait observer un donneur de voix.
Bonjour !
Après en avoir demandé la permission à Monsieur Augustin, je me vois obligé d’intervenir, en tant qu’auteur de la nouvelle « Une histoire d’amitié », simplement pour fournir des éclaircissements.
1) Au sujet de l’ « invraisemblance » des faits relatés.
D’une part, l’histoire est quasi auto-biographique, à l’exception de l’épilogue tragique. D’autre part, ce genre d’histoire, très malheureusement, fait partie de la vie quotidienne de tous les Algériens, à l’occasion de la fête dite du « sacrifice » (Aïd alkabir, autrement dit « Grande Fête »).
Seule la méconnaissance de la réalité sociale et culturelle de l’Algérie actuelle, et des Musulmans en général, laisse croire à l’invraisemblance de l’histoire présentée dans cette nouvelle.
Pour me faire mieux comprendre, voici une comparaison. Supposons un intellectuel afghan lisant une nouvelle relatant un fait survenu en France : qu’une jeune fille a fait l’amour avec un garçon, sans être toutefois mariés. L’intellectuel afghan s’écrierait : « Mais c’est invraisemblable ! » C’est que, en Afghanistan, ces deux amoureux sont généralement lapidés par la population. Donc, la fausse interprétation de cet intellectuel afghan provient uniquement de sa méconnaissance de la réalité française.
Par conséquent, avant de se prononcer sur un fait concernant une société dont elle ne fait pas partie, une personne cultivée ne devrait-elle pas, auparavant, s’informer suffisamment sur la réalité sociale et culturelle de cette dite société, et ne pas se limiter à juger un fait qui s’y déroule, avec les seules normes de sa propre culture ?
2) La même considération est à formuler concernant le « pathétique outré » porté sur la nouvelle.
Encore là, je n’ai fait que reporter fidèlement la réalité, me permettant uniquement de la « romancer » un peu, pour en faire une production littéraire. En son temps, et toute proportion gardée, que n’a-t-on pas reproché au « Misérables » de Victor Hugo, dans ce domaine du « pathétique ». Ce n’est pas l’auteur qui est pathétique, c’est, hélas !, la réalité, que l’auteur ne fait que communiquer.
A un autre auteur, on avait reproché sa « grossièreté » et sa « barbarie ». Ce fut Shakespeare quand il fut connu en France. Enfin, à Zola, certains lui reprochèrent d’avoir présenté, dans « L’Assommoir », un tableau « dégradant » du peuple français, alors qu’il s’était simplement tenu à en rendre la réalité vraie.
3) A propos de l’affirmation de « propagande idéologique » et de « chercher à forcer la main au lecteur », je serai reconnaissant d’en avoir des preuves.
A ce sujet, voici ce que j’aurais aimé lire.
Que cette nouvelle évoque le rite biblique dénommé « sacrifice d’Abraham ». Pour qui l’ignore, il s’agit du prophète Abraham, évoqué dans l’Ancien Testament. Par obéissance à son Dieu, il s’apprête à égorger son propre enfant (Isaac pour les Hébreux, Ismaël pour les Musulmans) ; à l’ultime moment, avant que la lame du couteau tombe sur la gorge du malheureux enfant, Dieu remplace ce dernier par un agneau, lequel est immolé, sans aucun problème de conscience : ni pour l’innocent animal, ni pour la terreur vécue par l’enfant, se voyant menacé d’avoir la gorge coupée par son propre père, qui, soulignons-le, l’aime infiniment. Eh, oui ! Cela semble « invraisemblable », plus invraisemblable que ma nouvelle, mais cela fut, tout au moins si on croit à la Bible.
C’est précisément ce rite abrahamique que la tradition islamique a repris, en l’appelant « Aïd alkabir » (Grande Fête, ou Fête du Sacrifice). Par conséquent, la nouvelle est une remise en question, indirecte, par la fiction littéraire, d’un rite qui ne devrait plus exister. Et qui est, pour retourner à l’argument précédent numéro 2, d’un « pathétique outré ».
Précisons que, dans le monde chrétien, cette idée de « sacrifice » est véhiculée uniquement par les autorités ecclésiastiques, contrairement aux affirmations de Jésus-Christ (voir l’essai de René Girard, « La violence et le sacré », et son complément « Des choses cachées depuis le commencement du monde »).
