Charles-Edmond Chojecki (1822, est de la Pologne -1899, Paris) était un écrivain et journaliste polonais, exilé par les Russes, installé en France en 1844 ; il voyagea en Europe, séjourna au Caire, s’intéressa à l’égyptologie, fut reçu par l’Arménien francophone Nubar Pacha, futur premier ministre d’Égypte et entretint avec Mme Nubar Pacha une abondante correspondance amicale.
Huit ans après son séjour au Caire, Charles Edmond (il prend souvent ses prénoms comme pseudonyme) se rend à Venise, ville fréquentée quelques années auparavant par son amie et veut lui envoyer un cadeau original ; il se décide pour une boîte à bijoux ordinaire avec, comme contenu, un Conte vénitien fantastique qui en fait tout le prix… et il résout ainsi l’énigme qui lui fut posée par un vieillard vénitien dans une joute archéologique.
La publication de ce conte a été suggérée par deux auditeurs, dont M. Emmanuel Desurvire, descendant du romancier dont il a écrit une historiographie complète et auquel il a dédié ce site.
Découvrant votre échange sur le “conte vénitien”, et constatant qu’il subsisterait un peu (?) de confusion sur la morale de l’histoire, je souhaite apporter ici un commentaire qui j’espère pourra vous éclairer davantage.
Rappelons ici qu’il ne s’agit que d’une correspondance, en forme d’offrande et de boutade facétieuse à la fois, de Charles Edmond à Mme Nubar-Pacha. L’auteur revient juste d’un voyage à Venise passé en compagnie de Renan, Schérer et Hébrard. Il est vraisemblable que sa lettre fût accompagnée d’une petit coffret à bijoux ; mais le vrai cadeau dans le cadeau, c’est la lettre.
Mme Nubar-Pacha lui a répondu, un mois plus tard. Voici la teneur de sa réponse : « Mon cher Charles Edmond, quelle agréable surprise vous m‘avez faite en écrivant pour moi ce petit chef d’œuvre tout palpitant d’intérêt ; un vrai chef d’œuvre : il est charmant, vous ne sauriez croire comme j’ai été touchée en le recevant. J’ai été bien attrapée, je le lisais tout le temps avec émotion croyant que c’était vrai ; d’ailleurs je ne suis pas la seule ; cela a causé le même effet sur tous ceux qui l’ont lu, même son excellence Tigrane bey, premier secrétaire du ministère des affaires étrangères et chef du bureau européen qui malgré ses hautes fonctions et son flegme anglais, s’est laissé toucher au vif par votre récit charmant et de sentir se réveiller en lui ses instincts d’antiquaire ; déjà il se préparait à me faire son cours et voyait en imagination son musée s’enrichir des faux cols de Moïse de Khorène, des bretelles du patriarche Noé et des revolvers de Tigrane V. Jugez donc de son désappointement arrivé à la fin, il s’est laissé tomber sur ma chaise en s’écriant « ce n’est donc qu’un roman ! » Et plus loin : « Vous m’avez fait bien plaisir [;] encore une ou deux lettres dans ce genre, cela ferait un bijou de volumes.»
Monsieur Depasse aura aimablement fait part de la conclusion que j’avais tirée de l’histoire (cf. mon historiographie de Charles Edmond, Tome IV). En voici un autre extrait : « Ainsi Charles Edmond avait charmé la destinataire de sa lettre. Il s’excuse même de ne pas avoir pu pouvoir lui offrir quelque chose de meilleur, comme un simple pain de boulanger. Seul le premier regard que Mme Nubar-Pacha portera sur la boîte suffira à le délivrer du terrible pacte contracté avec le vieillard de Murano ! A la lecture de ce conte, celle-ci ne pourra jamais regarder cette boîte comme un objet ordinaire : Charles Edmond y aura inclut un trésor qui ne peut être admiré que seulement le couvercle rabattu. Et ce trésor, c’est son amitié, qui vaut encore plus que des perles « grosses comme des oranges », et qui de toute façon ne tiendrait pas dans le plus élaboré des coffrets. »
Merci pour votre aide, monsieur Depasse, mais je ne suis point sûr de mieux comprendre. En tout état de cause, merci pour votre aide.
