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- 31 décembre 2024 à 19h45 #354519
Bonjour,
Je vous propose mon dernier livre intitulé « Des vies qui n’ont rien d’exceptionnel ». Le dernier, « La baignoire de Joséphine », que vous aviez eu la gentillesse d’accepter il y a un an, racontait un séjour familial aux Antilles en novembre 2015. Dans « Des vies qui n’ont rien d’exceptionnel », la narration débute en Bretagne, quelques mois plus tard, en août 2016. C’est la suite de la saga familiale que je « brode » depuis une vingtaine d’années. Je retiens le prétexte des vacances pour donner à voir le microcosme familial du couple des parents, des deux fils et de la petite amie du fils ainé . Mes livres s’apparentent au monologue intérieur ou à un journal pas particulièrement intime puisqu’il est destiné à être lu . Ils mettent la subjectivité de la narratrice au premier plan du récit. Ce livre-ci devrait durer , en lecture orale , environ 3 heures 30.Je vous remercie très sincèrement de votre attention… et si vous avez le courage , quelques extraits suivent plus bas….
Très amicalement …. et très belle fin d’année et année 2025 !!!!!
Alice
QUELQUES EXTRAITS :
*** 1 DEBUT DE LA PREMIERE PARTIE, « MESAVENTURES DE PRINTEMPS’ (P 9 A 13 SUR UN TOTAL DE 140 PAGES) LES AVENTURES DE PRINTEMPS EXTRAIT NUMERO 2
Mésaventure de printemps
Nine avait dû arrêter, en avril 2016, de prendre des anti-dépresseurs. Elle souffrait de réactions allergiques cutanées. Pendant deux mois, son humeur était restée la même. Puis elle se sentit, peu à peu et insensiblement, submergée par une eau noirâtre et visqueuse. La vie ne valait plus la peine d’être vécue. Elle n’avait plus envie d’agir ni d’être avec les autres. Elle était pourtant entourée d’amour conjugal et familial. Elle avait toute la liberté qu’elle pouvait souhaiter. Elle n’éprouvait pas d’inquiétude matérielle. Sa tristesse ne pouvait être expliquée. Elle en était d’autant plus malheureuse et elle descendit, l’un après l’autre, les degrés du désespoir. Elle reprit, de toute urgence, les médicaments. Elle préférait de beaucoup, les rougeurs et les démangeaisons à ce noir désespoir. Elle n’était pas à la hauteur. Autour d’elle, chacun demeurait debout, courageux, face à la vie. Son mari, ses garçons, n’ennuyaient personne alors qu’elle était en panne arrêtée sur le bord de la route. Elle se taisait. Elle ne se plaignait évidemment pas. Le marasme était de retour. Elle le connaissait bien et elle n’allait pas répéter à Roland, son mari, et aux garçons ses éternelles faiblesses. Elle devait trouver seule la solution. Ce ne fut pas compliqué. Elle renoua avec les pastilles blanches du matin qui n’entraînèrent pas, cette fois-ci, d’effets secondaires. Elle s’interrogea alors. Est-ce que ces réactions allergiques n’étaient pas, au fond, d’une certaine façon, comparables à celles d’une femme qui aurait oublié de prendre la pilule et dont l’oubli aurait été, inconsciemment, motivé par le désir de savoir s’il lui est possible d’attendre un enfant ? Est-ce qu’elle ne voulait pas, par hasard, s’assurer que ces médicaments lui étaient absolument nécessaires ? Elle en acquit la certitude. Pendant deux mois, du 15 avril au 15 juin, l’absence de médicaments n’avait pas altéré son humeur, puis, pendant la même durée, de mi-juin jusqu’à mi-août, elle avait lutté pied à pied pour retrouver un équilibre. Elle était de nouveau sous traitement mais la tristesse l’écrasait. Elle gardait le silence. La discrétion s’imposait. Elle avait un mari, Roland, un fils aîné, Marc, qui travaillaient. Le travail n’est pas toujours drôle. Elle avait un plus jeune fils, Simon. Il révisait ses examens qui auraient lieu à la fin du mois d’octobre. Elle ne pleurait pas. Elle agissait comme si la vie était douce. Son malaise était invisible. Elle connaissait sa vie par cœur. Elle était mariée depuis vingt-six ans. Son fils aîné avait vingt-cinq ans et son deuxième vingt-deux, qui vivait encore à la maison. Elle savait comment s’occuper. Elle fonctionnait apparemment tout à fait bien.