Dès lors, il devient clair que la nouvelle ne vise pas à « forcer la main au lecteur », mais à le sensibiliser (n’est-ce pas l’un des aspects de la littérature ?) à un fait religieux traditionnel, en montrant ce que ce rite « sacré » du « sacrifice » avait et conserve d’inacceptable pour la sensibilité et la justice humaines.
4) Au sujet du double épilogue, la littérature n’en manque pas. J’ai en vue, par exemple, une nouvelle de Maupassant, dont le titre m’échappe. Et même si la littérature n’a jamais employé ce procédé, quelle règle, quelle loi littéraire interdit de l’inventer ? Sans transgression, ou plutôt sans innovation, la littérature ne serait-elle pas restée à Homère ou à l’Ancien Testament, faisant des auteurs venus après simplement des copieurs-reproducteurs ?
S’il faut tout expliquer, voici la justification du double épilogue. Le premier suggère ce qui, malheureusement, aurait pu et pourrait arriver. Le second propose ce qui est à espérer.
A propos de ces quatre points, ajoutons ceci : en Algérie, les lecteurs et lectrices du journal national, dans lequel la nouvelle a été publiée, ont convenablement compris, sans avoir besoin d’éclaircissements.
Ceci étant dit, en proposant ma nouvelle à LA, je ne m’attendais pas aux jugements que je viens d’éclaircir. En effet, j’estime ce site non pas uniquement parce que j’y propose mes textes, mais d’abord parce que j’en suis un auditeur assidu. J’y trouve matière à réchauffer le cœur et à enrichir l’esprit. Qu’il me soit permis donc d’exprimer ma reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui y contribuent, sans exception aucune. Et que les malentendus soient l’occasion d’éclaircir davantage nos connaissances, en se libérant de toute forme d’ethnocentrisme (qu’il soit occidentaliste ou orientaliste), au sujet de tous les peuples de cette planète, et de leurs littératures. N’est-ce pas là que résident l’authentique humanité, donc le vrai humanisme ? Par ma nouvelle, j’ai espéré y contribuer. Et je suis reconnaissant à Cocotte de l’avoir appréciée au point de désirer la mettre à la disposition de LA.
Cordialement,
Kadour
23 octobre 2017 à 16h07 #160646Cher Kadour,
la réalité des faits ne rend pas l'histoire plus vraisemblable, la vérité et la vraisemblance étant deux choses bien différentes. Pourquoi voulez-vous que votre lecteur prenne pour hypothèse qu'un rite exogène persiste s'il est contesté par la population ? Au nom de quoi doit-il supposer ou savoir qu'il existe une contestation significative ? Si d'ailleurs il en est ainsi, c'était à l'écrivain de le faire savoir car je ne crois pas qu'on n'écrive qu'à des personnes cultivées, puisque vous employez ce terme. Si vous écrivez pour une culture en vous plaçant du point de vue d'une autre, il est nécessairement des précautions oratoires à prendre, sinon vous essuierez des critiques de ce genre. Vous dites qu'en Algérie votre texte a été compris sans éclaircissements. Nous n'en doutons pas étant donné que vos lecteurs connaissent le contexte.
Par la formule « forcer la main », je voulais dire qu'on préférera nécessairement l'issue heureuse car qui pourra souhaiter la mort accidentelle de l'enfant ? Vos hypothèses ne sont pas bonnes car elles ne s'excluent pas l'une l'autre, vous proposez soit la réconciliation soit un accident, ce que j'appelle forcer la main, ce double épilogue se présente comme une sorte de dilemme déloyal.
Si vous voulez lutter contre le rite d'une culture, pourquoi tournez-vous autour du pot ? Un essai propagandiste pour expliquer en quoi il est « inacceptable pour la sensibilité et la justice humaines » me paraît plus approprié.
Quoi qu'il en soit, merci à vous pour cette belle réponse très instructive, et merci également à toute l'équipe de Littérature Audio, comme vous le rappelez avec gentillesse.
24 octobre 2017 à 5h54 #160647Cher Aegidius,
merci pour votre réponse et vos conseils.
À présent que j’ai constaté des réactions d’incompréhension reçue par la nouvelle, je suis d’accord avec le fait que vous suggérez : ajouter une ou deux phrases pour permettre aux lecteurs-trices d’une autre culture de lire la nouvelle dans son contexte culturel.
