COLIN MUSET – Sire Cuens, j’ai viélé
Chanson du jongleur Colin Muset, XIIIe siècle.
Sire Comte, j’ai viellé
Devant vous en votre demeure
Et ne m’avez rien donné
Ni mes gages acquittés
C’est vilenie !
Foi que dois à Marie
Je ne vous servirai mie
Mon aumônière est mal garnie
Et ma bourse mal farcie.
Sire Comte, vous exigez
Ce que vous voulez de moi ;
Et si mon chant appréciez
Un beau don lors me donnez
Par courtoisie.
Il me faut n’en doutez mie
Retournez en ma mesmie
Si ma bourse est dégarnie
Ma femme ne me sourit mie.
Mais me dit « Sire Empoté,
En quel lieu avez été
Que n’avez rien gagné ?
Vous avez trop musardé
De part la ville.
Trop votre besance plie !
Elle est bien de vent farcie
Honni soit qui garde envie
D’être en votre compagnie ».
Quand j’arrive à ma maison
Ma femme a-t-elle aperçu
Par derrière un sac enflé
Et que je suis bien habillé
De robe grise.
Sachez qu’elle pose vite
La quenouille. Sans feintise
Elle me sourit. Par franchise
Ses deux bras au cou me lie.
Lors ma femme va vider
Mon sac sans plus tarder
Mon garçon va abreuver
Mon cheval et l’étriller.
Ma servante va chercher
Deux chapons pour me fêter
Et les épices.
Ma robe apporte ma fille
En ma main par courtoisie.
Lors suis de mon hôtel sire
Et j’y puis chanter et rire
Plus que nul ne saurait dire.