Répondre à : COLLODI, Carlo – Pinocchio

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#153019
PommePomme
Participant

    Chapitre 7

    Le pauvre Pinocchio, qui avait encore les yeux tout brouillés de sommeil, ne s’était pas aperçu que ses pieds étaient brûlés. Dès qu’il eut entendu la voix de son père, il sauta de son tabouret et se précipita pour ouvrir le loquet. Mais, à peine eut-il fait deux pas chancelants qu’il tomba de tout son long sur le sol, en faisant autant de bruit qu’un sac de gravats de cent kilos tombant du cinquième étage.

    – Ouvre-moi ! criait Geppetto, qui était toujours dans la rue.

    – Papa, je ne peux pas ! répondit le pantin en pleurant et en se roulant par terre.

    – Pourquoi tu ne peux pas ?

    – Parce qu’on m’a mangé les pieds.

    – Et qui t’a mangé les pieds ?

    – Le chat, dit Pinocchio, en voyant le chat qui s’amusait à faire danser quelques copeaux avec ses pattes de devant.

    – Ouvre-moi, je te dis, répéta Geppetto, sinon, quand j’arriverai, le chat, c’est moi qui m’en occuperai.

    – Je ne peux pas tenir debout, crois-moi ! Oh ! Pauvre de moi ! Pauvre de moi qui devrai marcher sur les genoux toute ma vie !

    Geppetto, croyant que tous ces pleurs n’étaient qu’une nouvelle farce du pantin, décida d’en finir et, grimpant sur le mur, il entra par la fenêtre.

    Il avait l’intention de dire et faire beaucoup de choses. Mais, quand il vit son pauvre Pinocchio allongé par terre et sans pieds, il n’y tint plus. Il le prit par le cou et il se mit à lui faire mille baisers et mille caresses, et, pendant que les larmes ruisselaient sur ses joues, il dit en sanglotant :

    – Mon cher petit Pinocchio à moi ! Comment t’es-tu brûlé les pieds ?

    – Je n’en sais rien, papa, mais crois bien que ce fut une nuit d’enfer et je m’en souviendrai toute ma vie. Il y avait le tonnerre, les éclairs et j’avais très faim, et alors le Grillon me dit « Bien fait pour toi ! Tu as été méchant ! Tu le mérites ! » Et je lui ai dit : « Arrête, Grillon ! » et il me dit : « Tu es un pantin, tu as une tête de bois » Et je lui envoyai un marteau et il mourut, mais ce fut sa faute, parce que je ne voulais pas le tuer, et puis j’ai mis une casserole sur le feu et le poussin est sorti en me disant « Au revoir et bonjour chez toi ! », et moi, j’avais de plus en plus faim, et le petit vieux au bonnet de nuit ouvrit la fenêtre en me disant : « Tends ton chapeau ! » et il me vida un seau d’eau sur la tête, et pourquoi ? parce que je lui demandais un peu de pain, ce n’est pas méchant, ça, tu ne trouves pas ? Et je retournai à la maison, parce que j’avais de plus en plus faim, je mis mes pieds sur le feu pour me sécher et réchauffer, et maintenant, la faim, je l’ai toujours, et les pieds, je ne les ai plus. Hi ! hi ! hi ! 

    Et le pauvre Pinocchio commença à pleurer et à crier si fort qu’on l’entendait à cinq kilomètres à la ronde.

    Geppetto, dans tout ce discours embrouillé, n’avait compris qu’une seule chose, c’est que son pantin mourait de faim. Il sortit de sa poche trois poires et les tendit à Pinocchio en disant :

    – Ces trois poires étaient pour mon déjeuner, mais je te les donne volontiers. Mange-les et régale-toi !

    – Si tu veux que je les mange, fais-moi le plaisir de les éplucher.

    – Les éplucher ? répondit Geppetto éberlué. Je n’aurais jamais cru, mon garçon, que tu sois aussi délicat du palais. C’est mal ! En ce monde, mon cher petit, il ne faut pas faire le difficile et manger de tout, parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver.

    – Tu parles bien, répliqua Pinocchio, mais moi, je ne mange jamais un fruit qui ne soit pas épluché. Les peaux, je les déteste.

    Et ce brave homme de Geppetto, sortant un couteau de sa poche et s’armant de patience, pela les trois poires et posa les peaux sur un coin de la table.

    Quand Pinocchio, en deux bouchées, eut mangé la première poire, il voulut jeter le trognon. Mais Geppetto le retint, en disant :

    – Ne le jette pas ! Tout peut servir.

    – Mais les trognons, moi, je ne les mange pas ! cria le pantin, en se retournant comme une vipère.

    – Qui sait ! Il peut arriver tant de choses !

    Et les trois trognons, au lieu d’être jetés par la fenêtre, furent posés sur le coin de la table.

    Après avoir mangé, ou plutôt dévoré les trois poires, Pinocchio bailla longuement et dit :

    – J’ai encore faim !

    – Mais moi, mon garçon, je n’ai plus rien à te donner.

    – Vraiment rien, rien du tout ?

    – Il y a seulement les peaux et les trognons des poires.

    – Patience ! dit Pinocchio. S’il n’y a rien d ‘autre, je mangerai une peau.

    Et il commença à manger. D’abord, il fit la grimace. Puis, l’une après l’autre, il mangea toutes les peaux, et, après les peaux, les trognons. Quand il eut fini de tout manger, il se frotta le ventre en disant :

    -Maintenant, j’ai bien mangé !

    -Tu vois que j’avais raison quand je te disais qu’il ne faut pas faire le difficile et manger de tout ! Mon cher petit, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver dans ce monde.


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