Bartholomeus Strobel - La Décollation de saint Jean-Baptiste et le Banquet d'Hérode (XVIIe siècle), détail

Historiettes : Gens sauvés ou guéris par moyens extraordinaires

Gédéon Tallemant des Réaux (1619-1692) fut un observateur impitoyable des mœurs de son siècle et un fin conteur. Il nous montre le Grand Siècle sans fard, tel qu’il fut vraiment, et non comme on a longtemps voulu nous le montrer. Quand paraissent les Historiettes en 1834-1835, après que le manuscrit eut sommeillé pendant plus d’un siècle dans la bibliothèque de ses héritiers, c’est aussitôt le scandale, et on crie au faux. Mais plusieurs générations d’historiens nous ont au contraire confirmé la véracité de leur contenu. Très documenté, Tallemant des Réaux œuvre en véritable historien, et ses Historiettes sont un régal.

« M. d’Aubigny, de la maison des Stuarts, cadet du Duc de Lennox, logeant au faubourg Saint-Germain dans une maison des Jacobins réformés, qui avait une entrée dans leur jardin, l’été, un soir, sans savoir que deux dogues d’Angleterre, qui gardent leur enclos, eussent été lâchés une demi-heure plus tôt que de coutume, entre sous un berceau qui n’était pas loin de son logement. Les chiens le sentent et lui coupent chemin. Il ne perdit point pourtant le jugement ; et, sachant que cette sorte de chiens principalement ne se jette guère sur ceux qui ne témoignent point de peur, il ne fuit point, et avertit un homme qui était avec lui ; puis il se met à les caresser en anglais. Il y en eut un qui s’apprivoisa aussitôt ; l’autre gronda toujours ; cependant il eut le loisir de gagner la porte. Ces mêmes chiens attrapèrent la jambe d’un voleur de fruits qui se sauvait par-dessus le mur, le tirèrent à bas et l’étranglèrent. Les moines jetèrent le corps par-dessus le mur dans la rue : il n’en fut autre chose. » (1650).

Je ne saurais que trop vous recommander la très belle édition de La Pléiade qui a servi de base à mon travail.


Remarques :

Consulter la version texte de ce livre audio : texte sur Gallica ; traduction en français moderne.

Références musicales :

Jean-François Dandrieu, Le Ramage, interprété par Isabelle Nef, extrait de l’album Les clavecinistes français des XVIIe et XVIIIe siècles (1955, domaine public).

Licence d'utilisation : Réutilisation du livre audio soumise à autorisation préalable.
Livre audio gratuit ajouté le 30/01/2013.

10 Commentaires

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  1. Merci pour votre lecture de cet écrivain à découvrir ou à redécouvrir. Ses “Historiettes” sont de petits bijoux de verve satirique, paillarde, libre, où (presque) personne n’est épargné.

  2. Bonjour Denis,

    Merci pour votre commentaire. Trois historiettes (La Fontaine, Pascal et Ninon de Lenclos) lues par M. Depasse viendront très prochainement s’ajouter à celle-ci. J’espère qu’elles combleront votre attente et vous permettront de mieux connaître cet auteur.

    Amitiés,

    Ahikar

    « Henry IIIe fit bien pis à une illustre courtisane. Il coucha une nuict avec elle ; le lendemain elle faisoit l’entendue et disoit à tout le monde qu’elle avoit couché avec les Dieux. – Mais, luy dit quelqu’un, les Dieux font-ils mieux que les hommes ? – Ils payent mieux, dit-elle, mais ils ne font que cela ; patience, 1.200 escus d’or sont bons. Le Roy le sçeut et luy fit passer douze Suisses sur le corps à cinq solz pièce. – Cette fois-là, dit-il, elle pourra se vanter d’avoir esté bien foutue et mal payée. » (Tallemant des Réaux, Henri Quatriesme)

  3. Bonjour Colin,

    Je suis très heureux que vous ayez apprécié le bien court extrait de l’œuvre de ce grand mémorialiste. Son dessein était « d’escrire tout ce [qu’il a] appris et [qu’il apprendra] d’agréable et de digne d’estre remarqué », et de « dire le bien et le mal sans dissimuler la vérité ». J’aime ces grands esprits sans concession qui ont fait choix de dire la vérité, quitte à subir un siècle de purgatoire comme Tallemant des Réaux.

    Il manque à mon avis une édition en français moderne de ce grand mémorialiste ; il serait alors à n’en pas douter beaucoup plus lu.

    Bien amicalement,

    Ahikar

  4. Bonjour ,

    Un seul mot ‘gourmandises’ merci

    Dans l’attente de textes aussi extraordinaires que ce que vous appelez historiettes .

  5. Merci Pascale pour votre commentaire,

    J’ai été séduit moi aussi par l’art de Jean-François Dandrieu. J’ai d’ailleurs mis le morceau en entier (3 min) à la fin de l’enregistrement. Si vous cliquez sur le lien “Le Ramage” dans Références musicales, vous accéderez au disque sur lequel figurent d’autres très grands clavecinistes comme Jacques Champion de Chambonnières ou encore Jean-Henri d’Anglebert.

    Au plaisir de vous lire,

    Ahikar

  6. BONJOUR, AH! merci de toutes ces précisions “AHIKAR”… Je ne connaissais (orth?)pas Jean-François DANDRIEU non-plus… que de découvertes… MERCI. PASCALE

  7. Bonsoir à tous les auditeurs,

    Tallemant des Réaux n’étant pas encore présent sur le site, j’ai eu envie de proposer une lecture de cet important auteur du XVIIe siècle qui n’hésite pas à fustiger les grands de ce monde.

    Pour une meilleure intelligence du texte j’ai fait le choix de le mettre en français moderne.
    Par exemple j’ai écrit « Le cordonnier ronchonnait » là où le texte donne « Le cordonnier rongnonnoit », sachant que l’Encyclopédie Universelle donne : « Rongnonner (1556) Normandie; de rogner ♦ Fam. Vx Grommeler, manifester son mécontentement en bougonnant.
    En revanche j’ai laissé le verbe « desconner » dans la phrase « …pour espargner un soû il le luy faisoit deux fois sans desconner », parce que le verbe déconner –si courant de nos jours– signifiait autrefois se retirer du con (du sexe) d’une femme, une fois l’acte sexuel accompli.
    L’auteur emploie aussi l’expression « vaches à laict » dans la phrase « Elle distribua une grande quantité de vaches à laict » : il est évident qu’il s’agit ici d’écoulement vénérien comme le dit Antoine Adam. Autrement l’expression « vache à lait » était courante au XVIIe siècle, et désignait une personne de laquelle on recevait de grands bienfaits, percevait de grands appointements, dont on était entretenu, comme par exemple dans le Bourgeois gentilhomme (« Cet homme fait de vous une vache à lait » (Madame Jourdain, scène 4, acte III)).

    J’espère que ces quelques précisions vous permettront de mieux apprécier le texte.

    Je vous souhaite une bonne lecture,

    Ahikar

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