« Nous qui sommes passés dans le Royaume de la Terreur, errons dans un crépuscule éternel au milieu des lieux où se déroula notre vie antérieure, invisibles les uns pour les autres et même pour nous-mêmes, nous cachant mélancoliques dans les endroits solitaires, brûlant du désir de parler à ceux que nous aimons, mais muets, et terrifiés par eux autant qu’ils sont terrifiés par nous. Parfois pourtant la frontière disparaît, la loi est suspendue : la puissance éternelle de l’amour ou de la haine rompt l’enchantement, et nous pouvons être vus par ceux que nous voulons avertir, consoler, ou punir. »
La Route au clair de lune (The moonlit road) parut en 1907 dans Cosmopolitan.
Cette nouvelle poignante, avec sa description mélancolique et désespérée du monde de l’au-delà, a été abondamment analysée et commentée dans le monde anglo-saxon.
Sa structure narrative (une succession de témoignages dont aucun ne contient l’entière vérité) a été reprise par Ryūnosuke Akutagawa, qui s’est fortement inspiré de La Route au clair de lune en 1922 lorsqu’il écrivit Dans le bosquet (Yabu no Naka). Cette nouvelle fut adaptée par la suite au cinéma par Akira Korozawa dans Rashomon.
Henry Purcell (1659-1695), Dido and Aeneas, Z. 626: Act III Scene 2: When I am laid in earth (Dido), interprété par Kirsten Flagstad (1952, domaine public).
Selon Poe, la longueur d’une nouvelle serait un défaut de composition, une infraction à son esthétique de la concision ; ainsi, chaque mot devrait résulter d’une intention de l’auteur, et la totalité du récit “parfaire le dessein prémédité” de l’auteur, autrement dit, préparer la chute, l’effet de surprise final. Rien à disputer au plan théorique, pourtant au terme de l’écoute de ce récit j’en viens à regretter sa brièveté. Est-il déraisonnable d’imaginer un texte où la tension serait maximale comme “La route au clair de lune” mais qui durerait des heures… Merci à M. Vincent de l’Epine pour cette remarquable lecture
Bonjour Benhaimouda, je suis vraiment heureux de lire ces deux commentaires 🙂 ! J’adore cette nouvelle dont je trouve la construction vraiment remarquable, tant elle préserve l’étrangeté tout au long de son déroulement. Je suis assez d’accord avec les propos de Poe, il y a vraiment un “art de la nouvelle” qui n’est pas exactement le même que l'”art du romancier”… La nouvelle est un bel objet ciselé où chaque chose est à sa place, où chaque mot a son rôle à jouer. C’est ce qui rend sa traduction très délicate.
Je n’arrive pas à imaginer cette tension étendue à un roman complet, de la même façon. J’ai souvenir de “La fin de l’éternité” d’Asimov, dont la version sous forme de roman était très différente de la nouvelle, bien que racontant à peu près la même histoire.
Ambrose Bierce est un auteur majeur ; nous avons déjà publié deux autres nouvelles, dont “Ce qui se passa au pont d’Owl Creek“, qui vous plaira certainement. Cette nouvelle, tout comme “La mort du Lieutenant Brayle“, partagent le point commun d’une phrase finale très forte, qui en fait tout le sel (et tant que j’y suis, vous avez aussi “Fièvre Romaine“, d’Edith Wharton, dans un genre très différent, avec une courte phrase finale qui renverse l’ensemble de la nouvelle, c’est du grand art !)
Merci de votre appréciation sur ma lecture, j’y suis très sensible. Au plaisir de vous retrouver !
Bonjour,
Je garde le souvenir scolaire d’une formule de Freud (l’inquiétante étrangeté) ; si, faute de pouvoir la définir, on en voulait donner un exemple, “La route au clair de lune” d’Ambrose Bierce conviendrait précisément. Admirable lecture de M. Vincent de l’Epine, claire, grave, et variée selon l’intensité dramatique ; j’ai même eu le sentiment que le donneur de voix narrait sa propre histoire. Du grand art, vraiment. Permettez-moi de rêver à d’autres lectures du même auteur…
Grâces vous soient rendues
Pps…
Je conseille cette histoire… impeccablement restituée par V de l ‘ É… à celle qui hante le campus la nuit… comme une Dame blanche… et escalade la Lune… Le sort de cette âme en peine devrait lui inspirer une empathique compassion…
Ps…
Coïncidence !!! Je m ‘ avise que dans le message de FATIMA… qui précède juste le mien… d’ un an déjà… elle soupirait après la lecture de ” Les montagnes hallucinées ” de LOVECRAFT… Ca ne s ‘ est pas fait sur ” LA “… mais ce fameux TINDALOS…… nous en fait le magnifique cadeau… sur You Tube… comme je l’ ai déjà indiqué… Dans la nouvelle traduction de François BON ( son blog est ebouriffant ! Quel énergumène ! )… ” Les montagnes de la folie “… Tout le reste… Lecture musique dessins… est de TINDALOS… à l ‘ arc aux mille cordes ! …
Mais je me dis que la chose n’ a pas dû echapper à celle qui parait être une fan du Maître de Providence…
Bonjour…
Voilà qui refroidit singulièrement l ‘ impatient désir de me retrouver de l’ autre côté… qu ‘ avait fait naître en moi… la foi du charbonnier en Conan DOYLE et sa joyeuse troupe de spirites… ou les balsamiques temoignages de NDE… Hum… Beaucoup moins sexy la vision d’ Ambrose BIERCE…
Le Sheol… l ‘ Hades… et autres lieux de villégiature… Jusqu’ à plus ample informé… dans l ‘ expectative… je vais faire tous mes efforts pour m’ accrocher à ce bon vieux plancher des vaches…
Dire que pendant ces deux ans j ‘ ai tracé à visage découvert… Quelle inconscience !
À ma grande honte… j’ avoue ne connaitre Ambrose BIERCE que par quelques histoires rencontrées au hasard de pérégrinations buissonnieres ( coucou JPB )… Le mal est déjà à demi réparé… Je viens de passer commande de 3 ou 4 recueils de nouvelles…
Ps… Sans vouloir porter le moindre dre ombrage à Jean-Luc FISCHER… dont les lectures de LOVECRAFT sont excellentes… et méritent l ‘ engouement qu’ elles suscitent sur ” LA “…
je signale à tous les amateurs qui l ‘ ignoreraient encore… ils doivent être peu nombreux… l’ admirable visitation de… L ‘ INTEGRALE de LOVECRAFT… dans l’ ordre chronologique d ‘ écriture… par… TINDALOS… On les trouve sur ” You Tube “…
Bonjour Fatima,
Je trouve seulement maintenant votre commentaire.
Merci à vous, c’est très stimulant ! Jean-Luc Fischer avait annoncé cette lecture il y a quelques années et je crois même qu’il avait commencé la traduction, mais il avait abandonné. Je ne sais pas si j’aurais le courage de me lancer dans une aussi longue traduction, Lovecraft est très difficile à traduire !
Oui, mais aussi quel beau roman… peut-être avez-vous semé une petite graine…
Bonsoir, j’attends avex impatience que vous ou J-L Fisher lisiez “les montagnes hallucinéses ” de Lovecraft. Au plaisir de vous entendre et un grand merci.
Bonjour Pascalette 🙂
Oui, cette nouvelle est terrible et belle ! Je suis vraiment heureux qu’elle vous ait plu. Ambrose Bierce a vraiment le grand talent de savoir écrire des nouvelles fantastiques pleines d’émotion. Merci de votre retour qui me motive pour chercher de nouveaux textes de cet auteur extraordinaire !