Roland travaillait mais l’ambiance était aux vacances. L’été parisien égrenait ses jours lumineux et tous deux s’offraient le plaisir de dîner au restaurant. Elle était comme d’habitude. Elle lui parlait. Elle lui racontait ses rencontres de la journée avec ses amis d’écriture. Ils jouaient aux échecs. Ils regardaient des films à la télévision. Elle était bien quand elle était avec lui, avec ses amis ou avec Simon, son plus jeune fils encore à la maison.. La tristesse, alors, restait enfermée dans sa boîte. Mais celle-ci ressurgissait quand Nine était seule. Sa compagne indésirable trônait, le matin, inamovible, à la même place. Et dans la journée aussi, avant qu’elle ne retrouve ses amis d’écriture. Elle leur donnait rendez-vous chez Raimo, le glacier de la place Daumesnil. En été, elle n’organisait plus ses ateliers hebdomadaires du jeudi. Elle avait proposé ce type de réunions, plus intimes et plus fréquentes. Elle évitait ainsi la solitude. Le combat avait duré deux mois pour que les comprimés redeviennent efficaces.
Nine avait involontairement expérimenté le sevrage chimique. L’absence de médicaments l’avait anéantie. Pendant ces deux mois d’été, elle avait retravaillé les textes qu’elle avait écrits en février 2012 et elle s’était comparée avec celle qu’elle était quatre ans plus tôt. Elle n’avait pas changé. Elle n’éradiquerait jamais la tristesse, qui était la matière intime dont elle était constituée. En 2012, elle expliquait ses soudains abattements par des contrariétés rencontrées au fil des jours. Un atelier d’écriture commercial (c’est-à-dire payant) l’avait blessée. Ce devait être la raison, extérieure, de son enlisement. Elle l’expliquait ainsi. Elle était en cela, au fond, relativement optimiste. De même, des événements extérieurs, tels une belle séance d’écriture avec des amis ou des conversations, intimes et transparentes, avec ces mêmes amis, la sortaient apparemment de son affliction. Elle se supposait, à l’époque, épargnée par la tristesse si les conditions extérieures lui étaient favorables. Mais, quatre ans plus tard, son environnement lui convenait tout aussi bien. Et le désespoir l’habitait. Elle était, comme en 2012, entourée d’une famille qu’elle aimait et d’amis présents et attentifs qui écrivaient avec elle. Son livre progressait aussi régulièrement qu’un régiment au pas cadencé un jour de fête nationale. Elle imaginait, en 2012, que sa vie, ainsi structurée, la protégeait de la tristesse. Elle ne le croyait plus. La tristesse était en elle, quoi qu’il en soit, dans tous les cas. La situation était-elle pour autant désespérée ? Évidemment non puisque les médicaments existaient. Sa vie aurait été terrible si elle était née en un autre siècle. Il lui suffisait de ne pas oublier, à l’avenir, qu’elle était ainsi faite, de tristesse. Cette meilleure connaissance d’elle-même représentait un réel progrès. ” Connais-toi toi-même ” : l’injonction n’était pas nouvelle.
Nine avait patiemment attendu les effets bénéfiques du traitement avec la ferme intention de se souvenir de sa souffrance. Celle-ci serait un jour révolue et lorsque surviendraient, plus tard, immanquablement, à un moment ou à un autre, des contrariétés extérieures, elle aurait en tête la détresse de ces dernières semaines et elle ferait en sorte, alors, de ne pas s’effondrer. Quels inopportuns tracas pourraient bien, par comparaison, mériter qu’elle sombre dans la détresse ? Le traitement chimique finirait, à terme, par équilibrer son humeur et d’éventuels futurs soucis n’auraient, dès lors, qu’à passer leur chemin. Elle ne se laisserait pas impressionner. N’était-ce pas, somme toute, une plaisante conclusion à sa mésaventure ?(…)*** DEBUT DU CHAPITRE 8, « UN AUTRE CADEAU » (P 57 A 62)
Un autre cadeau
Ses garçons n’étaient pas demeurés en reste. Ils lui avaient offert une liseuse. Nine les avait trouvés mignons et elle s’était amusée en constatant qu’ils s’étaient tous, cette année-là, et probablement sans se concerter, souciés de ses deux intérêts profondément personnels. Roland lui avait offert un ordinateur pour ses travaux d’écriture, Marc et Simon, une liseuse dont l’usage est bien connu.