Venons au fait de “tourner autour du pot”. D’une certaine manière, vous avez, là aussi, raison. Voici ma justification. Le problème que je soulève est tellement sensible dans la société algérienne qu’un “essai propagandiste” obtiendrait l’effet exactement contraire. Vous connaissez, je pense, la phrase de Voltaire (je cite de mémoire) : “Certes, je ne crois pas en Dieu, mais si je le dis à mon laquais, je risque d’être trucidé par lui.” Nous en sommes là, malheureusement, en Algérie.
Pour ma part, je lutte contre ce fléau par des contributions journalistiques, où, là, je ne “tourne pas autour du pot”; il s’agit de “Le Matin d’Algérie”.
Mais n’est-ce pas l’une des fonctions (mais pas la seule) de la littérature de “tourner autour du pot”, en laissant à l’essai proprement dit d’appeler un chat un chat ? Une littérature qui ne “tourne pas autour du pot” risque d’être rejetée par les âmes trop sensibles, surtout, par les temps que nous traversons, aborder un thème en relation avec une foi religieuse. Ainsi, j’ai proposé un texte à une DDV; elle l’a décliné, le trouvant trop “politique”. Je comprends cette réaction. Si vous voulez le lire, je me ferai un plaisir à vous l’envoyer.
Suite à cette réponse, je vous serais reconnaissant de lire celle que j’adresse ensuite à un auditeur, pour bénéficier de votre amical avis.
Cordialement,
Kadour
*
Un auditeur a émis un autre commentaire sur la nouvelle “Une histoire d’amitié”. L’ayant inséré dans l’espace consacré à une autre nouvelle (Lettre de Rome d’un E-C), parce que ne sachant pas comment le publier sur le Forum, je me permets de l’y mettre, et de fournir les éclaircissements qui me semblent nécessaires.
Voici le commentaire (copié-collé):
Auteur: Ali Boussouel
Kadour Naïmi Histoire d’une amitié.
J’ai mis mon commentaire ici car je ne suis pas arriver à le mettre sur le forum
Etant Algérien et kabyle je souhaite réagir : Vous avez mis votre nouvelle en ligne sur Le matin d’Algérie. Il y a eu deux commentaires dont un :khelaf hellal : Une fin d'histoire d'amitié toute inventée, invraisemblable. Une fin d'histoire que seuls les tartufes savent se la jouer.
Ne faites pas croire monsieur que les Algériens sont stupides au point de ne pas voir les invraisemblances de votre histoire. Quel père offrirait un agneau à son fils, le laisserait le dorloter pendant une semaine, puis s’étonnerait de la réaction de l’enfant quand il lui dit qu’on va le sacrifier. Les Algériens sont aussi humains que les Français ou n’importe quel peuple. Ne prenez pas les Algériens pour des ânes ! Et vous aurez beau chercher à vous justifier en citant Hugo ou Zola, cela n’enlève rien au fait que votre nouvelle est invraisemblable et mal construite. Ne vous réfugiez donc pas derrière de soi-disant traditions culturelles que les Français ignoreraient. C’est un peu trop facile !
Cordialement,
Ali Boussouel*
Voici ma réponse.
Cher Monsieur Boussouel,
merci de me permettre d’enrichir le débat par d’autres clarifications.
Si ma nouvelle est invraisemblable, que dites-vous du récit d’un autre père, bien meilleur que celui de ma nouvelle : le prophète Abraham prêt à égorger non pas un agneau mais son propre unique enfant, par obéissance à son Dieu ?
Si l’on affirme que ce dernier récit est « invraisemblable », que Abraham ne pouvait pas être aussi « stupide » au point de vouloir égorger son propre enfant, alors, par voie de conséquence, on affirme la fausseté du récit biblique, donc de l’Ancien Testament, ainsi que des deux autres religions monothéistes, lesquelles croient à la véracité de ce récit : la chrétienne et la musulmane.
Mais, étant donné qu’un peu plus de la moité des habitants de la planète est de religion monothéiste, elle croit donc à la véracité du récit abrahamique. Au point que la tradition chrétienne présente Jésus comme l’ « agneau de Dieu », en plus « sacrifié » sur la croix, par volonté de son « Père », pour racheter les péchés des êtres humains. Et, sur la croix, Jésus lui-même ne comprend pas ce qui lui arrive, puisque son ultime phrase est la tragique interrogation « « Abi, lima sabaghtani ? » (Père, POURQUOI m’as-tu ABANDONNE ?)
Donc, si je suis votre manière de raisonner, Mr. Boussouel, la mort de Jésus sur la croix est, comme le récit abrahamique, « invraisemblable », parce que Dieu le « Père » n’est pas assez « stupide » pour laisser sacrifier d’une manière aussi horrible son « enfant » sur la croix.
