« Qui n’a pas vu Nikko, n’a pas le
droit d’employer le mot : splendide. »
(Proverbe japonais.)
« C’est, sous le couvert d’une épaisse forêt, au penchant de la Sainte Montagne de Nikko, au milieu de cascades qui font à l’ombre des cèdres un bruit éternel, — une série de temples enchantés, en bronze, en laque aux toits d’or, ayant l’air d’être venus là à l’appel d’une baguette magique, parmi les fougères et les mousses, dans l’humidité verte, sous la voûte des ramures sombres, au milieu de la grande nature sauvage.
Au dedans de ces temples, une magnificence inimaginable, une splendeur de féerie. Et personne alentour, que quelques bonzes gardiens qui psalmodient, quelques prêtresses vêtues de blanc qui font des danses sacrées en agitant des éventails. De temps en temps, sous la haute futaie sonore, les vibrations lentes d’une énorme cloche de bronze, ou les coups sourds d’un monstrueux tambour-à-prière. Autrement, toujours ces mêmes bruits qui semblent faire partie du silence et de la solitude : le chant des cigales, le cri des gerfauts en l’air, le cri des singes dans les branches, la chute monotone des cascades.
Tout cet éblouissement d’or, au milieu de ce mystère de forêt, fait de ces sépultures quelque chose d’unique sur la terre. C’est la Mecque du Japon; c’est le cœur encore inviolé de ce pays qui s’effondre à présent dans le grand courant occidental, mais qui a eu son passé merveilleux. Ils étaient des mystiques étranges et des artistes bien rares, ceux qui, il y a trois ou quatre cents ans, ont construit ces magnificences, au fond des bois et pour des morts. »
dans le recueil Japoneries d’automne en 1889.
Capanila Latifolia – photo Kurt Stüber
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