En toute logique, Nine aurait dû posséder cet objet depuis longtemps. Elle passe sa vie à commander des livres sur internet et, lors d’un départ en vacances, ce type d’appareil présente des avantages incomparables. Il met à disposition une bibliothèque aussi vaste que modulable selon le désir du moment et dont l’encombrement n’excède pas celui d’un cahier d’écolier. Cette dernière qualité a son importance lorsque l’on connaît les critiques immanquablement répétées et sans nuances de Roland relatives au volume des bagages préparés par Nine. Mais le fait est qu’elle avait jusqu’à présent vécu sans recourir à cet évident progrès technologique obligeamment proposé par la société moderne. Elle ignorait qu’elle recevrait ce gentil cadeau le dix août, date de son anniversaire. Elle en ferait, à l’avenir, à coup sûr, un excellent usage mais elle n’avait pas attendu ce jour pour anticiper, du côté de la lecture, son départ pour la Bretagne. Elle avait d’ores et déjà commandé un certain nombre de livres « papier ».Elle était partie avec J’ai vu, le roman de Catherine Rihoit, sur la vie de Bernadette Soubirous, qu’elle avait commencé à lire dans le train entre Paris et Auray. Elle avait choisi en toute confiance. Elle se souvenait de La petite princesse de Dieu, du même auteur. Elle l’avait lu vingt ans plus tôt et les deux livres étaient probablement comparables. La petite princesse de Dieu retraçait la vie de Thérèse de Lisieux. Simon et Marc avaient trois et six ans lorsque Nine découvrait ce type de biographie « à la Catherine Rihoit », à la fois limpide et poétique, sensible et historique, intérieure et documentée, profonde et factuelle, spirituelle et rationnelle. Gilles, le frère jumeau de Simon, les avait quittés trois ans plus tôt. Il allait avoir deux mois. Il leur avait faussé compagnie. Il avait glissé, s’était faufilé, une nuit, sans bruit et sans prévenir. Il avait traversé la fine paroi, invisible à l’œil nu, mais toujours présente, infiniment proche. Il était parti. À jamais. On ne le rattraperait pas. C’était terminé. Fin de l’histoire. Amputation et déchirement avaient imposé leur violence sans guérison possible. On ne « récupérerait » rien (Marc avait trois ans. Nine lui avait expliqué. Gilles n’était plus là. Il avait demandé « Mais on va le récupérer ? »). Le vide, seul, restait. Le petit enfant, en devenir, n’aurait pas d’avenir, pas plus que ses parents ni ses frères, avec lui. Roland et Nine avaient découvert, un matin de janvier 1994, le voyage sans retour entrepris par leur petit, seul et en silence.
Est-il possible de supporter une telle souffrance ? Roland avait parlé à Nine. Il n’avait pas de doute. Il sentait ses grands-parents, vivants, en lui, passés eux aussi, comme leur petit enfant, au-delà de la frontière, ténue, que l’on ne traverse qu’une seule fois et dans un seul sens. Il les retrouverait (et Gilles aussi) de l’autre côté. La vie était si brève si l’on y réfléchissait. Il suffisait de la considérer en s’éloignant (un infime décalage suffisait) de notre perception habituelle, de retenir une mesure autre que celle de l’humain. La vie n’était-elle pas, au fond, un souffle, une ride qui naît au bord d’une rivière et disparaît ensuite, sans laisser de trace ?
Nine l’avait écouté. Elle lui faisait confiance. Elle ne s’était pourtant relevée qu’à grand-peine. «… si tu continues ainsi, lui avait-il dit un jour… toi et moi… ensemble… ça ne pourra plus aller… ». Nine s’était ressaisie, du mieux qu’elle avait pu.
*
Elle avait été surprise, un an après son mariage, par la naissance de son premier enfant. Elle était, à l’époque, si occupée (préoccupée aussi) par la découverte de la vie à deux qu’elle n’avait, à aucun moment, avant de consulter un médecin en raison d’une grande fatigue, pensé à un éventuel bébé qui lui aurait été offert, en son corps, discrètement et sans effort. Après la naissance de Marc, qui lui était apparue comme un don gratuit et magnifique, elle s’était prise à rêver, en secret (Roland y était opposé), d’avoir, un jour, jusqu’à trois enfants. Nine trouva alors incroyablement merveilleux le cadeau de la providence qui lui accorda justement, d’un coup d’un seul, l’immense faveur de deux petits garçons. Cette inimaginable perspective ne lui avait jamais, auparavant, traversé l’esprit.
