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Livre I, Élégie 11 : À Cynthie
Quand tu t’arrêtes, Cynthie, sur les collines de Baies ; quand tu parcours le sentier tracé par la main d’Hercule ; ou bien quand tu admires et le cap célèbre de Misène, et les flots soumis à l’empire des fils de Thesprotus, te rappelles-tu, dis-moi, et mon amour et nos nuits charmantes ? Me conserves-tu, si loin de moi, quelque espoir ? ou faut-il que, par ses feux mensongers, un rival inconnu t’arrache, ô ma Cynthie, à mes tendres vers ? Ah ! plutôt qu’une barque fragile et qu’une faible rame t’arrête sur le Lucrin, ou que l’eau facilement coupée sous ta main te retienne captive, malgré tes efforts, au milieu des flots mobiles ! Quoi ! mollement couchée sur le rivage silencieux, tu écouterais les doux propos d’un autre amant ! Ainsi une amante perfide succombe loin des yeux qui veillaient sur elle, et souvent ne pense plus aux dieux, témoins de son parjure.
Mais de tels soupçons, ô ma Cynthie, n’ont pour fondement ni la renommée ni mes sens ; ils sont le fruit d’un amour qui craint jusqu’à son ombre. Pardonne-moi donc si mes vers t’ont causé quelque peine, et n’en accuse que mes frayeurs. Ma vigilance pour toi ne dépasse-t-elle pas les soins d’une mère chérie ? Sans toi, la vie aurait-elle encore quelque charme ? Toi seule es ma patrie, toi seule es ma famille ; c’est toi qui fais en tout temps mon allégresse. Que mes amis me voient triste ou joyeux, ce que je suis, leur dirai-je, Cynthie en est la seule cause. Mais abandonne au plus tôt les rivages corrupteurs de Baies, ces rivages qui sèmeront les querelles entre tant d’amants, ces rivages, l’écueil éternel de la pudeur et de la fidélité. Ah ! périssent, à jamais des eaux que réprouve l’Amour !