Répondre à : COLLODI, Carlo – Pinocchio

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#153021
PommePomme
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    Chapitre 9

    Quand il eut fini de neiger, Pinocchio, son beau livre de lecture neuf sous le bras, prit la rue qui menait à l’école. Et, tout en marchant, il imaginait mille châteaux en Espagne, plus beaux les uns que les autres :

    Et il se disait :

    – Aujourd’hui, à l’école, je vais tout de suite apprendre à lire. Demain, j’apprendrai à écrire. Et après-demain, j’apprendrai les chiffres et le calcul. Puis, avec tout ce que je saurai, je gagnerai beaucoup d’argent, et, avec mes premiers sous, j’achèterai à mon papa un beau pardessus en drap. Mais pourquoi en drap ? Je veux qu’il soit tout d’or et d’argent, avec les boutons en diamants. Et il le méritera. Parce que, pour m’acheter le livre de lecture, il a vendu sa veste et il est resté en manches de chemise. Par ce froid ! Il n’y a pas beaucoup de papas qui seraient capables d’un tel sacrifice !

    Pendant qu’il disait ça, il entendit dans le lointain une musique de fifres et des coups de grosse caisse : Pi, pi, pi, zoum, zoum, zoum !

    Il s’arrêta net pour écouter. Ces sons provenaient d’une longue rue qui conduisait à une petite place installée sur la plage.

    – Qu’est-ce que c’est que cette musique ! Quel dommage que je sois obligé d’aller à l’école, sinon…

    Il hésitait. Il fallait se décider. Soit aller à l’école, soit aller écouter les fifres.

    – Aujourd’hui, j’irai écouter les fifres et demain, j’irai à l’école. Pour aller à l’école, on a toujours le temps ! dit finalement ce coquin, en faisant une cabriole.

    Sitôt dit, sitôt fait. Il enfila la rue et se mit à courir à toutes jambes. Plus il courait et plus il entendait le son des fifres et de la grosse caisse : pi, pi, pi, pi, zoum, zoum, zoum, zoum.

    A la fin, il se trouva dans une place remplie de gens, qui se pressaient autour d’une grande baraque de bois et de toile peinte de mille couleurs vives.

    – Qu’est-ce que c’est que cette grosse baraque ? demanda Pinocchio, en se tournant vers un petit garçon qui était à côté de lui.

    – Lis l’affiche où c’est écrit, et tu le sauras.

    – Je le lirais volontiers mais, justement, aujourd’hui, je ne sais pas lire.

    – Quel âne ! Alors, je vais te la lire. Sache donc que sur cette affiche, en lettres rouges comme le feu, il y a écrit : Grand Théâtre de Marionnettes

    – Et ça commence quand ?

    – Le spectacle commence tout de suite !

    – Ça coûte combien pour entrer ?

    – Quatre francs.

    Pinocchio, mort de curiosité, perdit toute retenue et dit sans honte au petit garçon qui lui parlait :

    – Tu peux me prêter quatre francs jusqu’à demain ?

    – Je te les donnerais volontiers, dit l’autre en se moquant de lui, mais justement, aujourd’hui, je ne peux pas.

    – Pour quatre francs, je te vends ma veste.

    – Que veux-tu que je fasse d’une veste de papier ? Dès qu’il pleuvra un peu, il n’y aura plus qu’à la jeter.

    – Veux-tu acheter mes chaussures ?

    – Elles ne sont bonnes qu’à allumer le feu !

    – Et mon béret ?

    – Belle acquisition, vraiment ! Un béret en mie de pain. C’est juste bon pour que les souris viennent me le manger sur la tête.

    Pinocchio était sur des charbons ardents. Il avait envie de faire une dernière offre, mais il n’en avait pas le courage. Il hésitait, mais il avait tellement envie de voir le spectacle qu’à la fin, il dit :

    – Veux-tu me donner quatre francs d’un livre de lecture tout neuf ?

    – Je suis un petit garçon, et je n’achète rien aux autres garçons, lui répondit le gamin, qui avait plus de cervelle que lui.

    – Pour quatre francs, je te le prends, moi, ton livre de lecture, cria un chiffonnier, qui se trouvait à côté et qui avait entendu la conversation.

    Et le livre fut vendu ! Quand on pense que ce pauvre homme de Geppetto était resté chez lui, tremblant de froid, en manches de chemise, pour acheter le livre de lecture !

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