Elle apprit la grande nouvelle lors de sa première échographie. De ce jour, elle ne marcha plus sur les trottoirs de Paris. Elle prenait alors quotidiennement le métro pour aller au travail. Elle s’élançait plutôt, elle planait même à quelques centimètres au-dessus du sol. Elle vécut ainsi jusqu’à la naissance de ses garçons. Nine pensait à eux, sans cesse, à ses deux petits, en elle, qui lui avaient ménagé cette lumineuse surprise. Ils grandissaient, facilement et tranquillement, et lui procureraient, bientôt, la joie de partager la vie de leur grand frère. Marc allait fêter ses trois ans.
Des jours identiques, d’un aérien bonheur, s’écoulèrent encore pendant les deux mois où Gilles fut présent à leurs côtés. A fleur de lèvres, Nine retenait un rire, à tout instant, jamais bien loin, à peine contenu. Elle était en congé maternité. Elle continuait à employer Martina, la dame qui avait gardé Marc à la maison depuis sa naissance et elle s’émerveillait, chaque jour, de sa chance aussi vaste que l’infini du ciel. Il n’était pas médiocrement futé de s’occuper, dans le même temps, de deux enfants. Que l’on donne un biberon à un enfant ou bien à deux, la différence était mineure. De même, si l’on changeait deux couches plutôt qu’une seule. Elle adorait.
Cette vie avait cessé. Roland lui avait parlé de sa foi (du ” charbonnier “, pensait Nine), solide et fondatrice comme un roc de granit. Il l’avait bousculée aussi, lui avait dit «… si tu continues ainsi… entre nous deux… ce ne sera plus possible… ». Nine s’était relevée. Elle avait repris la marche sur le chemin de sa vie, nourrissant toutefois le secret espoir de le convaincre, plus tard, d’avoir un troisième enfant. Elle attendrait deux ans. Elle lui parlerait alors, de cette joie, tapie au fond de son cœur. Elle lui dirait sa certitude que ce bonheur, latent en elle, pourrait un jour s’épanouir.
Roland fut intraitable. Nine lui avait tout dit. Elle avait expliqué. Elle avait développé. Elle avait argumenté et illustré. Elle avait pleuré, seule, dans le « jardin de l’église », à Champ-les-vignes, où était son enfant. Elle ne pouvait prononcer le mot usuel qualifiant le lieu qui accueille les disparus de ce monde. Le week-end, ils allaient dans ce joli coin de Seine-et-Marne où ils profitaient du jardin des parents de Roland. Et elle pleurait, près de lui, près de l’église, après des vacances passées en Espagne, cet été-là, en 1995. Elle lui confiait sa peine.
Puis elle se résigna. Roland refusait. Il était trop angoissé. Sa mauvaise vue avait, depuis sa petite enfance, façonné sa personnalité profonde. A six ans, il voyait mal. Il se sentait victime, sans en comprendre la raison, d’injustices criantes. Son extrême myopie en était la cause. Ses parents, pas plus que lui-même, n’en avaient conscience. À dix-huit ans, un décollement de rétine lui fit perdre un œil. La vision de son autre œil était faible. Les médecins lui annoncèrent qu’elle ne s’améliorerait pas. Elle se dégraderait même, immanquablement, au cours du temps. La menace de la cécité planerait, omniprésente, sur sa vie. Il sut alors, précisément, quel serait le contexte de son existence. Depuis cette date, il le garda en tête à tout moment et Nine se heurta, de front, à un refus catégorique. Il portait sur ses épaules la responsabilité de la vie matérielle de ses enfants et la responsabilité morale de leur éducation jusqu’à ce qu’ils deviennent des hommes. Il avait sereinement accepté la naissance de Marc qui, dans son esprit, faisait partie du « paquet cadeau » du mariage. Il n’avait ensuite cédé qu’à grand-peine au désir de Nine d’avoir un deuxième enfant. L’unique argument qui l’avait, en dernière extrémité, convaincu avait été celui de la tristesse qui pourrait accompagner l’enfance de son fils unique.
