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- 2 octobre 2023 à 9h17 #339057
Bonjour à tous,
Et un grand merci d’avoir validé mes deux dernières propositions.
Je n’ai pas terminé Faustine 1 mais je peux vous proposer un nouveau texte court.
J’espère qu’il vous plaira.
Bonne semaine à tous!
Cordialement,
ChristinaAllo Maman, j’ai peur !
Gare de Genève, avril 2014.
Ils l’ont vu venir, dodu comme un pigeon, le petit quarantenaire blond avec son beau sac à dos rouge. Dans leur belle guitoune baptisée : Numéro 1 de la Sécurité des Masses ! Ils l’ont vu venir avec ses gros sabots, son air naïf et son joli portefeuille rembourré. Ils avaient une belle documentation, beaucoup de lumières clignotantes, des boîtes en plastique de différentes tailles avec des fils qui ressortaient, des superbes claviers aux numéros bien dessinés, et des stylos en acier pour signer des contrats en béton.
Ils se sont fait un devoir de le mettre au courant de tous les dangers qui menaçaient notre civilisation et même notre société. « Et en plus vous habitez près de la frontière ? Non mais, vous rendez-vous compte à quel point vous êtes une proie facile pour les cambrioleurs de tout poil qui n’auront que trois petits kilomètres à parcourir une fois votre maison vidée ? » Ils se fichent pas mal que les valeurs du pauvre garçon, outre la maison qu’il habite, ne soient constituées que de deux ou trois objets anciens – une vieille horloge neuchâteloise, une collection de boîtes à musique –, absolument invendables. Ils ne veulent pas savoir que rien de tout cela ne saurait intéresser un cambrioleur moderne digne de ce nom. Pas fou ce dernier, qui ne ramasse que le cash, l’électronique haut de gamme, les bijoux et montres, et les derniers modèles de pommes. Comment diable pourrait-il refourguer lesdites horloge et boîtes à musique, toutes deux des pièces uniques ? Il faut avoir fait des études pour en connaître la valeur, et les études justement…
Alors voilà, en deux temps, trois mouvements, emballé c’est pesé, notre joli pigeon roucoule, tout content d’avoir trouvé, dans son immense solitude de célibataire livré à lui-même, une oreille compatissante et bonne conseillère pour ses futurs malheurs. Rendez-vous est pris et, dans quelques jours, vacances obligent, un malabar cravaté et soudé à son attaché-case (on n’est jamais mieux protégé que par soi-même) viendra lui faire signer les documents qui le lieront, pour une période de cinq ans incompressible, à ses samaritains.
Certes, il possède une jolie petite fortune, léguée par ses parents, et qu’il s’est engagé à dilapider, au mieux de ses compétences, pour le grand plaisir de ses amis banquiers. Mais dès demain, chaque misérable sou gagné dans le petit boulot qui l’occupe en l’exploitant trois jours par semaine, va servir à payer l’onéreux système d’alarme gardien de ses inestimables biens. Qu’il est rassurant de savoir pour qui l’on travaille. Qu’il est rassurant d’avoir un but dans la vie !
Deux mois plus tard. L’installateur est arrivé ce matin à neuf heures. J’essaie, à grand peine, de savoir où je me situe dans tout cela. C’est difficile, parce que je sens la colère monter en moi, inexorablement. Si cela dépendait de ma volonté, je les poursuivrais ces gens-là pour « abus de faiblesse ». Mais comment empêcher de boire un âne qui a soif ? Puisque, de toute évidence, leur victime est contente de l’être. Quant à moi, personne ne m’a demandé mon avis. À moi qui n’ai plus rien à voler depuis que mes petits ont quitté le nid familial. Et quelle femme serait assez bête pour vouloir de mon artiste de mari qui n’expose pas ses tableaux, ne les vend pas, sans parler de les signer ! Je n’ai donc rien à voler, et je supporte mal que l’on m’impose cette intrusion en s’imaginant me faire un immense cadeau. De quel droit pénètre-t-on dans mon intimité pour essayer de m’inoculer des peurs qui ne me concernent pas ? Pour m’empoisonner avec des angoisses étrangères ? Des réminiscences de fait-divers, de journaux télévisés malsains, de propagande d’assureurs véreux ? Je ne souhaite pas entrer dans cette spirale. Notre époque est ce qu’elle est, mais en regard de bien d’autres, passées et à venir, elle reste à mes yeux l’une des plus propices à la joie de vivre et au bonheur partagé.
En regardant, tout au long de cette journée spéciale, travailler le poseur d’alarmes commandité par notre propriétaire, je ressens, en outre, une infinie tristesse. Comment des êtres humains peuvent-ils en arriver à être réduits à escroquer leurs semblables ? J’imagine le petit crabe qui tente désespérément de sortir de son panier après être monté sur tous les autres. Il faut bien se nourrir n’est-ce pas ? Traire les vaches tant qu’elles ont du lait. Se faire sa place au soleil.
Et puis, finalement, sortant ma plume de l’encre de mon ressentiment, je détourne les yeux, décide de laisser faire la nature, et regarde s’éloigner la grosse Mercedes noire de notre nouveau protecteur.3 novembre 2023 à 12h30 #339763Bonjour chère Christina,
Malheureusement, malgré son humour et son actualité toujours appréciés, ce texte-ci n’a pas convaincu suffisamment de membres de notre comité. Nous vous enverrons personnellement un compte-rendu de lecture. À très bientôt !
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