Amaïdée est un poème en prose que Barbey d Aurevilly écrivit, jeune, en 1835 et qui ne fut publié que l’année de sa mort ; à la fin du poème on lit : « Quand il écrivit ces pages, l’auteur ignorait tout de la vie. L’âme très enivrée alors de ses lectures et de ses rêves, il demandait aux efforts de l’orgueil humain ce que seuls peuvent et pourront éternellement – il l’a su depuis – deux pauvres morceaux de bois mis en croix. Jeudi saint, 18 avril 1889. »
Trois personnages : le Poète Somegod (« quelque dieu ») qui doit être Maurice de Guérin, créateur du Centaure, le Philosophe Altaï en qui se peint l’auteur et une femme, Amaïdée, ancienne prostituée qui accompagne Altaï. « À eux trois ne représentaient-ils pas l’Amour, la Poésie et la Sagesse ? … Tout se tient, tout s’enchaîne, tout est un dans l’homme et dans la Nature : la vie de l’âme est aussi mystérieuse que la vie du corps ; mais c’est également de la vie. »
Naïve exaltation juvénile, parfois grande profondeur, mais toujours de très belles envolées lyriques :
« Écoute-moi, ô Amaïdée ! – dit Altaï. – L’amour passe, et la vertu demeure. Si je t’ai entraînée avec moi, ce n’était ni comme une victime ni comme une esclave. Je ne suis point un de ces insolents triomphateurs de l’âme des femmes, chassant devant eux les troupeaux qui leur serviront d’hécatombes. »
« Quand les hommes cherchent la solitude, quand on les voit se rejeter au sein quitté de la Nature, on les juge d’abord malheureux. Peut-être ce jugement n’est-il pas trop stupide pour le monde ; car jamais la Nature n’est plus belle que quand nous avons le cœur brisé. Mais le mystère, l’éternel mystère, c’est la Douleur, cet ange à l’épée flamboyante, qui nous pousse du monde au désert et de la vie à la Nature, et qui s’assied à l’entrée de notre âme pour nous empêcher d’y rentrer si nous ne voulons périr. »
« Souvent c’était une église abandonnée, parfois un sépulcre écroulé ou un colombier où ne s’abattaient plus les sonores volées de pigeons, mais où il en revenait parfois un ou deux peut-être, mélancoliques et bientôt repartis d’un vol rapide, comme les souvenirs dans nos cœurs ! Tantôt ils restaient sur les grèves, assis sur quelque banc de coquillages, suivant de l’œil la mer qui s’en allait, triste et éternelle voyageuse dont le manteau bleu traîne à l’horizon, quand elle est le plus loin, comme pour empocher l’ordinaire oubli de l’absence. »
Bonjour René ,
Merci et bon courage …
AHMED