Poursuivons. Durant la messe du dimanche, les Catholiques boivent le vin, lequel est le symbole du sang du Christ, et mangent l’hostie, considérée comme la « chair » (le corps) du Christ. Cela est, aussi, selon vous, Mr. Boussouel, « invraisemblable », parce que les Catholiques ne peuvent pas être assez « stupides » pour manger un peu de farine et un peu de vin, en croyant boire le sang et manger la chair de Jésus ?
Encore un mot sur les personnages de la nouvelle. Karim a été jugé, par Aegidius, « adorable, quoique effectivement improbable ». Qu’en est-il, alors, du fils d’Abraham ? « Improbable », lui aussi ? Et Jésus, acceptant le tourment de la croix, « improbable », lui aussi ?… Si oui, alors, la Bible et les Évangiles ne sont pas crédibles. Pourtant, plus de la moitié de l’humanité y croit, et même s’entre-tue à ce sujet.
Certes, comme l’écrit Aegidius : « la vérité et la vraisemblance étant deux choses bien différentes ». Pour ma part, je considère qu’il y a des cas où la réalité dépasse toute vraisemblance, sans néanmoins contraindre à écarter la première par respect de la seconde. Il suffit de mentionner une œuvre : Médée. Voilà une femme qui, pour se venger de son mari, qui a pris une seconde épouse, plus attrayante, l’invite à dîner, et lui fait manger la viande de ses propres enfants, qu’elle a auparavant tués et cuits dans la marmite. Dois-je citer également l’histoire d’Oedipe, assasin de son père puis mari de sa propre mère ?
Par conséquent, la question vérité-vraisemblance est, quoiqu’en disent certains théoriciens, est matière de choix de l’auteur, au risque de heurter le lecteur (ou auditeur). C'est un pari à jouer. Durant toute mon activité artistique et littéraire, j'ai toujours aimé innover, au risque de choquer, me basant sur ce principe : « Si je n'offre pas quelque chose de nouveau, à quoi bon me fatiguer ? Je n’ai pas l’âme d’un perroquet. » (avec tout le respect que je lui dois, sachant qu’il n’a pas librement choisi sa nature).
Sur la planète, les seules personnes qui ont le droit, pour ainsi dire, de considérer toutes ces histoires (celle de ma nouvelle comme les récits religieux dont elle s’inspire, et dont elle est la directe conséquence) comme « invraisemblables », parce que commises par des parents « stupides », sont les Chinois, Japonais et habitants du Sud-Est asiatique.
En effet, ces peuples, dans leur majorité écrasante, ignorent la notion de « Dieu », au point que ce terme, n’existait pas en chinois ; il a été inventé par les Jésuites français (ou italiens, je ne me rappelle pas) qui, voilà quelques siècles, sont allés en Chine.
Pour ces peuples donc, les trois textes sacrés des religions monothéistes ne sont que des fables, d’une part horribles, à cause des fleuves de sang qui y sont versés, d’autre part totalement « farfelues », à cause de ce que les Chinois et autres considèrent comme des fantaisies : Un Dieu dans le ciel, des anges, un paradis et un enfer, le « pécher originel », Un Adam et une Eve qui ont deux garçons puis – on ne sait comment – donne naissance à d’autres êtres humains, un Dieu qui a un enfant par l’intermédiaire d’une femme vierge, etc.
Ainsi, j’espère avoir montré que « Une histoire d’amitié » évoque et plonge ses racines non pas uniquement dans la société algérienne actuelle, mais dans toute les croyances monothéistes qui sont, répétons-le, le socle culturel de plus de la moitié de l’humanité. Il reste, c’est le « message » de la nouvelle, que le sacrifice d’un animal innocent devrait être abandonné, comme une regrettable tradition d’un passé inhumain.
En outre, les récits laïques contiennent également des faits qui peuvent paraître « invraisemblables », avec comme auteur un père « stupide ». J’ai en vue le sacrifice de l’adolescente Iphigénie par son père. Ne l’a-t-il pas égorgée sur l’autel, pour apaiser les « dieux » afin qu’ils envoient le vent permettant à la flotte grecque d’appareiller pour aller faire la guerre à Troie ?… Ensuite, l’épouse d’Agamemnon n’a-t-elle pas considérée son mari, le père meurtrier de leur fille, comme assez « stupide » au point de le faire assassiner par la hache de son amant ?