À l’annonce d’une future naissance gémellaire, il s’était senti floué par le destin. L’angoisse avait fondu sur lui. Il avait bien évidemment ensuite accepté ces deux petits êtres que la vie, sans qu’il ait eu son mot à dire, déposait sur son chemin. Mais, quant à décider, volontairement et consciemment, d’avoir un troisième enfant, il demeura inflexible. (…)*** DEBUT DU CHAPITRE 10, « DES VIES QUI N’ONT RIEN D’EXCEPTIONNEL » (P 72 A 74 ) :
Des vies qui n’ont rien d’exceptionnel.
Nine n’aurait su se satisfaire pendant ces quelques jours en Bretagne d’un unique livre susceptible de l’intéresser jusqu’au bout. Elle emporta donc dans ses bagages quelques romans de Barbara Pym qu’elle relirait avec plaisir. Cette auteure britannique, née en 1913, décédée en 1980, célibataire et sans enfants, avait achevé un premier roman à 22 ans, en 1936. Elle ne parvint à le faire publier qu’en 1950. Elle écrivit alors cinq romans qui parurent pendant les dix années suivantes. Puis elle connut, à partir de 1960, une véritable traversée du désert éditorial. En dépit du succès de ses livres, le milieu littéraire relégua ses écrits dans un passé considéré comme désuet. Barbara Pym continua cependant à écrire mais vit ses manuscrits refusés pendant quinze ans. En 1977, un article du Times qui la mentionna comme étant l’écrivain le plus sous-estimé du siècle entraîna la publication de l’un de ses romans. Celui-ci se classa immédiatement parmi les meilleures ventes. Suivirent alors, jusqu’en 1986, six autres parutions, dont les écrits qu’elle n’avait pas réussi à publier. Quatre d’entre elles furent des éditions posthumes.
Les livres de Barbara Pym ont pour cadre de modestes villages de la campagne anglaise et parfois également certains quartiers de Londres. Ses personnages gravitent autour d’un pasteur, de son épouse (s’il est marié), de ses enfants (s’il est père de famille) et de nombre de ses paroissiens. Une femme, relativement jeune (dans les premiers livres de l’auteure), puis plus avancée en maturité (dans les romans postérieurs), non encore mariée mais ne désespérant pas de le devenir, figure, en sus du pasteur, l’autre personnage systématiquement présent au sein de ces existences apparemment ternes et banales.
Le respect des règles sociales, de courtoisie ou de morale communément admises, diverses réceptions autour d’une tasse de thé ou d’un verre de sherry avec petits gâteaux et sandwiches au concombre, la vie d’une petite paroisse avec l’organisation de ses fêtes de bienfaisance et ses tâches liées à la décoration ou au nettoyage de l’église, une histoire d’amour conduisant parfois à un mariage, contribuent au charme de ces romans. Une invitation à dîner est un sujet éminemment sérieux. Proposera-t-on du poisson ou de la viande (blanche ou rouge, la question se pose) alors que seront présents parmi les convives une, ou voire plusieurs personnes, du sexe masculin, et qui devraient donc selon toute probabilité être dotées d’un solide appétit.
Barbara Pym souligne l’aspect prosaïque de l’existence. Elle ne propose pas de vastes envolées lyriques ni d’amples développements poétiques qui risqueraient de fausser la réalité qu’elle souhaite exprimer. Point d’exagérations de sentiments qui auraient tendance à faire douter le lecteur de leur existence même. Ces romans, typiquement anglais, ne suscitent ni ennui ni tristesse ou dessèchement de l’âme grâce au regard décalé, à l’humour et à la profonde humanité de l’auteure.
Les personnages principaux, immanquablement féminins, n’affirment pas une personnalité particulièrement flamboyante. Ces femmes respectent des normes sociales précisément définies. Cependant, si ces personnages féminins se trouvent au premier plan de menus événements narrés au quotidien, les hommes obéissent au même conformisme social. Ils ne sont, pas plus que les femmes, gratifiés d’éclatants et rarissimes talents. Barbara Pym s’intéresse à ceux qui n’ont rien d’exceptionnel et mènent une vie encadrée par les conventions d’usage, cette attitude n’excluant cependant pas l’intérêt envers son prochain, qui existe bel et bien dans cet univers jalonné de contraintes. L’on se recherche, humainement, en dépit des restrictions et obligations environnantes. L’on ne désespère pas. (…) - AuteurMessages
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