Peut-être qu’un changement de régime, comme poireau-pomme de terre, moins irritant et moins acide, pourrait améliorer sensiblement mon intellection.
Je consulte incontinent mon diététicien.
On lit à la fin de la version-texte du Conte vénitien . ce qui pourrait,mon cher PV,vous éclairer:”Madame Nubar-Pacha aura-t-elle vraiment compris le fin mot de l’énigme ? Sa réponse n’en
indique rien ; elle évoque plutôt un bon tour, la gratification d’un conte charmant. C’est donc
le conte qui est pour elle l’offrande, et non l’objet de Venise. Mais à réception de la boîte, que celle-ci précédât ou suivît sa réponse, elle dut immédiatement comprendre tout le sens du
cadeau qui lui était fait et de son énigme. Elle n’avait pas besoin de soulever le couvercle pour
en découvrir et apprécier le contenu, c’est à dire toutes les richesses du monde, que le
vieillard de Murano avait léguées à Charles Edmond, et que celui-ci lui offrait donc, puisque
son premier regard suffisait à lui seul résoudre le secret de la boîte”
… Je n’ai rien compris à la fin du conte bien que je l’aie écouté deux fois.
Le début est intéressant, mais les trois dernières minutes m’ont laissé sur ma faim.
J’ai été surpris que l’archéologue ait accepté le marché de dupe du collectionneur.
Et je ne suis pas sûr d’avoir compris en quoi la boîte est vraiment magique.
Merci à l’inlassable détective Guerchard.
Monsieur René Depasse nous fait le plaisir et l’honneur de lire une œuvre finement ciselée choisie parmi l’œuvre en langue française encore pas insuffisamment connue de Charles Edmond Chojecki. Ce choix illustre le pari que nous devinons fait par la cheville ouvrière de Littérature audio : nous faire découvrir des belles œuvres littéraires sans puiser uniquement dans la littérature classique. Charles Edmond écrivain était conscient qu’il n’appartenait pas aux caciques des lettres françaises. S’il n’est pas enseigné en classe – c’est le sort réservé au plus grand nombre des écrivains – sa vie et son œuvre sont passionnantes et éclairantes tant sur le plan littéraire qu’historique. Charles Edmond a été l’ami de célèbres personnalités et écrivains français (près d’une cinquantaine) et a été acteur et témoin, quelques années avant le Printemps des peuples et pendant plus de 50 ans, de l’histoire d’une Europe en édification. M. Emmanuel Desurvire, un des descendants de Charles Edmond Chojecki vient de publier un travail de grande envergure sur celui qui fut, entre autres, ardent défenseur de la cause polonaise, dramaturge, journaliste co-fondateur du célèbre journal indépendant « Le temps ». Ce travail était nécessaire car Charles Edmond aurait pu rester longtemps aussi énigmatique que son compatriote francophone Jan Potocki. D’ailleurs, au passage, en apprenant que Charles Edmond a traduit en 1847 du français en polonais Le manuscrit perdu à Saragosse nous comprenons le style et la forme (en abyme) du Conte vénitien. Mais bien d’autres liens directs et indirects peuvent aussi être tissés entre ce présent immatériel offert à son amie Mme Nubar Pacha et la biographie de son auteur : relations avec Proudhon, exil en Egypte qui inspira le roman Zéphyrin Cazavan, Exposition universelle, amitiés avec le Prince Napoléon, avec Renan et les frères Goncourt…
Merci à Monsieur Depasse pour cette lecture de l’unique conte, à notre connaissance, de Charles Edmond qui, au delà de toute la reconnaissance qu’il témoigne à la femme du futur premier Premier ministre d’Egypte, nous invite à rêver, bercés par les mystères d’un Orient échappé on ne sait comment jusqu’aux portes du monastère arménien de Murano.