Cette poignante nouvelle de Jules Lemaître (1853-1914) est parue dans le magazine pour jeune filles Lisez-moi bleu en 1915.
« Quand ce joujou ne la divertit plus, c’est-à-dire quand Sophie eut six ans, Mme de Montcernay la mit à l’Abbaye-aux-Bois. L’enfant se soumit pour ne pas déplaire à celle qu’elle adorait. La marquise venait la voir deux ou trois fois l’an, toujours plus belle, éblouissante comme une apparition ; et Sophie ne vivait que pour ces visites. Sauvée de la souffrance continue par l’invincible mobilité de son âge, elle portait cependant au fond de son cœur une plaie secrète. Elle avait quelquefois, au milieu même de ses jeux, des crises subites de larmes. Sans doute elle n’était guère plus abandonnée que la plupart de ses compagnes ; elle comprenait ainsi que les petites filles nobles devaient être élevées d’une certaine façon et n’étaient pas faites pour vivre beaucoup avec leurs mères. Mais elle n’en souffrait pas moins. Les religieuses étaient bonnes pour elle, et, si elle l’avait voulu, elle aurait pu trouver, parmi les élèves de la classe rouge, quelque grande amie qui eut joué avec elle à la petite maman. Mais cela ne lui suffisait point. C’était sa mère qu’il lui fallait. »
illustration pour Sophie de Montcernay (Lisez-moi bleu : magazine illustré des jeunes filles et des jeunes gens, 1er juillet 1915)
Une littérature pas seulement pour jeunes filles, n’est-ce pas ? Merci à vous, déniel.
Touchante petite histoire courte.
Merci