Répondre à : HOWARD, Robert Ervin – Une sorcière viendra au monde

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#161819
Vincent de l'ÉpineVincent de l’Épine
Maître des clés

    6.    Les ailes du vautour

    Ce fut la lumière d’une torche fumante qui sortit Taramis, reine de Khauran, du sommeil où elle cherchait l’oubli. Se soulevant à demi sur une main, elle ramena ses cheveux en arrière et cligna des yeux, espérant pouvoir affronter les moqueries de Salomé, riant des nouveaux tourments qu’elle allait lui faire subir. Mais au lieu de cela, elle entendit un cri de pitié et d’horreur.
    « Taramis ! Oh, ma reine ! »
    Ce son était si étrange à ses oreilles qu’elle crut qu’elle rêvait encore. Mais derrière la torche, elle pouvait maintenant distinguer des silhouettes, puis l’éclat de l’acier, puis elle vit cinq visages penchés sur elle, pas ces faces basanées au nez crochu, mais des visages maigres et aquilins, brunis par le soleil. Elle se recroquevilla dans ses guenilles, le regard éperdu.
    L’une des silhouettes s’avança et mit un genou à terre, les bras tendus vers elle en un geste de supplique.
    « Oh, Taramis ! Louée soit Ishtar, nous vous avons retrouvée ! Vous souvenez-vous de moi ? Je suis Valerius. Une fois, de vos propres lèvres, vous avez fait mon éloge, après la bataille de Korkeva ! »
    « Valerius ! » balbutia-t-elle. Soudain les larmes lui vinrent aux yeux. « Oh, mais je rêve ! C’est un nouveau sortilège de Salomé, pour me tourmenter ! »
    « Non ! » exulta-t-il. « Ce sont vos fidèles vassaux qui sont venus vous secourir ! Mais nous devons nous dépêcher. Constantius se bat dans la plaine contre Conan, qui a fait franchir la rivière aux Zuagirs, mais trois cents Shemites tiennent encore la ville. Nous avons tué le geôlier et avons pris ses clés, et n’avons pas vu d’autre garde. Mais nous devons partir. Venez ! »
    Les jambes de la reine lui manquèrent, non pas de fatigue mais suite à l’émotion. Valérius la souleva comme un enfant, et, le porteur de torche se hâtant devant eux,  ils quittèrent les prisons et montèrent un escalier de pierre humide. Il semblait monter sans fin, mais ils finirent par émerger dans un couloir.
    Ils passaient sous une arche sombre quand la torche s’éteignit soudain, tandis que son porteur poussait un bref mais terrible cri d’agonie. Un jaillissement de feu bleuté éclaira le couloir. Ils aperçurent brièvement le visage furieux de Salomé, un être monstrueux couché à ses côtés – puis leurs yeux furent éblouis par l’éclat de la flamme.
    Valerius tenta de fuir en titubant avec la reine ; hébété, il entendit le bruit de coups mortels s’enfonçant profondément dans la chair, accompagnés de cris d’agonie et de grognements monstrueux. Puis la reine lui fut brutalement arrachée des bras, et un coup violent sur son casque le projeta à terre.
    Il se releva, déterminé, secouant la tête afin d’échapper à la flamme bleue qui semblait toujours danser comme un démon devant lui. Quand son éblouissement se dissipa, il vit qu’il était seul dans le couloir, avec les cadavres. Ses quatre compagnons gisaient dans leur sang, la tête et la poitrine lacérés et défoncés. Aveuglés et étourdis par ce feu infernal, ils étaient morts sans avoir même pu se défendre. La reine n’était plus là.
    Jurant amèrement, Valerius ramassa son épée, arracha de sa tête son casque fendu qu’il jeta au sol ; le sang coulait sur sa joue d’une blessure qu’il avait au crâne.
    Chancelant et indécis, il entendit alors une voix qui l’appelait désespérément : « Valerius ! Valerius ! »
    Il tituba en direction de la voix, et, tournant à un angle du couloir, il recueillit dans ses bras une forme souple et douce qui se jeta frénétiquement contre lui.
