DU BELLAY, Joachim – Poésies

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  • #145969
    VictoriaVictoria
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      DU BELLAY, Joachim – Poésies




      Heureux qui comme Ulysse





      Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
      Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
      Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
      Vivre entre ses parents le reste de son âge !

      Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
      Fumer la cheminée, et en quelle saison
      Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
      Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

      Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
      Que des palais Romains le front audacieux,
      Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

      Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
      Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
      Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

      #145970
      VictoriaVictoria
      Participant

        Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse



        Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,
        Qu’il n’était rien plus doux que voir encore un jour
        Fumer sa cherninée, et après long séjour
        Se retrouver au sein de sa terre nourrice.

        Je me réjouissais d’être échappé au vice,
        Aux Circés d’Italie, aux sirènes d’amour,
        Et d’avoir rapporté en France à mon retour
        L’honneur que l’on s’acquiert d’un fidèle service.

        Las, mais après l’ennui de si longue saison,
        Mille soucis mordants je trouve en ma maison,
        Qui me rongent le coeur sans espoir d’allégeance.

        Adieu donques, Dorat, je suis encor romain,
        Si l’arc que les neuf Soeurs te mirent en la main
        Tu ne me prête ici, pour faire ma vengeance.

        #145971
        VictoriaVictoria
        Participant

          Comme le champ semé en verdure foisonne




          Comme le champ semé en verdure foisonne,
          De verdure se hausse en tuyau verdissant,
          Du tuyau se hérisse en épi florissant,
          D’épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne :

          Et comme en la saison le rustique moissonne
          Les ondoyants cheveux du sillon blondissant,
          Les met d’ordre en javelle, et du blé jaunissant
          Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :

          Ainsi de peu à peu crût l’empire romain,
          Tant qu’il fut dépouillé par la barbare main,
          Qui ne laissa de lui que ces marques antiques

          Que chacun va pillant : connue on voit le glaneur
          Cheminant pas à pas recueillir les reliques
          De ce qui va tombant après le moissonneur.

          #145972
          VictoriaVictoria
          Participant

            Déjà la nuit en son parc amassait



            Déjà la nuit en son parc amassait
            Un grand troupeau d’étoiles vagabondes,
            Et, pour entrer aux cavernes profondes,
            Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait ;

            Déjà le ciel aux Indes rougissait,
            Et l’aube encor de ses tresses tant blondes
            Faisant grêler mille perlettes rondes,
            De ses trésors les prés enrichissait :

            Quand d’occident, comme une étoile vive,
            Je vis sortir dessus ta verte rive,
            O fleuve mien ! une nymphe en riant.

            Alors, voyant cette nouvelle Aurore,
            Le jour honteux d’un double teint colore
            Et l’Angevin et l’indique orient.

            #145973
            VictoriaVictoria
            Participant

              Las où est maintenant ce mespris de Fortune




              Las où est maintenant ce mespris de Fortune
              Où est ce coeur vainqueur de toute adversité,
              Cest honneste desir de l’immortalité,
              Et ceste honneste flamme au peuple non commune ?

              Où sont ces doulx plaisir, qu’au soir soubs la nuict brun
              Les Muses me donnoient, alors qu’en liberté
              Dessus le verd tapy d’un rivage esquarté
              Je les menois danser aux rayons de la Lune ?

              Maintenant la Fortune est maistresse de moy,
              Et mon coeur qui souloit estre maistre de soy,
              Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuyent.

              De la postérité je n’ay plus de souci,
              Ceste divine ardeur, je ne l’ay plus aussi,
              Et les Muses de moy, comme estranges, s’enfuyent.

              #145974
              VictoriaVictoria
              Participant

                Ô qu’heureux est celui qui peut passer son âge




                Ô qu’heureux est celui qui peut passer son âge
                Entre pareils à soi ! et qui sans fiction,
                Sans crainte, sans envie et sans ambition,
                Règne paisiblement en son pauvre ménage !

                Le misérable soin d’acquérir davantage
                Ne tyrannise point sa libre affection,
                Et son plus grand désir, désir sans passion,
                Ne s’étend plus avant que son propre héritage.

                Il ne s’empêche point des affaires d’autrui,
                Son principal espoir ne dépend que de lui,
                Il est sa cour, son roi, sa faveur et son maître.

                Il ne mange son bien en pays étranger,
                Il ne met pour autrui sa personne en danger,
                Et plus riche qu’il est ne voudrait jamais être.

                #142118
                VictoriaVictoria
                Participant
                  #145975
                  VictoriaVictoria
                  Participant

                    France mère des arts, des armes et des lois



                    France, mère des arts, des armes et des lois,
                    Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
                    Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
                    Je remplis de ton nom les antres et les bois.

                    Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,
                    Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
                    France, France, réponds à ma triste querelle.
                    Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

                    Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine,
                    Je sens venir l’hiver, de qui la froide haleine
                    D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

                    Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture,
                    Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
                    Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

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