Le mathématicien D’Alembert, dans l’Encyclopédie, avait pris parti en faveur de la construction d’un théâtre dans la ville natale de Rousseau, Genève, marquée par son calvinisme et son rigorisme moral. Rousseau lui répond dans cette longue lettre datée de 1758.
La question primordiale que pose Rousseau est de savoir s’il existe un lien entre l’existence du théâtre et le relâchement des mœurs. Pour lui, les pièces de Racine, Corneille ou Molière tout édifiantes que ces auteurs les prétendent, ne favorisent nullement la vertu et n’améliorent en rien ceux qui assistent aux représentations. Il arrive à des formules du genre : « Le théâtre — et les cités ou états où on les édifie — sont ainsi des lieux où triomphent les femmes, où elles sont exposées aux regards et où elles prennent le pas sur les hommes, ce qui est la pierre de touche d’un état social aussi éloigné que possible de l’état de nature. » ou encore « Revenant maintenant à nos Comédiennes, je demande comment un état dont l’unique objet est de se montrer au public, et qui pis est, de se montrer pour de l’argent, conviendroit à d’honnêtes femmes, et pourroit compatir en elles avec la modestie et les bonnes mœurs ? »
Les digressions sont nombreuses sur le duel, la pauvreté, la condition féminine, la vertu, les plaisirs innocents de la vie champêtre et des confidences personnelles, à la manière des « farcissures » de Montaigne …
Jean-Honoré Fragonard, Acteur (1769).
Merci pour la lecture. Cependant, malgré quelques critiques pertinentes des œuvres théâtrales, cette réaction à la proposition d’Alembert est celle d’un Rousseau réactionnaire. Je prononce ce jugement avant que le fasse ce pseudo-philosophe médiatisé, qu’est Michel Onfry, et avant qu’il nous surprend par un livre indigne d’un mémoire d’un étudiant en Maîtrise Philosophie, et qui fera tort aux arbres et à la noble culture française.