    « Ivga ! Mais tu es folle ! »
    « Il fallait que je vienne ! sanglota-t-elle. « Je t’ai suivi, je me suis cachée derrière une arche dans la cour extérieure. Il y a un moment, je l’ai vue, elle,  émerger avec un monstre qui portait une femme dans ses bras. Je savais que c’était Taramis, et que tu avais échoué ! Oh, mais tu es blessé ! »
    « Ce n’est rien ! » Il se dégagea de son étreinte. « Vite, Ivga, dis-moi par où ils sont partis ! »
    « Ils ont traversé la place en direction du temple. »
    Il pâlit. « Par Ishtar ! Oh, la diablesse ! Elle veut offrir Taramis au démon qu’elle vénère ! Vite, Ivga, cours au mur sud où les gens regardent la bataille ! Dis-leur que leur véritable reine a été retrouvée, et que l’usurpatrice l’a trainée vers le temple ! Va ! »
    La fille se mit à courir en sanglotant, ses petites sandales battant le pavé, et Valerius s’élança à travers la cour, puis dans la rue, et sur la place sur laquelle elle donnait. Il se mit à courir vers l’imposant bâtiment qui se dressait de l’autre côté.
    Ses pieds volaient au-dessus du marbre tandis qu’il empruntait le large escalier et passait entre les colonnes du portique. De toute évidence, leur prisonnière leur avait causé quelques difficultés. Taramis, devinant le destin funeste qui lui était promis, le combattait avec toute la vigueur de son jeune corps. Une fois elle réussit à échapper à la brutalité du prêtre, mais seulement pour se voir traînée de force à nouveau.
    Le groupe avait déjà franchi la moitié de la large nef, au bout de laquelle s’élevait le sinistre autel, et au-delà, la grande porte métallique, couverte de gravures obscènes, que beaucoup avaient franchie, mais dont seul Salomé était ressortie. La respiration de Taramis n’était plus qu’un halètement fébrile ; elle avait perdu ses lambeaux de vêtements pendant la lutte. Elle se débattait dans les bras de son hideux ravisseur comme une blanche nymphe, nue dans les bras d’un satyre. Salomé les regardait d’un air moqueur, mais montrait quelques signes d’impatience. Elle se dirigea vers la porte sculptée, et depuis la pénombre qui régnait entre les immenses murs, les dieux obscènes et les gargouilles les contemplaient, comme animés d’une vie maléfique.
    Fou de rage, Valerius dévala la grande galerie, l’épée à la main. Salomé poussa un cri perçant ; le prêtre à face de crâne leva les yeux, puis relâchant Taramis, il sortit un lourd poignard, déjà souillé de sang, et se précipita sur le Khauranien.
    Mais poignarder des hommes aveuglés par le feu infernal libéré par Salomé est une chose, combattre un jeune Hyborien robuste, empli de rage et de haine, en est une autre.
    Le couteau dégoulinant de sang se leva, mais avant qu’il s’abatte, la lame étroite et acérée de Valerius fendit l’air, et la main qui tenait le couteau fut séparée de son poignet dans un jaillissement de sang. Valerius, ivre de fureur, frappa encore et encore avant que le corps ramassé sur lui-même s’écroule. La lame fendit chairs et os. 
    Valerius fit volte-face, aussi rapide qu’une panthère, cherchant du regard Salomé. Elle devait avoir épuisé ses réserves de feux infernaux dans la prison, car elle était penchée sur Taramis, tenant fermement dans une main la chevelure noire de la reine, et de l’autre, levant une dague. Mais alors avec un cri furieux, Valerius lui lança son épée dans la poitrine, avec une telle force, que la pointe ressortit entre ses épaules. Poussant un cri horrible, la sorcière s’écroula en se tordant de douleur, agrippant la lame nue de ses mains, tandis que Valerius la retirait fumante et pleine de sang.  Les yeux de la sorcière n’avaient plus rien d’humain ; avec une vitalité surnaturelle, elle s’accrochait à la vie qui s’écoulait à travers la blessure, qui avait coupé en deux la lune de sang sur son sein d’ivoire.  Elle rampa sur le sol, griffant et mordant la pierre dans son agonie.
