Destin [Validé]

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  • #335581
    Christina SchwabChristina Schwab
    Participant

      Bonjour,
      J’aimerais bien partager le texte suivant si vous êtes d’accord,
      Merci beaucoup pour votre vote et bon lundi de Pentecôte,
      Christina

      Destin
      Flic, floc, flic, floc.
      Zut. Encore un (une ?) qui a mal refermé le robinet. Goutte à goutte, je suis la trajectoire de l’eau qui s’enfuit. L’évier en inox, le tuyau d’écoulement, les tréfonds de la maison, la terre, froide, noire. La terre, la mort ? L’humus, la forêt, la croûte terrestre. Jusqu’à la nappe phréatique. Je la suis en pensée ma goutte. Loin, si loin. Avec ses sœurs. D’abord ru, puis torrent, fleuve, embouchure, mer. Mère ? La grande bleue. Porteuse de tant d’espoirs, de tant d’attentes. Elle traverse, ma petite goutte. Elle arrive en Afrique et termine sa course tout au fond d’un puits dans ce village de brousse. Leila ? Samira ? Sont parties tôt ce matin. Elles ont mis sur leur tête le petit coussin sur lequel elles poseront l’outre à eau. Elles marchent sur le chemin. Le soleil n’est pas encore trop haut dans le ciel. Pendant plusieurs heures, elles cheminent avant d’arriver en vue du puits. Enfin, elles y sont. Un chatoiement d’étoffes, toutes ces couleurs ! Quelle agitation autour du puits de vie.
      Elles pépient, elles jacassent, un vol d’étourneaux, un troupeau d’oies, des mouettes rieuses. Elles racontent les nouvelles de leur village. La fille du chef de là-bas qui a épousé le fils du chef d’ici. Les fêtes ont été belles, elles ont duré des jours et des jours. On leur souhaite une belle et longue, très longue descendance. Laquelle d’entre elles a emporté ma goutte d’eau à moi sur son turban multicolore ? Je peux rêver encore très longtemps sur sa destinée et sur ce miracle qui fait que, bue, elle retournera à la terre, puis dans les nuages, et que s’écoulera ainsi, à l’infini, le grand cycle de la vie. Moi, je reste au bord de ce puits, près duquel un homme s’approche, soudain.
      Dans ses yeux, tout l’amour du monde. Dans son regard, toute la compassion. Alors, mue par une force intérieure, je parle. Je lui dis tout. Je me raconte. Qui je suis, ce que j’ai fait, ce que j’ai dit et jusqu’à mes moindres pensées, les plus secrètes, les plus honteuses, les meilleures comme les pires, les plus belles comme les plus laides. Je ne cache rien de mes petites hontes et de mes grandes misères. Et cela dure un temps infini. Et lui est là qui écoute patiemment. Qui me laisse parler, vider mon sac, mon outre. De temps en temps, il se penche, me donne à boire et je me sens bien. Heureuse. Comblée. Alors, comme je me sens importante, unique, j’en rajoute, j’insiste, un peu bêtement. Dans mon immense, mon incommensurable désir d’être acceptée, d’être aimée, je vais chercher plus loin encore au plus profond, au plus obscur de mon âme, de mon être, des choses que je n’aurais jamais cru pouvoir me rappeler, que je pensais évanouies à jamais, et je les pose là, devant lui, à ses pieds. Rien ne semble l’étonner de tout ce que je lui confie. C’est comme s’il me connaissait depuis toujours. Alors, enfin, je questionne, je m’intéresse. À lui cette fois. Mais qui es-tu ? Comment sais-tu ? Alors, lui se penche vers moi, qui n’avais pas vu qu’il était si grand. Il se met à mon niveau. Il me regarde droit dans les yeux et je suis, soudain, à la fois forte et fragile.
      Je sais me dit-il, parce que je suis.

      #335824
      Pauline PuccianoPauline Pucciano
      Maître des clés

        O

        #335985
        GaëlleGaëlle
        Maître des clés

          O

          #335986
          DomiDomi
          Participant

            O

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