Ces récits religieux et laïques m’amènent à éclairer les parents de la nouvelle. Un DDV a évoqué seulement l’enfant, mais pas les parents. Qu’on lise attentivement la nouvelle : le père et la mère de l’enfant ne sont-ils pas horriblement écartelés entre leur croyance religieuse (obéir à Dieu en consentant le sacrifice) et leur amour pour leur enfant (qu’ils chérissent tant) ? Ces deux parents souffrent-ils moins, sont-ils moins tragiques (toutes proportions gardées) qu’Abraham et que Agamemnon ?… Pourtant, il me semble avoir insisté sur le drame souffert par les parents de telle manière qu’un jugement de DDV a parlé de « pathétique outré ».
Quant au lecteur algérien, ayant trouvé, lui aussi, la nouvelle « invraisemblable », j’invite qui voudrait vérifier son affirmation d’aller voir comment les enfants vivent le drame consistant à faire amitié avec un tendre agneau, pour le voir, une semaine après, égorgé par le père. En outre, l’un des meilleurs journaux d’opposition algérienne, démocratique et laïc (Le Matin d’Algérie), aurait-il publié une nouvelle qui serait « invraisemblable » et « Tarfuffe » ?
Terminons par le style et la construction de cette nouvelle. C’est une question de goût. Que dirait-on si un jeune homme de dix-huit ans présente, aujourd’hui, ses « Chants de Maldoror » ? Déjà, à son époque, l’auteur fut obligé de recourir à l’édition par compte d’auteur, et son livre ne fut pas même distribué. Ce n’est qu’une quarantaine d’années après qu’un exemplaire fut découvert, non pas à la vénérable Bibliothèque de France, mais dans un ordinaire grenier. Combien n’ont pas trouvé les récits de Isidore Ducasse « invraisemblables » et « stupides », jusqu’à ce que les surréalistes ont jugé cette œuvre comme leur principale référence inspiratrice et un chef-d’œuvre absolu ?… Question de goût, résultat d’une certaine qualité de culture, d’intelligence et de sensibilité.
Cordialement,
Kadour
24 octobre 2017 à 10h33 #160648Cher Kadour,
le militantisme littéraire est toujours très délicat à aborder. Il reste curieux que vous présentiez désormais une contestation algérienne puisque vous affirmiez qu'il n'y en avait pas. Mais peu importe, ce sont là les aléas de la conversation.
Proposez éventuellement votre autre texte aux participants de ce site si vous avez une adresse électronique où l'installer.
Vous avez fort bien expliqué votre point de vue avec vos propres arguments. Si les faits sont réels, on se demande pourquoi vous invoquez dans ce débat d'autres situations littéraires à l'appui de votre narration, et également les textes antiques qui sont, pour certains incrédules, autant d'élucubrations invérifiables. Il était peut-être judicieux d'agencer votre matière pour le faire savoir ou pour préparer le lecteur. Balzac a passé son temps à nous faire croire à l'incroyable, il y est même allé d'un « All is true » sans complexe, et préférant de façon saugrenue la langue de Shakespeare pour nous le signifier, au début du « Père Goriot ».
Meilleurs succès littéraires à vous
25 octobre 2017 à 4h05 #160650Cher Aegidius,
merci encore pour vos commentaires et suggestions. Pour la nouvelle, ce qui devient clair,c’est une sorte d’avertissement précédent celle-ci, pour la mettre dans son contexte culturel. L’exemple de Balzac est, en effet, pertinent.
Je me propose d’ajouter ce prologue à la nouvelle :
« Voici une histoire qui semblera totalement invraisemblable à une personne non familière avec la réalité culturelle de la société où se déroulent les événements. Malheureusement, ils reflètent des faits vrais, encore actuels. Le drame relaté souhaite contribuer à ce qu’un rite s’humanise, par le renoncement à la souffrance qui le caractérise. »
Qu’en pensez-vous ?
Je me suis rappelé un autre éclaircissement à vous fournir. À propos de « tourner autour du pot », voici le contenu du pot. La nouvelle pose clairement, me semble-t-il, la question, par la bouche même de l’enfant : Pourquoi un Dieu de Bonté et Miséricordieux aurait besoin de sang pour être honoré ?… Allez poser cette question à des personnes très pieuses, et vous constaterez la réaction. Voilà pourquoi la nouvelle a pu paraître uniquement dans un journal algérien laïc et démocratique.