    Révulsé par ce spectacle, Valerius se pencha et souleva la reine à demi évanouie. Tournant le dos à la silhouette qui se tortillait sur le sol, il courut vers la porte, trébuchant dans sa précipitation. Il parvint tant bien que mal au portique, et s’arrêta en haut des marches. La place était noire de monde. Certains étaient venus suite aux appels incohérents d’Ivga ; d’autres avaient quitté les murs par crainte des hordes venues du désert, fuyant sans réfléchir vers le cœur de la ville. Mais la foule n’était plus résignée, les gens se pressaient et reculaient, grondaient et hurlaient. On entendait, venant des abords de la route, un fracas de pierres et de poutres qui s’écroulaient.
    Un groupe de sinistres Shemites fendit la foule – les gardes de la porte nord, qui se précipitaient à cheval vers la porte sud pour y renforcer leurs camarades. Ils arrêtèrent leurs montures à la vue du jeune homme en haut des marches, qui portait dans ses bras la silhouette nue et inerte. Dans la foule, chacun porta son regard vers le temple, et resta interdit devant cette vision, qui ajouta encore à la terrible confusion qui régnait sur la place.
    « Voici votre reine ! » cria Valerius, essayant de se faire entendre dans le vacarme de la foule. Le peuple lui répondit par un hurlement de surprise. Ils ne comprenaient pas, et Valerius essaya en vain de faire entendre sa voix au milieu du tumulte. Les Shemites lancèrent leurs chevaux vers les marches du temple, se frayant un chemin dans la foule à coups de lance.
    C’est alors qu’un nouvel évènement monstrueux vint s’ajouter à la frénésie générale. Des ténèbres du temple derrière Valerius émergea en titubant une mince silhouette blanche, striée de traces sanglantes. Les gens crièrent : là, dans les bras de Valerius, ils voyaient la femme qu’ils pensaient être leur reine, et pourtant à la porte du temple, se tenait une silhouette chancelante, qui était comme son reflet. Ils ne savaient que penser. Valerius sentit son sang se glacer dans ses veines à la vue de la sorcière. Son épée l’avait traversée, lui fendant le cœur en  deux.  Elle aurait dû être morte : de par toutes les lois de la nature, elle aurait dû être morte. Et pourtant elle était là, chancelante, s’accrochant monstrueusement à la vie.
    « Thaug ! » cria-t-elle, se tournant vers l’intérieur du temple. « Thaug ! » Et comme en réponse à cette terrible invocation, retentit dans le temple un terrible croassement, puis on entendit craquer du bois et du métal.
    « C’est elle la reine ! » rugit le capitaine des Shémites, levant son arc. « Abattez l’homme et l’autre femme ! »
    Mais un rugissement de meute enragée monta de la foule, les citadins avaient fini par deviner la vérité, par entendre les appels frénétiques de Valerius, et comprendre que la femme qui se balançait inerte dans les bras de Valerius était leur vraie reine. Avec un cri terrifiant, ils se jetèrent sur les Shémites, les frappant et les lacérant de leurs dents et de leurs ongles et de leurs mains nues, avec tout le désespoir d’une rage longtemps contenue et enfin libérée. Au-dessus d’eux, Salomé vacilla et s’écroula, dévalant l’escalier de marbre, enfin morte.
    Les flèches volaient autour de Valerius tandis qu’il se réfugiait entre les piliers du portique, faisant de son corps un bouclier pour la reine. Décochant leurs flèches et frappant sans pitié, les cavaliers Shémites tenaient bon contre la foule déchaînée. Valerius s’élança vers la porte du temple, mais à peine avait-il posé le pied sur le seuil qu’il recula, poussant un cri d’horreur et de désespoir.
