Répondre à : RONSARD, Pierre (de) – Poésies

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#146207
VictoriaVictoria
Participant

    Quand je suis vingt ou trente mois


    Quand je suis vingt ou trente mois
    Sans retourner en Vendômois,
    Plein de pensées vagabondes,
    Plein d’un remords et d’un souci,
    Aux rochers je me plains ainsi,
    Aux bois, aux antres et aux ondes.

    Rochers, bien que soyez âgés
    De trois mil ans, vous ne changez
    Jamais ni d’état ni de forme ;
    Mais toujours ma jeunesse fuit,
    Et la vieillesse qui me suit,
    De jeune en vieillard me transforme.

    Bois, bien que perdiez tous les ans
    En l’hiver vos cheveux plaisants,
    L’an d’après qui se renouvelle,
    Renouvelle aussi votre chef ;
    Mais le mien ne peut derechef
    R’avoir sa perruque nouvelle.

    Antres, je me suis vu chez vous
    Avoir jadis verts les genoux,
    Le corps habile, et la main bonne ;
    Mais ores j’ai le corps plus dur,
    Et les genoux, que n’est le mur
    Qui froidement vous environne.

    Ondes, sans fin vous promenez
    Et vous menez et ramenez
    Vos flots d’un cours qui ne séjourne ;
    Et moi sans faire long séjour
    Je m’en vais, de nuit et de jour,
    Au lieu d’où plus on ne retourne.

    Si est-ce que je ne voudrois
    Avoir été rocher ou bois
    Pour avoir la peau plus épaisse,
    Et vaincre le temps emplumé ;
    Car ainsi dur je n’eusse aimé
    Toi qui m’as fait vieillir, Maîtresse.

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