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8.
La devanture avait conservé son style « Belle Epoque », centenaire, en bois, plaqué sur les piliers de pierre de l’immeuble, encadrant une vitrine haute soutenue par un épais panneau de chêne massif, flanquée à sa gauche d’une porte qui secouait une clochette au tintement aigrelet quand on la poussait. Tout ce bois extérieur était proprement repeint d’un orangé pâle tirant sur le jaune, donnant l’aspect du miel. Le coffrage, qui camouflait le rideau de fer pour la fermeture et le store pare-soleil ainsi que leurs mécanismes respectifs auxquels madame Labeille avait fait adjoindre un moteur électrique remplaçant l’ancienne manivelle, supportait ce nom célèbre représenté par une belle calligraphie soignée, noire et italique : « La Ruche Aux Mots ». L’allure surannée de la boutique la rendait presque anachronique au milieu du mobilier urbain neuf qui ornait les trottoirs et la petite place ombragée par queLques tilleuls survivants d’une époque où les maires étaient plus soucieux d’offrir de l’ombre à leurs administrés que d’implanter des parkings payants sur le moindre espace non lucratif. Autour de la place, fleurissaient donc piquets, barrières d’acier interdisant les stationnements illicites, poubelles au design recherché, abribus publicitaires, bancs publics plastifiés inaltérables aux intempéries, et surtout le grand panneau électronique central diffusant les annonces locales et municipales, fierté du premier citoyen de la commune. Dans ce décor, la librairie se découvrait avec un air « tendance » prisé des jeunes et un air « rétro » attirant les moins jeunes en mal de nostalgie.