    Surgissant des ténèbres de l’autre côté de la grande salle, une vaste forme noire se soulevait, puis elle se précipita vers lui en faisant de gigantesques bonds. Il vit la lueur de grands yeux étranges, le scintillement de griffes ou de serres. Il chancela vers l’extérieur, mais alors le sifflement d’une flèche à ses oreilles l’avertit que la mort l’attendait aussi au-dehors.  Désespéré, il se retourna. Quatre ou cinq Shémites s’étaient frayé un passage à travers la foule et poussaient leurs montures à l’assaut de l’escalier, l’arc levé pour l’abattre.  Il bondit derrière un pilier, sur lequel se brisèrent les flèches. Taramis avait perdu connaissance. Elle était comme morte dans ses bras.
    Avant que les Shémites puissent décocher de nouvelles flèches, la porte fut obstruée par une forme gigantesque. Avec des cris terrifiants, les mercenaires firent demi-tour et commencèrent à se tailler un passage dans la foule, qui reflua soudainement en frémissant d’horreur, chacun bousculant et piétinant son voisin dans cohue.
    Mais le monstre semblait porter son attention sur Valerius et la jeune femme. Faisant passer maladroitement son corps massif par la porte, il bondit vers eux, tandis qu’ils dévalaient les marches. Valerius sentait sa présence derrière lui, une ombre immense, comme un simulacre de la nature découpé dans d’épaisses ténèbres, une noirceur sans forme où l’on ne distinguait que des yeux fixes et des crocs luisants.
    Alors on entendit le soudain fracas de sabots ; des Shémites en déroute, sanglants et vaincus, arrivaient sur la place par le côté sud, s’enfonçant aveuglément dans la foule compacte. Derrière eux jaillit une horde de cavaliers qui criaient dans une langue familière, brandissant des épées sanglantes – les exilés, de retour ! A leurs côté chevauchaient cinquante cavaliers du désert à la barbe noire, avec à leur tête un géant en cotte de maille noire.
    « Conan ! » hurla Valerius. « Conan ! »
    Le géant lança un ordre. Sans réduire leur allure, les hommes du désert levèrent leurs arcs, et décochèrent une nuée de flèches qui survolèrent la foule surexcitée, et s’enfoncèrent jusqu’à l’empennage dans le monstre de la nuit. Celui-ci s’arrêta, chancela, se cabra, tache noire devant les piliers de marbre. Une autre volée de flèches suivit, puis encore une autre, et enfin la monstruosité s’écroula et dévala les marches, aussi morte que la sorcière qui l’avait invoquée de la nuit des temps.
    Conan arrêta son cheval devant le portique, et sauta à terre. Valerius avait déposé la reine sur le sol de marbre, et s’était écroulé à ses côtés, épuisé. Les gens accoururent, et se pressèrent autour d’eux. Le Cimmérien les repoussa, puis souleva la tête brune de la reine, l’appuyant contre son épaule couverte de mailles.
    « Par Crom, qu’est-ce donc ? La véritable Taramis ! Mais qui est l’autre, là-bas ? »
    « Le démon qui avait pris son apparence », haleta Valerius.
    Conan jura violemment. Arrachant un manteau des épaules d’un soldat, il en enveloppa le corps nu de la reine. Les longs cils noirs de cette dernière frémirent, elle ouvrit les yeux, et regarda, incrédule, le visage balafré du Cimmérien.
    « Conan ! » Ses doigts délicats se refermèrent sur lui. « Est-ce que je rêve ? Elle m’avait dit que tu étais mort… »
    « Loin de là ! » grogna-t-il. « Vous ne rêvez pas. Vous êtes à nouveau reine de Khauran. J’ai vaincu Constantius, là-bas au bord de la rivière. La plupart de ses chiens ne sont pas parvenus vivants jusqu’aux murs de la ville, car j’avais ordonné de ne pas faire de prisonniers, à part Constantius. La garde de la ville nous a fermé les portes au nez, mais nous les avons forcées à l’aide de béliers que nous portions sur nos selles. J’ai laissé mes loups au-dehors, à part ces cinquante-là. Je ne leurs faisais pas assez confiance pour les laisser entrer, et ces jeunes Khauraniens suffiront pour tenir les portes. »
    « Ce fut un cauchemar » gémit-elle. « Oh, mon pauvre peuple ! Tu dois m’aider à les payer de retour pour tout ce qu’ils ont souffert, Conan, désormais mon conseiller aussi bien que mon capitaine ! »
    Conan rit, mais secoua la tête. Se levant, il remit la reine sur ses pieds, et fit signe à ses cavaliers Khauraniens qui n’avaient pas continué la poursuite des fuyards Shémites. Ils sautèrent à terre, impatients d’exaucer les désirs de leur reine enfin retrouvée.
