CATULLE – Poésies

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      CATULLE – Poésies

      Traduction : Charles Héguin de Guerle (début XIXe siècle).


      À Lesbie

      Tu me demandes, Lesbie, combien de tes baisers il faudrait pour me satisfaire, pour me forcer à dire : Assez ? Autant de grains de sable sont amoncelés en Libye, dans les champs parfumés de Cyrène, entre le temple brûlant de Jupiter et la tombe révérée de l’antique Battus ; autant d’astres, par une nuit paisible, éclairent les furtives amours des mortels, autant il faudrait à Catulle de baisers de ta bouche pour étancher sa soif délirante, pour le forcer de dire : Assez. Ah ! puisse leur nombre échapper au calcul de l’envie, à la langue funeste des enchanteurs !

       

      Au passereau de Lesbie

      Passereau, délices de ma jeune maîtresse, compagnon de ses jeux, toi qu’elle cache dans son sein, toi qu’elle agace du doigt et dont elle provoque les ardentes morsures, lorsqu’elle s’efforce, par je ne sais quels tendres ébats, de tromper l’ennui de mon absence ; puissé-je me livrer avec toi à de semblables jeux, pour calmer l’ardeur qui me dévore, et soulager les peines de mon âme. Ah ! sans doute, ils seraient aussi doux pour moi que le fut, dit-on, pour la rapide Atalante, la conquête de la pomme d’or qui fit tomber enfin sa ceinture virginale.

       

      La mort du passereau

      Pleurez, Grâces ; pleurez, Amours ; pleurez, vous tous, hommes aimables ! il n’est plus, le passereau de mon amie, le passereau, délices de ma Lesbie ! ce passereau qu’elle aimait plus que ses yeux !

      Il était si caressant ! il connaissait sa maîtresse, comme une jeune fille connaît sa mère : jamais il ne quittait son giron, mais sautillant à droite, sautillant à gauche, sans cesse il appelait Lesbie de son gazouillement.

      Et maintenant il suit le ténébreux sentier qui conduit aux lieux d’où l’on ne revient, dit-on, jamais. Oh ! soyez maudites, ténèbres funestes du Ténare, vous qui dévorez tout ce qui est beau ; et il était si beau, le passereau que vous m’avez ravi !

      O douleur ! ô malheureux oiseau ! c’est pour toi que les beaux yeux de mon amie sont rouges, sont gonflés de larmes.

       

      Fletus passeris Lesbiae (dit en latin)

      Passer, deliciae meae puellae,
      Quicum ludere quem in sinu tenere,
      Cui primum digitum dare appetenti,
      Et acris solet incitare morsus,
      Cum, desiderio meo nitenti,
      Carum nescio quid lubet iocari
      Et solaciolum sui doloris,
      Credo ut tum grauis acquiescat ardor,
      Tecum ludere sicut ipsa possem
      Et tristis animi leuare curas !

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