La Poupée de Porcelaine

« Key était semblable à quantité de petites filles de son âge : le teint frais, un joli minois, des manières douces et un air mutin. Mais ce qui distinguait Key était cette passion qu’elle mettait dans tout ce qu’elle faisait.
A l’école, elle ne cherchait point à être la première. Elle n’avait pas de véritable orgueil, qui l’eût rendue aveugle sur les autres et sur elle-même. En revanche, dans les matières qui avaient l’heur de lui plaire, elle excellait, que ce soit en littérature, en mathématiques ou en histoire, ce qui la hissait immanquablement parmi les tous meilleurs élèves de sa classe.
Toutefois, aussi complète était sa formation, il y manquait quelque chose. Du haut de ses douze ans, elle n’aurait su définir quoi, puisque, précisément, cette chose-là n’était point comprise au programme. Elle ne pouvait l’appréhender que par l’impression de vide qu’elle ressentait en elle, comme elle aurait passé le doigt sur les bords d’un récipient, sans pouvoir y plonger la main pour en palper le contenu.
Elle avait cherché longtemps ce que ce pouvait être. Elle en avait parlé à sa mère. Celle-ci avait cherché avec elle, mais n’avait pu mieux identifier la nature de ce manque.
Or, un jour qu’elle s’était rendue chez une amie, Key s’approcha d’un grand meuble en bois. Suivant la direction de son regard, celle-ci s’était mêlée de satisfaire sa curiosité. Elle avait soulevé le couvercle de ce meuble aux formes exotiques et avait délivré à la vue de Key une suite de touches blanches et noires.
« “- Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle, avec un brin de candeur.
– Un piano !”»