    « Non, hélas, c’en est fini de cela. Je suis le chef des Zuagirs maintenant, et je dois les emmener piller Turan, comme je l’ai promis. Ce jeune homme, Valerius, fera un meilleur capitaine que moi. Je ne suis pas fait pour vivre entre des murs de marbre, de toute façon. Mais je dois te laisser maintenant, et terminer ce que j’ai commencé. Il y a encore des Shémites à Khauran.
    Tandis que Valerius s’apprêtait à suivre Taramis vers le palais de l’autre côté de la place, à travers un passage qui s’ouvrait dans la multitude enthousiaste, il sentit une douce main s’insinuer entre ses doigts musclés, et lorsqu’il se retourna, ce fut pour recevoir le svelte corps d’Ivga entre ses bras. Il la serra contre lui, et reçut ses baisers avec la gratitude d’un guerrier épuisé qui trouve enfin le repos après des aventures et des tempêtes.
    Mais tous les hommes ne cherchent pas le repos et la paix ; certains sont nés avec l’esprit de la tempête dans leur sang, éternels porteurs de la violence et du massacre, ils n’ont pas d’autre voie.
    Le soleil se levait. La vieille route des caravanes était couverte de cavaliers en blanc, qui formaient une ligne indécise s’étendant des murailles de Khauran jusqu’à l’horizon dans la plaine. Conan le Cimmérien était à la tête de la colonne, près d’une poutre de bois déchiquetée  plantée dans le sol. A côté de ce vestige, se dressait une lourde croix, et sur cette croix, un homme avait été cloué par des pieux enfoncés dans ses mains et dans ses pieds.
    « Il y a sept mois, Constantius » dit Conan, « C’était moi qui étais pendu là, et toi qui te trouvais ici sur ton cheval. »
    Constantius ne répondit pas ; il lécha ses lèvres grisâtres, et ses yeux étaient vitreux de douleur et de terreur. La souffrance faisait saillir ses muscles comme des cordes sur son corps maigre.
    « Tu es plus doué pour infliger la torture que pour la supporter » dit Conan tranquillement. « J’ai été crucifié ici comme tu l’es maintenant, et j’ai survécu, grâce aux circonstances, mais aussi grâce à cette endurance qui est particulière aux barbares. Mais les hommes civilisés sont mous, la vie n’est par chevillée à votre corps comme la nôtre. Votre courage consiste surtout à infliger des tourments, pas à les endurer. Tu seras mort avant le coucher du soleil. Et sur ce, Faucon du Désert, je te laisse en compagnie d’autres oiseaux du désert. »
    Il fit un geste en direction des vautours dont les ombres se dessinaient sur le sable tandis qu’ils tournoyaient dans le ciel. Des lèvres de Constantius, jaillit un cri inhumain, de désespoir et d’horreur.
    Conan saisit les rênes, et chevaucha vers la rivière qui brillait comme de l’argent dans le soleil du matin. Derrière lui, les cavaliers vêtus de blanc passèrent au trot, et le regard de chacun d’eux, quand il passait un certain point, se tournait, sans émotion, et avec l’absence de compassion qui caractérise les hommes du désert, vers la croix, et la morne silhouette qui y était suspendue, et qui se découpait noire devant le soleil levant. Les sabots de chevaux  qui martelaient la poussière sonnaient le glas de l’homme crucifié.
    Les ailes des vautours affamés tournaient dans le ciel, de plus en plus bas.

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