Là est, non pas le « militantisme » littéraire, mais ce que disait Kafka (je cite de mémoire) : « Si la littérature n’est pas un marteau pour éclairer le crane du lecteur, à quoi sert-elle ? » Je suis parfaitement conscient que cette conception littéraire ne mène nullement au succès, mais elle me porte à me regarder dans le miroir de ma conscience de manière sereine.
Au sujet de contestation algérienne, une voix, comme les hirondelles, ne fait pas le printemps. Ne constatons-pas l’existence de Français qui affirment qu’au temps de l’occupation nazie, les Français étaient heureux ? Il en est de même en Algérie : vous trouverez toujours quelques uns pour vous affirmer que les femmes battues par leurs maris, ça n’existe pas, ou qu’un Français altruiste, pendant la colonisation de l’Algérie, ça n’existait pas.
Quant au texte à proposer, oh non, je n’y songe pas. Trop polémique. Et je ne suis pas Zola avec son “J’accuse !”, car mon texte en a la veine. Dans mon texte, la victime n’est pas un capitaine, de religion juive, mais plus de la moitié de l’humanité, qui a le tort d’exister sur cette planète. En outre, je ne dispose pas d’un Maupassant pour défendre mon texte. Je pense également que LA se caractérise par un certain équilibre qui ne permet pas l’insertion d’un texte trop polémique, pamphlétaire et “politique”.
Encore merci pour cette amicale et utile discussion !
Kadour
*
Ali Boussouel
Merci de m’avoir répondu mais cela ne change rien à ma position.
Je cite votre histoire :
« Le père ne sut pas résister. Il voulait contrebalancer sa vie, tellement pénible, par un plaisir à offrir à son enfant. Alors, il répondit, sans trop s’attarder à réfléchir :
– D’accord, mon trésor ! Pour fêter tes cinq ans, j’achèterai un tout joli petit agneau.
Un beau matin de ciel bleu, ensoleillé et doux, l’enfant vit arriver ce qu’il attendait avec impatience : un tout jeune agneau !
Le père et la mère furent très contents de constater la joie de leur petit. « Tu as bien fait d’acheter cet agneau ! », reconnut l’épouse. « Oui ! » admet le mari. »
Et au bout d’une semaine les parents tombent des nues quand le petit Karim se met à pleurer quand ils lui annoncent qu’ils vont le sacrifier. « Qu’est-ce qu’il a notre enfant ? Il n’est pas normal ? »
J’espère que vous comprendrez enfin ce qui ne va pas dans votre histoire. Monsieur Kadour Naimi, vous n’êtes vraiment pas psychologue si vous ne voyez pas ce qui ne va pas. Comme vous aimez donner des exemples en voici un : un patient va chez le médecin. On lui annonce qu’il a un cancer et qu’il va mourir. Le patient se met à pleurer. Le médecin dit : Pourquoi vous pleurez ? c’est normal de mourir. On meurt tous un jour ! Il n’est vraiment pas normal ce patient !
Cordialement,
Ali Boussouel
*
Cher Monsieur Boussouel,
en effet, l’enfant n’est pas “normal”, et voici pourquoi.
Contrairement à ses parents, qui sont totalement pris dans leurs préjugés religieux (ils trouvent normal d’offrir un agneau à leur enfant, pour, une semaine après, sacrifier cet animal – ce qui m’est arrivé et arrive à tous les enfants de parents de ce genre), contrairement donc à ses parents, l’enfant n’a AUCUN préjugé religieux, mais réagit UNIQUEMENT motivé par sa sensibilité qui n’admet pas de causer de souffrance à un animal, en plus devenu un ami.
Donc, en fait, ce n’est pas l’enfant qui n’est pas “normal” (lui est normal parce qu’il n’admet pas de violence sur une créature vivante), mais ses parents qui ne sont pas “normaux”, dans le sens où leur préjugé religieux les porte à un comportement contradictoire.
Néanmoins, ils ne le comprennent pas, parce que prisonniers de leur préjugé religieux (à savoir honorer Dieu par un sacrifice rituel traditionnel), ils croient se comporter de manière normale, tout en considérant que c’est leur enfant qui n’est pas normal.
En d’autre terme, et pour employer une comparaison, la situation est celle du fou qui prend les sains mentaux pour des fous. Cela a un nom : aliénation. Dans le cas de la nouvelle, elle est d’ordre religieuse.
Cordialement,
Kadour
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