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Bonjour,
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt cet échange…
Je me demande ce qui motive les personnes qui proposent de telles technologies. L’argent ? J’ai quelques doutes sur la réelle validité lucrative de la chose sur le long terme : l’argent, en matière de numérique, on sait qu’il tombe toujours à peu près dans les mêmes poches. Dans le domaine de la technologie comme dans celui de la science, il me semble que les humains sont poussés à repousser des limites par une sorte d’arrogance. Il est toujours trop tard pour se poser les bonnes questions. Des questions éthiques, en définitive.
Personnellement, j’ai fait carrière d’artiste peintre et illustrateur, avant de faire des choix de vie qui m’ont quelque peu obligé à faire passer cette activité au second plan. Si je m’adonne aujourd’hui à l’art numérique (j’ai été un artiste on ne peut plus traditionnel tout au long de ma vingtaine d’années d’activité, avec force toiles et pinceaux !), les oeuvres que je produis n’en reste pas moins faites de “main d’homme”. Artisanales, en quelques sortes ! L’ordinateur n’étant ici, après tout, qu’un outil intervenant au stade final de la conception, comme pourrait l’être le crayon ou le pinceau, offrant d’autres perspectives et certaines possibilités ou facilités.
Tout cela pour dire que je suis moi aussi à la fois amer et très inquiet de voir avec quelle rapidité l’intelligence artificielle colonise le domaine des arts, qu’ils soient visuels, musicaux, ou autres. Certaines personnes produisent littéralement des oeuvres “au kilo”, grâce à l’IA, quand il faut des jours ou des semaines à un pauvre être humain pour en produire une seule. Des oeuvres extrêmement flatteuse esthétiquement, ce qui les rend plus attirantes pour le public commun.
C’est là le risque, selon moi : une perte du sens du jugement esthétique, et de la connaissance que cette esthétique ne peut se fonder sur du vent. Toute oeuvre est construite autour d’une idée, d’une réflexion. Si celle-ci est le fruit d’un réseau de courants électriques et de données numériques, peut-elle toujours prétendre au titre d’oeuvre d’art ? Et puis, qu’en sera-t-il dans l’esprit du public de cette chose particulièrement humaine et fondamentale dans le domaine des productions artistiques comme dans les plus triviales occupations quotidiennes : l’imperfection, la faillibilité, l’empreinte si émouvante de notre part la plus animale !
Donc, cher Vincent, si dans le fond je pense un peu comme vous, concernant le fait que nous ne cherchons pas la célébrité, que nous nous faisons plaisir en priorité ; d’un point de vue plus global, je crois qu’il existe un grand danger pour l’intégrité de l’humanité dans cette invasion de l’IA. Car : peut-il y avoir de l’art sans humain ? Bien qu’aujourd’hui, la majorité des gens aient tendance à penser que ce n’est pas si grave, qu’il ne s’agit que de domaines de l’ordre du divertissement, très en marge de nos vies, un jour ou l’autre, ces questions ne seront plus facultatives.
Mais bien sûr, il risque une fois de plus d’être trop tard…